Le moral des troupes, les enquêtes de climat et la mesure de l'engagement
Le moral, facteur clé de l’efficacité opérationnelle d’une armée, joue aussi un rôle crucial dans la crise actuelle, car le pire danger n’est pas la faillite générale mais le manque de motivation, d’engagement, de confiance des acteurs de l’économie
La difficulté est de définir ce que signifie exactement avoir le moral.
Être motivé ? Optimiste ? Physiquement en forme ? Confiant en soi et dans les autres ? Prêt à se battre ?
L’expression est devenue tellement familière que l’on ne précise plus s’il est bon ou mauvais : on l’a ou on ne l’a pas.
Le moral, affirment certains, c’est comme l’argent : « ça va, ça vient… Et quand ça vient, ça va. ». C’est sur ce postulat implicite que s’appuie d’ailleurs le baromètre mensuel du moral des ménages de l’Insee.
Or, cette vision abstraite d’économiste réduit le moral des Français à leurs seules anticipations d’achat. Un lien qui est pourtant loin d’être avéré, car on peut très bien avoir le moral et n’avoir ni les moyens, ni même le désir d’acheter. Ou l’inverse.
Chez les militaires, le moral n’a pas du tout la même signification, surtout en temps de guerre. Le stratège Clausewitz compare le moral à la lame d’un poignard dont le manche serait la technologie. Pour le maréchal Foch, le moral c’est l’élément qui détermine le rendement, une fois éliminés les facteurs matériels. Autrement dit, la victoire dépend directement du moral des combattants.
On ne s’étonnera donc pas que les militaires soient les précurseurs des méthodes de mesure du moral..
Le « moral » ne fait pas partie du vocabulaire de management des entreprises.
Elles tentent de mesurer le climat social, l’engagement, la confiance
On peut distinguer deux catégories d’entreprise :
- une première catégorie, notamment dans le secteur public, qui utilise volontiers des termes comme l’ambiance ou le climat social pour qualifier l’état d’esprit du corps social qu’elles sondent régulièrement
- une deuxième catégorie d’entreprises, généralement de taille mondiale s’appuie sur des indicateurs harmonisés au niveau international tels l’engagement, l’implication ou la confiance, un thème sur lequel les Français ne sont pas très en pointe, comme le montrent les chiffres du World Value Survey, qui analyse depuis 1981 les comportements de 90 % de la population mondiale.
À la question : « pensez-vous en règle générale qu’il soit possible de faire confiance aux autres ? », la France se classe à l’avant-dernière position.
Selon l’Eurobaromètre, seuls 8 % des Français considèrent que la vie de leurs enfants sera plus facile que la leur !
Les entreprises font-elles ce qu’il convient de faire pour manager le moral de leurs troupes ?
Il semble qu’il y ait encore du chemin à parcourir puisque, selon une enquête réalisée par Monster, 70 % des Français estiment qu’ils ne sont pas reconnus dans leur travail. Le sujet reste ardu.
Cependant, aucune grande organisation ne semble pouvoir échapper à la culture de la mesure, voire au culte des indicateurs du moral, même celles qui font des enquêtes sporadiques.
En dépit de tous les efforts pour sonder les âmes et mettre en équation une notion aussi fluctuante et singulière que le moral, rien n’est plus insondable que le système des motivations qui nous pousse à agir (d’après Franck Vermeulen).
Lors de son audition par les députés de la commission de la défense, le 11 octobre dernier, le général Jean-Pierre Bosser, chef d’état-major de l’armée de terre a abordé la question du « moral » des personnels, annonçant des changements à venir sur son évaluation.
Voici ces propos :
« Les processus d’évaluation du moral dans l’armée de terre ne sont plus adaptés à la réalité. Par exemple, traditionnellement, on apprécie le moral au plan catégoriel : les militaires du rang, les sous-officiers et les officiers. Or les actions sur le territoire national nous incitent à voir les choses différemment.
Le moral ne se décline plus en grades, mais selon la situation de l’intéressé : s’il est chargé de famille, s’il a des enfants, l’absence lui pèse ; s’il est célibataire, qu’il soit officier, sous-officier ou homme du rang, l’absence ne lui pèse pas. On n’intègre pas non plus dans l’évaluation du moral la mobilité, le travail du conjoint qui sont devenus aujourd’hui fondamentaux. Et on n’a pas assez intégré l’accélération des affaires par les réseaux sociaux. (…)
Les capteurs d’évaluation du moral doivent être modifiés afin de voir comment, en temps réel, nous pourrions mieux anticiper et faire face à une baisse brutale de moral. Franchement, ce n’est pas en évaluant le moral avec des questionnaires standardisés que nous disposerons d’une bonne vision. Il y a donc une réflexion en cours ».
La réflexion est en cours chez les militaires. Les entreprises ne sont pas en reste.
General Electric a récemment décidé de remplacer les entretiens annuels manager/managé – coûteux et peu efficace – par des rencontres formalisées dont le rythme est défini par les situations professionnelles vécues.
Le besoin de remontées fréquentes du terrain, en circuit court, est devenu un outil de management nécessaire.
Et, grande nouvelle, les salariés ont besoin de parler, de s’exprimer, sans risque et sans contrainte. Ils en ont marre qu’on leur offre comme champ de réponse possible uniquement la possibilité des cocher une case. Ils peuvent beaucoup mieux faire – ils peuvent parler !!!
Le traitement automatique et sémantique du langage rend exploitable les réponses sans contrainte de temps. Succeed Together s’en est fait une zone d’excellence.
Excellent article. En plus d'être superbement écrit, c'est un sujet qui nous parle à tous, effectivement "les salariés ont besoin de parler" ! Merci beaucoup, Philippe !
Responsable Régional at YVELIN SA Assurances Secteur Sanitaire, ESMS, Publics et Privés
8 ansM. Philippe Van den Bulke vous êtes percutant, chacun va pouvoir se retrouver dans votre analyse. A lire vivement
Directrice de programmes - Corporate University Société Générale
8 ansA lire... tellement vrai 😌