Le Parc des princes
J’aime le ballon rond. Mais la future coupe du monde au Qatar illustre tout ce que notre époque a de détestable. Des fédérations pourries par l’argent, des joueurs starisées a vingt ans et jetés à trente, un milieu machiste ou l’on joue du sex tape autant qu’au ballon, des fans violents et alcoolisés, des intermédiaires peu recommandables, des équipes nationales composées de mercenaires stipendiés, un mercato mercantile, des médias surexcités… et pour couronner le tout une coupe du monde dans un pays peu soucieux des droits de l’homme, choisi à la suite de manœuvre opaques. Ballon d’or ou veau d’or ? Comme si le foot devait bénéficier d’une externalité éthique. Les milliers de travailleurs forcés morts à la tâche pour construire Lusail hanteront la mémoire de ceux qui ont voulu ça.
Le foot rend fou. Combien de morts absurdes de par le monde : 125 morts à Malang, 74 à Port Saïd, 97 à Hillborough, 127 à Accra, 378 à Lima, 40 au Heysel ....? Ce qui aurait pu être un trait d'union entre les hommes est devenu une occasion d’évènements meurtriers.
Et plus près de chez nous, il faut vraiment une bonne dose d’humour pour appeler Parc des Princes l’endroit où des voyous se battent tous les week-ends.
J’aime l’idée des jeux olympiques. Mais là aussi quelle dérive ! Oublions les derniers Jeux d’hiver, juste avant que la Russie n’envahisse la Crimée. Un désastre moral et écologique. De nouveaux JO arrivent. Les télés sont prêtes, les organisateurs organisent, les sponsors sponsorisent, les officiels vont officier. Mais soyons honnêtes : cette mise en scène du sport relève plus de la caravane publicitaire que de la compétition sportive. Bien sûr nous allons assister à des performances athlétiques exceptionnelles. Mais le cirque qui les accompagne en dit long sur les excès de l’homo festivus, cher à J. Ellul et P. Murray.
On va sans doute raviver la flamme et nous ressortir l’histoire de l’Olympisme, de ses anneaux et de ses racines. Hélas sans rien y connaître. Les jeux d’Athènes c’était autre chose. D’abord ils n’étaient pas seulement sportifs : il y avait du chant, du théâtre, des lectures poétiques, des joutes oratoires. Mais surtout, c'était un grand moment de rencontre pour toutes les cités grecques, même en conflit. Pendant les jeux, la trêve s'imposait, la guerre s'arrêtait. Nos Jeux sont bien souvent le contraire : une explosion de nationalismes pour les nuls où l’on exclut parfois d’affronter tel ou tel pays maudit, Israël de préférence…
Au moment où j’écris ces lignes on parle de Jeux d’hiver en Arabie Saoudite. Je suppose que le slalom géant sera organisé entre les puits de pétrole… ?
J’aime conduire. Mais… que pensez des monstrueuses kermesses mécaniques comme cette course de paris-dakar (ainsi nommée parce qu’elle ne va plus à Dakar !), démonstration de la puissance occidentale parmi les impuissances du reste du monde. Ne pas se méprendre : personne ne conteste pas le courage, l'endurance, l'énergie des participants. Je dis juste que dans un monde où il y a mille nécessités de manifester du cœur et de l'intelligence, il est odieux de gaspiller ces qualités pour une pareille imbécilité. Pourquoi ces pionniers aux couleurs d’alcool ou de tabac ne s’engagent-ils pas au service de médecin sans frontières ou à bord des bateaux qui sauvent des réfugiés perdus en mer ?
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Lorsqu’un malheureux reporter de la télévision qui suivait le Paris-Dakar s'est tué en hélicoptère nous avons eu droit à un déluge de grands discours héroïques. Rappelons ce que fut alors la réaction de Charlie Hebdo : « Mourir comme un con pour le Paris-Dakar. »
Sur mer comme sur terre. La Route du Rhum libère dans l’atmosphère 145.000 tonnes de CO2 ! Et à terre, ayant assisté récemment à une course de F1 dans une grande capitale du Moyen Orient, assourdi par un effroyable vacarme j’ai posé une question naïve sur le bilan carbone de l’évènement. Personne n’a su me répondre… Faut-il que notre société ait perdu la boule pour que de jeunes hommes risquent leurs vies en faisant de la pub pour Red Bull ! Je note en passant qu’on ne trouve aucune femme au volant des bolides : elles savent, elles, le prix de la vie.
J’aime le sport. Même si, comme en matière de religion je suis personnellement plus croyant que pratiquant. Mais autrefois il était jeu, rencontre, et on s’entrainait en dehors de son temps de travail. Hélas quand le professionnalisme a gagné, le sport, lui, a perdu. Quand le corps est malade l’argent diffuse ses métastases. La grande misère des clubs amateurs fait peine à voir. Au grand bénéfice des paris sportifs et de la télé avec des droits qui se paient par centaines de millions ! Ainsi va le monde : plus on divinise quelques les grands sportifs moins on fait de sport. Pour un immense Federer combien d’athletes sur canapé, bière en main?
Alors quoi ? Et bien une proposition toute simple : que 1% des sommes consacrées à ces spectacles sportifs soient reversées à l’éducation physique des jeunes. Chiche ?
B. ATTALI