Le numérique est un gouffre énergétique

Le numérique est un gouffre énergétique


Par Béatrice Mingam, le 22 avril 2024


Energie, eau, émissions de gaz à effet de serre... Selon Aloen, l’agence locale Energie Climat de Bretagne Sud, et l’Ademe, le numérique a un impact conséquent sur l’environnement, notamment au moment de sa fabrication. Produire un ordinateur, par exemple, nécessite l’extraction de matières premières et de métaux rares. Une fois fabriqué, il est exporté, distribué, puis utilisé. 600 kg de matières premières sont mobilisés pour fabriquer un ordinateur portable de 2 kg. 103 kg de CO2 sont générés sur les 156 kg émis sur l’ensemble de son cycle de vie.

 


Le nombre d’équipements - ordinateurs, smartphones, téléviseurs, tablettes et autres objets connectés - sont en constante augmentation, leurs émissions de gaz à effet de serre aussi. Un foyer français compte entre quatre et vingt-huit écrans, la moyenne se situant autour de onze.

 

La consommation liée à nos usages numériques est en croissance de 12 % par an. Nos usages immatériels sur internet représentent plus de 7 % de la consommation électrique mondiale. Quant à l’envoi d’un mail, il correspond à une ampoule électrique allumée pendant... 25 minutes.

 

Les outils qui consomment le plus sont les data centers. Leur progression est expliquée par la multiplication des services offerts notamment par le cloud pour le stockage des données, mais aussi les boîtes de messageries électroniques surchargées de mails en dormance (qui coûtent de l’énergie) et la croissance très rapide du nombre d’utilisateurs à l’échelle mondiale. On est tous connectés, on utilise tous beaucoup internet. La solution ? Un nettoyage quotidien de sa boîte mail et un gros ménage de printemps.


Passer de 2 à 4 ans d’usage pour une tablette ou un ordinateur améliore de 50 % son bilan environnemental

 

Il est aussi important de se questionner sur sa consommation numérique, ses usages et leur utilité. Le geste qui aura le plus d’impact est de renouveler le moins souvent possible nos équipements.

 

La phase de fabrication s’avère plus énergivore que la phase d’utilisation du produit par les consommateurs. Plus émettrice en CO2 aussi, puisque la plupart des composants sont fabriqués en Chine ou en Corée, dont l’électricité provient du charbon et pèse donc lourdement dans le changement climatique. Leur transport (en avion le plus souvent) vient encore alourdir le bilan.


Ce chiffre est évocateur : le fait d'utiliser une tablette ou un ordinateur pendant quatre ans au lieu de deux ans améliore sont bilan environnemental de 50 %.

 

On peut aussi privilégier l’achat d’appareils d’occasion, reconditionnés, réparables. A Lanester par exemple, Défis reconditionne de vieux appareils en machines à nouveau opérationnelles (lire plus bas). En remplaçant le disque dur classique d'un vieil ordinateur par un SSD chez un réparateur, vous pouvez aussi donner une nouvelle jeunesse à votre équipement.


La taille des écrans est importante. Plus ils sont grands, plus ils sont polluants, plus ils sont composés de métaux rares et plus ils consomment.

 

La consommation totale d’une box internet sur un an se situe entre 150 et 300 kWh : c’est autant qu’un grand réfrigérateur ! Eteindre sa box quand elle n’est pas utilisée peut avoir beaucoup d’impact.

 

Cette mesure adoptée de plus en plus par les particuliers est moins utilisée par les entreprises. La connexion internet est comme un robinet d’eau mal fermé. Quand on ne s’en sert pas mais qu’elle reste allumée, elle continue à consommer comme un goutte-à-goutte. Chargez une personne de votre entreprise de débrancher la box à son départ le soir et de la rebrancher le matin à son arrivée.

 

Mêmes modalités pour les ordinateurs. Couper, si possible, la mise en veille des appareils de votre entreprise permet d’économiser de l’énergie. Il faut savoir qu’en France, la production de deux réacteurs nucléaires est dédiée chaque année à la consommation des appareils en veille.

