Le Mot du Fauconnier : Niais c/ Passager c/ Hagard
“Mais qu’il est niais !”, “Ce film est une vraie niaiserie”! Et si l’on vous disait que le terme niais vient, lui aussi, de la fauconnerie? Cela vous rend-il “hagard”? A moins que vous ne soyez que “passager”! Et voilà, encore d'autres termes issus de la fauconnerie!
Qu’est-ce qu’un niais, un passager ou un hagard en fauconnerie?
Désigne un jeune oiseau encore inexpérimenté. Historiquement, ce terme désignait les jeunes falconidés ou accipitridés prélevés alors qu’ils étaient encore présents au nid, dépendants de leurs pairons (Parents des oiseaux de vol capturés au nid) et ne sachant pas voler. Il peut cependant désormais être élargi à la totalité des rapaces utilisés en fauconnerie sur notre territoire, ces oiseaux étant issus de l’élevage en captivité ou exceptionnellement désairés, soit prélevés au stade de poussin dans l’aire, pour les accipiter (Autour des palombes et Epervier d’Europe). L’ensemble des oiseaux ainsi utilisés pour la chasse au vol ou l’effarouchement n’a donc développé aucune compétence préalablement à son affaitage par un fauconnier, qui va devoir donc témoigner de son excellence pour permettre à un niais de devenir un prédateur accompli en travaillant sa condition physique et mentale. Dans d’autres pays où la fauconnerie est pratiquée, notamment en Amérique du Nord, en Irlande, en encore en Afrique du Sud, il est possible d’utiliser des oiseaux plus expérimentés nommés “passagers” ou “hagards”.
Désigne un rapace sauvage capturé avant sa première mue. Cette pratique interdite dans notre pays est autorisée ailleurs à travers le monde et est le mode de fauconnerie le plus répandu. Elle consiste à capturer par divers procédés un rapace n’étant plus dépendant de ses pairons. En fonction de l’espèce et de la zone géographique, des périodes sont privilégiées afin de faciliter la capture des individus, pour sélectionner certaines espèces migratrices de passage (d’où le terme passager) ou pour favoriser l’obtention de qualités diverses recherchées. Un passager sera généralement nommé un “gentil” lorsqu’il sera capturé dans les quelques mois suivant son émancipation, alors qu’il est encore en pleine période d’apprentissage et très facile à apprivoiser. Plus la capture est tardive, plus la sociabilisation de l’oiseau capturé sera ardue mais meilleures seront les aptitudes du passager grâce à la sélection naturelle: en effet, chez certains falconidés et chez les Autours des palombes et Éperviers d’Europe, on estime que seulement 20 à 25% des juvéniles survivent à leur premier hiver. Un passager capturé après cette période aura donc plus de chances d’être un oiseau d’exception Dans les pays autorisant cette pratique, il est courant que les oiseaux soient relâchés à l’issue de la saison de chasse. Cette pratique permet donc de renforcer les populations sauvages: un gentil qui aurait pu ne pas survivre à son premier hiver aura ainsi bénéficié de l’assistance de l’homme et sera à même de se débrouiller et de survivre une fois relâché au début du printemps, post période de raréfaction de ses ressources alimentaires.
Désigne un rapace capturé après sa première mue. Un hagard s’avère particulièrement ardu à affaiter. Ces oiseaux demeurent farouches et l’établissement d’un fort lien de confiance avec leur fauconnier demande une parfaite maîtrise de cet art ancestral. Certains individus ne se laissent d’ailleurs pas apprivoiser malgré toute la patience et tout le renforcement positif déployé par le fauconnier ayant procédé à leur capture et doivent donc être relâchés car ils n’accepteront jamais de travailler en équipage avec le fauconnier, les chiens ou d’autres auxiliaires. La capture d’oiseaux hagards ne s’est que peu démocratisée, les fauconniers de toutes époques et nationalités préférant généralement le travail de passagers ou de niais. Un oiseau ainsi capturé tend à écarquiller les yeux de façon extravagante, semble perdu, épouvanté voire terrifié. Cette attitude a donc donné naissance à l’utilisation de ce mot dans le langage courant pour désigner une personne sujette à un état de choc.
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La protection des rapaces
Il est crucial de rappeler que les rapaces sont des espèces protégées. La capture, la détention ou la possession de ces oiseaux sans autorisation est strictement interdite et sévèrement punie par la loi. A ce jour, dans notre pays, seuls des organismes agréés, notamment les centres de sauvegarde à la faune sauvage, sont autorisés à détenir des rapaces sauvages dans leurs locaux, et ce à des fins de réhabilitation et de réintroduction dans le milieu naturel.
La fauconnerie, bien que fascinante, doit se pratiquer dans le respect des réglementations en vigueur pour la conservation de la faune sauvage et dans le respect des oiseaux de proie dont l’on a la responsabilité.
La détention de rapaces à titre personnel ou professionnel est très encadrée et nécessite, outre les autorisations légales, d’avoir appris à s’occuper correctement de ces oiseaux auprès d’un fauconnier aguerri au préalable.
Une responsabilité à long terme
La détention d'un rapace représente une responsabilité importante, pouvant s'étendre sur environ 20 ans. Il est crucial de s'assurer que l'on possède toutes les compétences et les connaissances nécessaires pour s'en occuper correctement, afin qu'il puisse mener une vie longue et saine dans les meilleures conditions possibles. Au-delà d’un hobby ou d’une passion, la fauconnerie est un choix de vie qui impose de nombreux compromis et le désir profond du fauconnier de prioriser les besoins de son oiseau vis-à-vis de tout autre chose.
Tel que le disait très justement l’empereur Frédéric II de Hohenstauffen dans son traité “De arte venandi cum avibus”, “La fauconnerie ne saurait souffrir de la médiocrité”.
En tant que fauconniers, nous avons la responsabilité de préserver ces magnifiques créatures et de sensibiliser le public à leur importance écologique.
Merci de votre attention, et à la semaine prochaine pour un nouveau mot du fauconnier !