Le mythe pervers du "bon" recrutement
J'ai lu dans une publication un discours assez familier :
"Nombreux sont les dirigeants qui souhaitent trouver le haut-potentiel qui leur offrira succès et pérennité. Seulement, identifier et développer la perle rare demande une méthode adaptée. Commencez par en dresser le portrait-robot. Une fois trouvée, formez-la avant de l’envoyer sur le terrain et donnez-lui les moyens de développer ses idées en l’entourant par exemple d’une équipe dédiée".
Rien ne vous choque ?
Le message est que une "bonne" recherche/gestion de talent va permettre de trouver "l'homme providentiel", "la perle rare". L’auteur recherche celui que Michel Crozier appelait il y a (déjà 30 ans) le "monsieur solution" [in. "la crise de l'intelligence"], celui qui va trouver seul LA solution à un problème récurent - que d'autres messieurs, tout aussi intelligents, avaient déjà tenté de le résoudre.
Que nous disait cet éminent sociologue? Que l'homme providentiel n'existe pas. Il vaut mieux chercher des "hommes problèmes", c'est à dire des personnes capables de faire réfléchir aux problèmes et faire construire collectivement des solutions. Il (ou elle) est alors "au même niveau" et non "au dessus" des autres.
30 ans après, où en sommes nous ?
- L'efficacité des méthodes systémiques (agile, Design Thinking...) nous montrent qu'une solution ou une innovation se trouve d'abord en travaillant en équipe au plus près du terrain, en "tombant d'abord amoureux du problème". Des organisations se sont essayées avec succès aux techniques d'intelligence collective (@olivierzara).
- La "preuve" a été apportée par l'étude Aristote de Google. Selon elle, le "qui" vous recrutez compte moins la façon dont l'équipe fonctionne, et Google l'a modélisé en 5 facteurs (versions FR - EN).
Le paradoxe est donc celui-ci :
- Le facteur fondamental de la performance est le bon fonctionnement d'une équipe
MAIS
- De nombreux recruteurs, managers et RH tentent (surtout) d'identifier ou recruter les "hommes providentiels" (bonne école, expérience dans le même poste, etc.).
Certes, il est plus facile de mesurer les compétences individuelles que de'identifier les complémentarités d'une équipe. Cependant si la performance est dans la dynamique d'équipe, donc les complémentarités de profils, alors celle-ci doit concentrer notre attention.
Or, souvent cet "inter-personnel" est considéré comme "moins important", "le ventre mou" , voir "pas sérieux, hein c'est pas de l'expertise technique, ca ne se calcule pas" (je cite - sans rire).
Quels sont nos leviers actionnables ?
1- Former à la dynamique d'équipe. Comme l'a démontré Christian Morel (ici), c'est un des facteurs majeurs de réduction du risque opérationnels. La NASA , le nucléaire ou les compagnies aériennes ne s'y trompent pas, leur gestion du risque s'appuie deux piliers : des formations "soft"d'une part et d'autre part sur des retours d'expérience systématiques et très complets.
2- Assumer un management moderne pour le bien être collectif. Non, le manager n'est pas un monsieur solution. Revendiquons le et il s'en portera bien mieux et les autres aussi(cf article sur le burn out). Au revoir le "command and control" !
3- Prenons en compte , au recrutement et lors des mobilités internes, la dynamique du sujet dans l'équipe. On dit "un bon élément sera à sa place partout". Faux : mettez un créatif sous un micro manager et , quelque soit l'endroit, ca ne marchera pas.
Et vous ? Quels sont les vos leviers et vos idées ?
Référent Pôle Écosystèmes & Transitions de l'eclozr | Animation du Bâtiment 78, lieu totem de l'industrie bas carbone | Président du Banquet Céleste | Créateur de liens, d'événements & de podcasts
5 ansSuper article, comme toujours ! J'étais passé à côté. Je ne peux qu'être d'accord avec le constat que c'est la dynamique d'équipe qui compte, bien sûr. Un enjeu, c'est comment "former à la dynamique d'équipe". Pour ma part, j'ai le sentiment qu'il faut s'entraîner à être (ou à devenir) une équipe. À quoi ressemblerait un match de basket si les joueurs ne jouaient ensemble que pour le match et n'avaient jamais aucun entraînement ? À quoi ressemblerait un concert si les membres du groupe ou de l'orchestre ne jouaient ensemble que sur scène, lors d'un concert officiel (et payant, tant qu'à faire) ? Idem pour le théâtre, etc. Après tout, les répétitions sont essentielles et loin d'être un "ventre mou". C'est comme ça qu'est né TeamPitfalls® pour nous. Pour former à la dynamique d'équipe par la pratique. D'ailleurs, fun fact, c'est toujours très intéressant quand un groupe de "perles rares", des "killers", des "hommes providentiels" font notre workshop. Ils se plantent, et ensuite on discute de comment ils peuvent devenir une équipe :-)
Product lifecyle Analyst - Europe Supply Chain chez Essilor
5 ansMerci Claire cet article me fait un bien fou !
Collaboratrice RH gestion des salaires et assurances sociales chez Commune de Marly
5 ansLa perle rare ne se trouva pas sur papier..... Elle ( perle) pourra se montrer que dans la réalité.!!!! Les certificats sont un fil rouge de ses connaissances. Mais très souvent nous sommes jugés sur le physique, bien dommage. Nous avons tous nos points forts. Et comment les recruteurs peuvent-ils juger nos compétences, très souvent ils n'ont même pas pratiqué dans la branche !?!?!?!?!?!?!?
Il est vrai que les recruteurs cherchent à se rassurer en sélectionnant les profils rares, trop excellents et qui collent bien au poste. Mais, serait-il qu'en agissant ainsi, les entreprises se privent de réfléchir vraiment aux problèmes, laissant tout reposer sur l'expertise des "hommes solution" ?
Coache professionnelle certifiée - Bien Vivre L'avenir : Accompagner LE changement du collégien à l'adulte, salarié.e, Manager. Administratrice Mutuelle CARAC Fresqueuse du Climat
5 ansLa performance est dans la cohésion et l adaptation à la situation. Parfois avec un détour moins coûteux qu' en direct.