 

On peut aussi diminuer notre consommation numérique en n’allant pas vers de trop hautes définitions. L’usage des vidéos a un impact énorme. Beaucoup de vidéos passent par internet. On peut désactiver la lecture automatique des vidéos sur les réseaux sociaux.

 

L’ ADEME a publié un guide sur la face cachée du numérique qui fournit plein d’idées d’éco-gestes dans ce domaine. En collaboration avec l' L'Express Studio, elle a aussi édité un ouvrage, téléchargeable gratuitement, sur le thème du Numérique responsable en entreprise.

Novethic a consacré un article à l'impact environnemental du numérique d'où est issue l'infographie ci-dessous. Les téléviseurs jouent un rôle majeur dans l'empreinte environnementale du numérique, devant les écrans d'ordinateurs.


Stratosfair by Grolleau a imaginé des data centers verts pour données et sites web


L’idée est excellente. Stratosfair by Grolleau propose une offre frugale de Green data centers, en circuit court, pour l’hébergement et le stockage de données aux collectivités de moins de 20 000 habitants et aux PME de son territoire (cloud et sites web).

 

Le concept a germé il y a quatre ans dans l’esprit d'un jeune entrepreneur engagé, Béranger Cadoret. Il s'est concrétisé à Lorient-La Base dans le Morbihan. Ses mini-serveurs sont autonomes en énergie, 100% renouvelable et locale. Sur le site de Lanester où 800.000 € ont été investis, ils sont alimentés par des ombrières solaires de 200 m2, branchés au réseau en cas de problème grâce à un contrat avec Enercoop Bretagne.


80 m2 de containers maritimes reconditionnés accueillent chacun huit baies de serveurs informatiques. La chaleur fatale dégagée est valorisée dans des serres ou des industries de séchage. Côté fiabilité, ses mini-data centers sont certifiés «tiers 3», soit la meilleure qualité de service pour le stockage de données, avec trois sources d’énergie, la vidéosurveillance et la double adduction fibre.

 

Un site à Pontivy, avec 500 m2 de panneaux solaires, était en projet, un autre à Angers, jusqu’à ce que la société d'origine, Stratosfair, soit placée en redressement, puis en liquidation judiciaire, le 7 avril 2023. Sa levée de fonds n’a pu atteindre son objectif de 1,5 M€. «L’activité datacenter est un secteur très capitalistique sur lequel peu de startups arrivent à se faire durablement un nom. Mais pour un produit minimum viable, défendant un concept innovant et des promesses écologiques, nous avions réussi à réunir 1 M€», explique Béranger, déterminé à sauver son projet.


Quand on connaît la voracité de telles installations dans un monde en quête de frugalité énergétique, l’idée est bien vue et bien venue... Et Stratosfair a vite trouvé repreneur, un groupe industriel angevin, Grolleau, labellisé French Fab et France Datacenter, d'où le nom actuel de l'offre de service "Stratosfair by Grolleau".

 

🌐 www.grolleau.fr

 


Défis reconditionne les vieux ordinateurs


Coopération Carbone considère la collecte des terminaux usagés pour réemploi et recyclage comme un enjeu planétaire, surtout avec la difficulté en approvisionnement des métaux rares. Une association située à Lanester récupère les vieux ordinateurs des entreprises et les reconditionne en open source sous Linux pour les mettre à disposition des plus démunis. Elle forme aussi les publics les plus éloignés de la culture numérique.

 

Fondée en 2007, l’association Défis lutte contre la fracture numérique. Ce terme est apparu dans les années 1990 avec l‘avènement d‘Internet et le développement des Technologies d‘Information et de Communication (TIC). Il désignait alors l‘écart entre les personnes qui pouvaient ou non avoir accès à ces nouvelles technologies.

 

Exclusion et culture numérique

 

Si l‘impossibilité d‘acquérir du matériel fut la première forme d‘e-exclusion, une deuxième problématique apparut : l’usage des outils informatiques. Aujourd‘hui, développer une «culture numérique» qui permet de s‘adapter aux évolutions de ces outils est devenu un enjeu majeur dans l‘inclusion des publics éloignés.

