Le renouveau de l'agriculture française passe par un projet de société

Le renouveau de l'agriculture française passe par un projet de société

En 2013, j’ai entrepris un tour de France à pied, sur plus de 5 000 kilomètres. J’ai vérifié partout l’extrême souffrance dans laquelle est plongé notre pays. Il a peur et n’a plus confiance en rien ni en personne. Cette marche a forgé ma détermination à lutter contre ce système qui brise nos vies, et qui demain broiera celle de nos enfants. J’ai rassemblé autour de moi des compagnons de cette marche citoyenne, avec qui nous avons constitué le mouvement Résistons !

Nous représentions le pays des Droits de l’Homme et du Citoyen, le pays de grands penseurs de la démocratie, Montesquieu, Benjamin Constant, Alain... La démocratie s’est égarée. Nous, représentants de la Nation, ne constituons plus qu’un théâtre d’ombres. Et pour les mêmes raisons, la quasi-totalité de la presse a renoncé à informer. Nous claironnons notre impuissance sous le diktat : plus de débat ! Plus d’idées ! Plus de futur ! Quelle déchéance ! La campagne que nous vivons est indigne de nos convictions. Elle ne dit rien ! Elle n’exprime rien ! Elle est dénuée d’émotion, de projet, d’humanité.

L’agriculture a cessé depuis longtemps d’être une cause nationale. Rien n’est fait pour l’encourager, rien n’est entrepris pour susciter un semblant de vocation chez les jeunes gens. Si par malheur ils ne l’ont pas d’eux-mêmes, qu’est-ce qui, aujourd’hui, à travers ce qu’ils apprennent, voient et entendent, pourrait les encourager à ce type de vie ?

Aujourd’hui, la production se concentre dans des exploitations de centaines d’hectares. Au lieu d’y faire pousser ce que le sol produirait de meilleur, les agriculteurs doivent produire du blé ou du maïs pour l’amidonnerie industrielle, ou des légumineuses pour nourrir le bétail des élevages immenses comme la « ferme des mille vaches ». Nos agriculteurs étaient des hommes indépendants et fiers de leur métier, ils le sont toujours, mais la Pac les a réduits à l’état de sous-traitants de grandes entreprises qui leur fournissent les semences, les intrants, et leur achètent leur production à des prix de plus en plus dérisoires.

De la place pour toutes les agricultures

Il y a en France de la place pour toutes les agricultures, des grandes exploitations céréalières aux plus petites, tournées vers l’agrément et le loisir. Toutes participent au moins à l’entretien de nos paysages. Toutes contribuent à l’identité de nos régions et à la variété de leurs productions. Bien sûr, je suis particulièrement attaché à l’agriculture paysanne, à la ferme à taille humaine. Celle dont le propriétaire peut faire à pied le tour dans la journée. Celle où les bêtes comme les hommes restent libres !

Par sa superficie, la France, après la Russie et l’Ukraine, est le plus grand pays cultivable d’Europe. Nous sommes l’un des seuls pays au monde où l’on peut tout faire pousser, céréales, fruits, légumes, en abondance et partout, aussi bien en montagne qu’en plaine ou sur les côtes. Dans de telles conditions, comment expliquer que la France se soit engagée dans une agriculture à l’américaine ?

Notre histoire agricole est une suite de renoncements honteux, indignes de notre pays. Une exploitation sur quatre a disparu entre 2000 et 2010. Il en reste moins de 500 000, dont à peine 200 000 réellement productives. Parmi les exploitants, de moins en moins de jeunes. Qui prendra la suite ? Combien d’emplois agricoles dans dix ans, à ce rythme ? Que deviendra notre pays sans agriculture ?

« Mon père avait coutume de dire

qu’on arriverait toujours à former

des ingénieurs et des architectes,

voire des médecins. Pour les paysans

ce serait beaucoup plus long et difficile

si nous laissions se perdre la tradition

et le savoir-faire dont ils sont issus. »

Je sais que le temps des paysans va revenir, celui des campagnes aussi, et du monde rural. Lorsque la France se réveillera, elle ne pourra plus supporter de voir ce qui est en train de disparaître. Elle n’acceptera plus que l’on laisse mourir ces centaines de milliers de propriétés moyennes et petites à la française, et avec elles leur incroyable capacité de production, leur capacité à entretenir notre territoire.

Jusqu’à aujourd’hui, nos concitoyens ont vu, d’un côté, la ville avancer et, de l’autre, la campagne se réensauvager. Des pans entiers de notre territoire sont aujourd’hui quasiment inhabités, leurs terres en friche. Les forêts envahissent les vallées, les arbres sont sur le point d’entrer dans les maisons. Il n’y en a jamais eu autant depuis le Moyen-Age. Il en pousse partout. Le Massif Central affiche complet, les Pyrénées aussi. Les prairies et les paysages naturels, que nous avons connus, disparaissent tous, parce que les paysans disparaissent. Pourtant, des siècles durant, ces régions ont assuré des productions adaptées à leur climat, leur topographie, leur identité : fruits et légumes, viandes de leurs élevages, poissons de leurs mers. Ces productions ont disparu, pendant qu’à la périphérie des villes, des grandes surfaces importent en masse des produits industrialisés et standardisés.

On fait des efforts pour remettre au goût du jour le lien direct entre le producteur et le consommateur, c’est très bien mais ça ne suffit pas. Les marchés de proximité ont presque tous disparu. Mon père avait coutume de dire qu’on arriverait toujours à former des ingénieurs et des architectes, voire des médecins. Pour les paysans ce serait beaucoup plus long et difficile si nous laissions se perdre la tradition et le savoir-faire dont ils sont issus...

Le renouveau de l’agriculture française passe par un projet de société, expliqué puis accepté par tout un peuple.

 

Jean Lassalle

Candidat à la Présidence de la République française

Maire de Lourdios-Ichère

Député des Pyrénées-Atlantiques



Benoit LAMOTHE comme quoi, le hasard fait bien les choses ! Nicolas Hazard

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