Le notaire à nouveau confronté au droit des procédures collectives.
La confrontation du droit des procédures collectives avec d’autres branches du droit est un sujet classique, on le sait.
Une professionnel, commerçant, artisan, agriculteur, professionnel libéral, en particulier, qui fait de mauvaises affaires, entre souvent, et malheureusement, dans une spirale délicate. L’horizon peut s’assombrir de toutes parts, les relations dans son couple pouvant elles aussi se dégrader, au point, s’il est marié, de se retrouver dans une procédure de divorce.
Le notaire, homme de terrain, connaît ces réalités humaines et économiques. En sa qualité habituelle de juriste généraliste, il doit dominer les différentes branches du droit qui peuvent être concernées par les situations qu’il est amené à gérer.
Il est fréquent qu’il ait à appréhender le droit des procédures collectives dans le cadre de ventes, immobilières ou autres. Dans le cadre de successions, il peut se trouver face à un défunt en liquidation ou à un héritier touché par une des procédures collectives qui existent dans notre droit, celles-ci de plus en plus nombreuses et souvent réformées depuis la grande loi de 1985.
C’est le thème du divorce qui, cette fois, à l’occasion d’un récent arrêt de la Cour de cassation, doit retenir l’attention des notaires.
Un débiteur, mis en liquidation judiciaire en 2009, obtint un jugement de divorce pour faute en 2014. Il fut condamné au versement d’une prestation compensatoire qui prit la forme de l’abandon en pleine propriété d’un bien immobilier lui appartenant en propre. On devine le conflit qui naquit : le liquidateur souhaita pouvoir disposer du bien considéré pour le vendre et procéder au paiement des créanciers. L’ex-épouse, sans surprise, s’y opposa.
Le juge-commissaire fit droit à la demande du liquidateur, au motif que l’ex-époux était dessaisi et que le jugement de divorce, dans ses effets patrimoniaux, était inopposable à la procédure collective. L’immeuble, a priori, pouvait donc être vendu dans le cadre de la liquidation judiciaire.
Cette ordonnance du juge-commissaire fut infirmée en appel, de sorte que le liquidateur se pourvut en cassation.
Ledit liquidateur prétendait que, le débiteur étant privé de ses pouvoirs d’administration et de disposition à ce moment, le transfert de propriété résultant du jugement de divorce le condamnant à abandonner la propriété de son bien propre pour acquitter sa prestation compensatoire, lui était inopposable. Les juges d’appel avaient considéré, au contraire, que le transfert de propriété avait été enregistré au livre foncier et qu’il appartenait au liquidateur de former une tierce opposition au jugement de divorce.
Les Hauts magistrats, par un arrêt du 16 janvier dernier, énoncent une solution qui n’est pas sans rappeler une autre « confrontation » du droit des procédures collectives, cette fois avec le droit des successions. Tout est assurément dans la nuance.
On retiendra de l’arrêt rendu à la date précitée par la Chambre commerciale ce qui suit :
- le dessaisissement du débiteur en liquidation judiciaire ne concerne que l’administration et la disposition de ses biens.
- le débiteur a seul la qualité pour entreprendre une procédure de divorce et se défendre. C’est sa personne qui est en cause, en effet. La question de la prestation compensatoire est précisément en lien direct avec sa personne.
- pour autant, il faut fixer cette prestation compensatoire et admettre que le liquidateur puisse entendre rendre inopposable à la procédure collective un tel abandon de la propriété d’un bien propre. La procédure de tierce opposition peut alors être utilisée à cette fin par le liquidateur contre la disposition du jugement de divorce.
On peut ainsi opérer plusieurs constats. Sur un plan humain, on observe une nouvelle fois l’enchaînement des difficultés pour ce débiteur : après celles professionnelles, celles humaines. Parfois, on le sait, la chronologie est inversée.
Sur un plan juridique, le notaire doit, comme toujours, être vigilant. Imaginons, par exemple, qu’il soit sollicité pour réaliser la vente de l’immeuble attribué en pareille situation à l’ex-épouse, quelles précautions devrait-il alors prendre ?
Le notaire est habitué à réaliser des analyses prudentes et fines des situations juridiques qui lui sont soumises. Celles se trouvant à la confluence de plusieurs branches du droit en font assurément partie. Dans l’affaire considérée, Cour de cassation, soucieuse de dire le droit, mais souhaitant probablement aussi réaliser une conciliation équilibrée des intérêts en présence, édicte une solution toute en nuance. Il incombe assurément au notaire de la connaître pour ne pas commettre d’erreur.
Jean-Louis LANDES
Avocat
5 ansVous n’avez pas un métier facile... Et si l’épouse revend l’immeuble ainsi attribué très vite en recourant aux services d’un autre notaire ?