 

Actions au service des usagers

 

Pour y faire face, Défis a structuré une filière de réemploi de matériel afin d’équiper ses adhérents. Ils peuvent acheter un ordinateur à bas coût ou bénéficier d‘un prêt gratuit. Pour faciliter l’appropriation des usages, l’association a conçu une offre diversifiée d’accompagnements et de formations.

 

Services aux structures de l’ESS

 

L’association apporte également ses conseils et son expertise aux professionnels de l‘Économie Sociale et Solidaire du territoire : prestations techniques (acquisition de matériel, mise en place d‘un serveur de données, création de sites internet...) et prestations de formation (bureautique, réseaux sociaux...).


Défis en chiffres


L'association compte plus de 577 adhérents actifs. En 2022, elle a réalisé 20 611 heures de formation, accompagné 1 172 apprenants, créé 5 sites internet (40 sites en 2021) et équipé 1 200 familles.


L'association recherche des ordinateurs


Afin de répondre à la forte demande de terminaux pour équiper des familles, l’association recherche ordinateurs portables et fixes à reconditionner. Elle fait appel aux dons des entreprises et collectivités qui renouvellent leur parc informatique.

 

🌐 www.defis.info

 

Pour aller plus loin :

L'institut du Numérique responsable propose un Mooc pour se former et adopter les bonnes pratiques.


La saison 1 est terminée

Merci d'avoir suivi cette série d'articles autour de la Coopération Carbone.

Nous vous en ferons bientôt un récapitulatif, en attendant une nouvelle saison, riche de vos expériences.

N'hésitez pas à commenter chacun cet article, à partager vos propres actions et expériences. Vos commentaires et suggestions nous permettront de poursuivre cette aventure éditoriale.

 


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Olivier ROBERT

Fondateur Sacrés Français | Stratégie Marketing et Développement | Créateur d'Expériences Engagées

7 mois

L'impact environnemental du numérique est crucial. Il est essentiel d'adopter des pratiques éco-responsables. 🌿

Mickael Leblond

Directeur chez Association Défis

7 mois

Béatrice, merci pour cet article qui contextualise très bien les enjeux pour réduire l'impact environnemental du numérique. Économie circulaire, réparation, réemploi sont les leviers prioritaires ! En espérant que les lois AGEC, REEN et 3DS impulsent de nouvelles pratiques d'achat et de consommation.

Sébastien Bouyrie

Conseil, stratégie, accompagnement RSE & Communication durable et responsable | gestion de projets

7 mois

J'ajoute cette infographie sur le poids de nos déchets électroniques en kg/hab/an dans le monde. C'est un paramètre parmi d'autres qui relate le cercle vicieux que l'on peut constater (depuis très longtemps) entre la surconsommation des pays du Nord qui commandent aux pays du sud qui, eux, par effet de cascade, surproduisent et extraient en conséquence les matières premières qui, elles, auront du mal à être recyclées. Ceci étant une illustration de mon commentaire précédent.

  • Aucune description alternative pour cette image

Merci à vous Béatrice Mingam de saluer le travail que DÉFIS réalise sur le territoire depuis 2007 ! Ordi Grand Ouest (OGO) est aussi un partenaire majeur du réemploi de matériel informatique dans l'ouest.

Sébastien Bouyrie

Conseil, stratégie, accompagnement RSE & Communication durable et responsable | gestion de projets

7 mois

Merci Béatrice pour cet article. J'ajoute que numérique et développement durable ne font pas bon ménage de manière générale. En effet, par exemple, les mobiles sont fabriqués en alliages de métaux qui sont difficiles et trop coûteux à recycler. Seuls 20% le sont de manière saine. Restent 80% dont une partie peut être recyclée mais de manière polluante. Le chat se mord la queue. Les solutions apportées dans cet article sont cependant très intéressantes et vont dans le bon sens. Une réflexion globale reste malgré tout à déterminer pour une réelle efficacité et atteinte des objectifs fixés à l'horizon 2030. C'est déjà demain !

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