Le «net» est-il en passe de supplanter définitivement le «brut» dans la tête des Français ?
"Vous avez dit net" - Photo de Donat Nobilé

Le «net» est-il en passe de supplanter définitivement le «brut» dans la tête des Français ?

Que ce soit en matière de revenus, de dépenses ou d’investissement et de fiscalité, le chemin entre le brut et le net est de plus en plus ardu à suivre et à décrypter. Celui entre le T.T.C. et le H.T. (hors taxes) ne l’est pas moins !
Le salarié raisonne en net, en «reste à dépenser», ignorant le poids de ses cotisations quand l’employeur supporte une rémunération brute de décoffrage et le commerçant affiche en hors taxes pour enjoliver son offre… 
Le fisc ne fait-il pas de même avec les notions de revenu net fiscal et de revenu net imposable pour prélever l’impôt ?
De ce fait, le salarié et le retraité ignorent souvent le montant de leur dû en brut et le transporté, l’usager et le presté, ont de plus en plus de mal à refaire, au fil du temps, le chemin parcouru entre le HT et le TTC à payer…
La TVA différenciée, la CSG déductible ou non, les taxes contributives ou sectorielles, ont fini par semer le trouble dans l’esprit cartésien du citoyen et calculateur du consommateur, tous deux accablés de nouveautés et de modifications en tout genre. Frustrés et soumis à une déferlante de changements et de réformes qui se catapultent dans le temps, ne retiennent-ils plus, in fine, que le montant final affiché sur leur écran, reçu ou décaissé ?
Celui-ci connu, il s’avère difficile de remonter à la source, au sommet d’un arbre dont on ne voit que la dernière branche, bien souvent !
 
Le gouvernement, soucieux de positiver en ces temps difficiles, a tendance à communiquer adroitement sur le net pour faire oublier la distance croissante dans le temps avec le brut originel et avec l’épargne promise, mise à gauche. C’est de bonne politique, me direz-vous dans un des pays les plus taxés au monde et au top du redistributif social et dont la croissance est en grande partie corrélée à la demande des ménages, ces dernières années.
A cela, s’ajoute la difficulté, voire l’impossibilité pour tout un chacun de vérifier le montant de son écot au moment où il le perçoit, par virement le plus souvent, accompagné d’un libellé bancaire succinct voire énigmatique.
Quelques exemples criants montrent, par ailleurs, que la suppression de la paperasserie explicative en temps réel est en voie d’accélérer le phénomène de désintérêt pour le «brut» que nous dénonçons. A savoir la disparition de toute pédagogie pour comprendre en amont les flux financiers qui intéressent chacun d’entre nous, actif ou non.
Premièrement, décortiquer sa fiche de paie, même simplifiée, relève de l’exploit. La plupart du temps savoir de combien on a été viré en fin de mois est devenu la seule préoccupation du salarié, du pensionné ou du chômeur, également ! Les caisses de retraite communiquent d’ailleurs davantage sur la date de virement que sur les retenues opérées au passage à chaque livraison.
Deuxièmement, comprendre sa facture de gaz, d’eau ou d’électricité, dépasse l’entendement. Il vaut mieux cliquer pour payer afin de s’éviter un mal de tête.
Il en est de même pour d’autres prestations quotidiennes dont la facturation finale devient sibylline : son titre de transport aérien ou de chemin de fer, sa quittance d’assurance, voire une facture d’achat dans une grande surface ou de location de voiture…
Bref, on est incité à honorer sa créance avant de chercher à la valider, souvent par ses propres moyens…
Troisièmement, le suivi du remboursement de ses dépenses de santé est devenu un jeu de piste difficilement maîtrisable par le commun des malades. Etonnez-vous ensuite que l’assuré se désintéresse du coût exorbitant du système de santé de son pays pour focaliser sur son reste à charge ! Ce dernier, ramené à O% dans certains cas spécifiques, ne va-t-il pas encore accroître la complexité de compréhension d’un système structurellement déficitaire.
 
Avec InterNet, est-il devenu normal de ne plus raisonner qu’en Net!
Faut-il alors regretter l’absence d’InterBrut ?
Sans doute, est-ce pour cette principale raison que le Français est brouillé avec la science micro-économique et souvent fâché congénitalement avec la règle de trois ! 
Tout au plus, le citoyen impuissant continuera à affubler de «plus» et de «moins», précédés de «beaucoup», éventuellement, le commentaire des péripéties qui habillent son quotidien et l’empêchent de se projeter dans le futur, faute de pouvoir apprécier avec justesse l’évolution de ses revenus, le montant des intérêts de ses placements, la rentabilité de ses investissements dans le temps et dans l’espace…
Comprendre sa paie et ses factures relève de plus en plus de l’expertise et 
Il est fort à craindre que cette perte d’informations en amont, orchestrée ou non, ne soit pas préjudiciable à l’éclosion d’une plus grande responsabilité citoyenne tant revendiquée par nos gouvernements successifs…
La loi Pacte et le projet de réforme des retraites par points, en cours par exemple, vont sans doute accroître ce sentiment de flottement et de relativité qui sied parfaitement à un monde qui bouge (sic)…


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