Le Medef peut-il faire pschitt ?
Alexandre Saubot (à gauche) et Geoffroy Roux de Bezieux (à droite): un fauteuil pour deux au Medef (SIPA)

Le Medef peut-il faire pschitt ?

« Le Medefff ? Quand on prononce le mot, on dirait un pneu qui se dégonfle. » Cette amabilité avait été lâchée par François Michelin, qui s’exprimait en connaisseur, quelques mois à peine après la création, en 1998, de l’organisation patronale. Vingt ans plus tard, alors que le Medef s’apprête à élire, mardi 3 juillet, son nouveau président, le mouvement n’a jamais semblé autant à bout de souffle.

« Certains disent que le Medef est mort, et je ne suis pas loin de le penser », avoue Alexandre Saubot, l’un des deux candidats en lice. « C’est une organisation datée qui doit évoluer », renchérit avec euphémisme Denis Kessler, le patron du réassureur Scor, ex-numéro deux sous la présidence d’Ernest-Antoine Seillière. Une campagne sous anxiolytiques ? On a connu mieux pour galvaniser des troupes pas réputées pour leur enthousiasme échevelé.

Alexandre Saubot ou Geoffroy Roux de Bézieux, Geoffroy Roux de Bézieux ou Alexandre Saubot ? Le suspense est à son comble chez les adhérents.

En revanche, pour les Français, ce combat des chefs n’évoque pas grand-chose si ce n’est un exercice de démocratie suranné. La ringardisation n’est pas l’apanage des confédérations syndicales. Après le « dégagisme » en politique, voici l’obsolescence programmée du paritarisme social dans lequel le patronat a sa part.

Alors cette élection, c’est bonnet blanc contre blanc bonnet ? Les optimistes tenteront de se rassurer en soulignant que M. Roux de Bézieux est un peu plus médiatique que son adversaire. Et après ? Comme le reconnaît l’actuel titulaire du poste, Pierre Gattaz, « 90 % de leurs idées sont communes ». Ce qui en dit long sur la vivacité du débat.

Pourtant, les sujets de clivage ne manquent pas au moment où le monde issu de l’après-guerre connaît une mutation profonde. Remise en cause du multilatéralisme, attaque en règle contre la construction européenne, révolution technologique, qui promet de transformer le travail de façon inédite, menace de guerre commerciale, montée des populismes et des inégalités, enjeux climatiques et migratoires : on attend toujours les prises de position courageuses du Medef sur ces questions.

Au-delà de programmes convenus et rabâchés sur la baisse des charges, la sempiternelle réduction des impôts ou la chasse aux réglementations, les deux candidats ont tenté de ratisser le plus large possible en ralliant à eux des figures du patronat plus ou moins sur le retour. Les inoxydables Maurice Lévy et Gérard Mestrallet pour Roux de Bézieux, la vénérable Union des industries et métiers de la métallurgie, pilier historique du patronat français, pour Saubot, dont il est lui-même issu. Pas vraiment représentatif du nouveau souffle indispensable pour redonner un peu de fermeté à la chambre à air évoquée par M. Michelin.

Il faut dire que reprendre le flambeau de M. Gattaz n’a rien d’une sinécure. Non pas que celui-ci ait placé la barre trop haut. Ce serait plutôt le contraire. « Nous avons gagné le combat des idées », plastronnait-il le 25 juin dans une interview au Figaro, citant notamment comme trophée la suppression partielle de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) décidée par Emmanuel Macron.

Un combat qui avait été critiqué jusque dans ses rangs, à commencer par feu Christophe de Margerie, l’ex-PDG de Total, qui considérait que se focaliser sur la protection des intérêts personnels des patrons ne faisait pas forcément avancer la cause de l’entreprise.

M. Gattaz n’a pourtant pas manqué d’ambitions : « Je n’ai pas été élu pour réformer le Medef mais pour éviter que l’économie ne tombe en 2e ou 3edivision », martèle-t-il. L’Elysée et Bercy apprécieront la fatuité du propos. En fait, de l’actuel locataire de l’avenue Bosquet, l’opinion retiendra avant tout l’inamovible pin’s accroché à sa boutonnière avec le slogan « 1 million d’emplois ». Les patrons sont les premiers à affirmer que l’emploi ne se décrète pas. Pourtant, le premier d’entre eux n’a pas hésité à promettre de raser gratis. Même les politiques n’osent plus le faire de façon aussi éhontée. Sur le million annoncé, à peine un tiers serait dû aux mesures poussées par le Medef, selon l’Observatoire français des conjonctures économiques.

Un vaudeville ridicule

Mais c’est surtout la bataille de l’image des entreprises que le Medef a perdue, à force de se focaliser sur des débats d’arrière-garde sans insuffler de nouvelles idées comme peuvent le faire des cénacles moins compassés comme l’Institut de l’entreprise. De ce point de vue, la réflexion sur « l’objet social » de l’entreprise, qui vise à prendre en compte toutes les dimensions de celle-ci, qu’elle soit sociétale ou environnementale, pour aller au-delà de la stricte émanation du droit des actionnaires, a été symptomatique.

Refusant tout caractère juridiquement contraignant comme incitait à le faire le rapport rédigé sur le sujet par Jean-Dominique Senard et Nicole Notat, Pierre Gattaz a, une fois de plus, fait valoir les avantages du laisser faire. « Ce qui fonctionne aujourd’hui, c’est l’autorégulation, la discipline entre pairs, les règles volontaires », assure-t-il. On a réalisé à quel point la méthode était efficace concernant le salaire extravagant et les clauses hors normes dont a bénéficié l’ex-patron de Carrefour, Georges Plassat, pour son départ, au mépris du code Afep-Medef. Une fois de plus, l’organisation a reculé de trois cases auprès de l’opinion.

M. Senard n’a décidément pas porté chance à M. Gattaz. Pressenti pour lui succéder, le patron de Michelin s’est retrouvé dans un vaudeville ridicule, tout cela parce que le président du Medef n’avait pas anticipé que l’âge du prétendant pourrait à un moment poser problème. L’organisation y a perdu un candidat qui avait une envergure internationale et une vision humaniste et européenne, ce qui n’aurait pas été un luxe.

Alors que de plus en plus de dirigeants aux Etats-Unis, à l’instar de Warren Buffett (Berkshire Hathaway), Ray Dalio (Bridgewater Associates) ou Larry Fink (Black Rock), alertent sur la montée des inégalités qui menace la pérennité même du système, le Medef reste inaudible sur ce type de sujet. Quel que soit le vainqueur le 3 juillet, il faudra bien plus qu’une rustine pour colmater les insuffisances du « Medefff ».

Pascal Birer

directeur developpement Consultant Retail SAS Pbirer Consultant.

6 ans

Le MEDEF a déjà fait Psschit.

François-Xavier DUPONT

Directeur général délégué de SHAN / Adjoint au maire de NEUILLY-SUR-SEINE

6 ans

Oui !

Marie-Jeanne Pasquette

Journaliste-Fondatrice de minoritaires.com

6 ans

Sans Sénard et avec Roux de Bézieux, le Medef ne sera jamais que ce qu'il est : une pompe à fric destinée à orienter l'argent du paritarisme vers les lobbys patronaux. Même si de temps en temps on trouve une ou deux personnes qui semblent croire sincèrement à la vertu de ce qu'elles font ....

Dany Maillard

Chargé de clientèle formation à la chambre des métiers et de l’artisanat de Calais

6 ans

Le MEDEF n'est qu'une oligarchie ne pensant qu'à leurs intérêts personnels pas ceux de la France, ni des français.

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