Le télétravail
Le télétravail n’est pas une invention de la crise COVID-19. Dans les années soixante-dix, on expérimente déjà de nouveaux modes de fonctionnement. Ainsi, les laboratoires Servier à Orléans, l’entreprise Bull à Angers, ou certains groupes à la Défense mettent en place les « horaires libres » ou le « travail à la carte ». Bien-être des salariés, désengorgement des files d’attente dans les ascenseurs ; les raisons sont alors multiples d’adapter les temps de présence sur site.
Aujourd’hui, le télétravail s’impose comme une révélation pour de nombreuses entreprises européennes et pour un grand nombre d’actifs. Au Pays-Bas, la moitié des salariés pratiquent le télétravail. En France, durant ces deux derniers mois, le télétravail a été massivement adopté par plus d’un tiers des actifs. Sur 8 millions de nouveaux télétravailleurs, 87% souhaitent poursuivre ponctuellement cette expérience.
De vrais atouts
A en croire Julia de Funès, philosophe, les télétravailleurs sont beaucoup plus performants chez eux qu’au centre d’un open-space ou de bureaux vitrés. D’après elle, « il suffit de se savoir visible pour agir comme si nous étions vus, et c’est donc très fatigant psychologiquement d’être toujours en représentation. D’une certaine façon le télétravail libère de ce poids psychologique. »
Et si la performance venait aussi de l’attention portée aux collaborateurs ? Durant le confinement, les managers et les responsables RH ont cherché à maintenir un véritable lien social. Beaucoup de collaboratrices et collaborateurs l’ont reconnu et l’ont apprécié. De même, ils se sont employés à soutenir et à accompagner. Cette empathie a infusé en grande partie dans le monde du travail. Comment faire perdurer cet état d’esprit ?
Au-delà de l’empathie, la sensation de bien-être et de liberté vient aussi d’une réduction de la fatigue pour certains télétravailleurs. Pas de déplacement entre la maison et le travail, ça change la vie ! La planète elle-même s’en porte beaucoup mieux. La baisse des émissions de gaz à effet de serre et la réduction de la pollution de l’air auraient même permis d’éviter plus de 11000 décès.
Certaines études pointent dans le même temps la montée en compétences sur l’usage du numérique et des outils collaboratifs. Chez VINCI Energies comme ailleurs, nos salarié.e.s ont appris très rapidement à se familiariser avec les outils numériques. Nous avons franchi un pas qui doit nous donner confiance et nous permettre de capitaliser sur ces nouveaux apprentissages. Qui aurait pu dire que la découverte du télétravail sous la contrainte aurait eu tant de succès ?
Une vigilance continue
Dans une crise sanitaire d’une telle ampleur et face à une situation de confinement inédite, le risque majeur est celui des déséquilibres et de l’accentuation des inégalités. Plus que jamais les sphères vie professionnelle /vie personnelle se sont télescopées. Une étude récente montre que beaucoup de femmes salariées ont mal vécu cette situation. Beaucoup d’entre elles sont encore trop souvent en première ligne sur de multiples sujets : gestion de l’école à la maison, sollicitations professionnelles, tâches domestiques… Leur charge mentale n’a malheureusement pas diminué.
Comment ne pas évoquer les risques psycho-sociaux directement liés au sentiment d’exclusion et de solitude ? Beaucoup de salarié.e.s déplorent une surcharge de travail pendant la période. La preuve supplémentaire d’une fracture dangereuse entre les cols blancs en télétravail et les cols bleus exposés aux risques sur le terrain (malgré le respect des gestes barrières) ou confinés chez eux.
A l’heure où la culture d’entreprise repose sur le partage de valeurs, la convivialité et le sentiment d’appartenance, comment cultiver le lien à distance ? Avec un turn-over régulier et 100% de télétravail, nous risquons de ne plus connaître nos collègues au bout de quelques mois. Il me semble que nous avons besoin de nous voir, de nous entendre, de nous retrouver au bureau ou à la machine à café pour renouer avec ce qui fait aussi notre humanité, à savoir le partage. La communication des émotions, des ressentis par le regard, la gestuelle, la posture, les expressions du visage sont indispensables pour convaincre, mobiliser, valoriser. Comment pourrions-nous concevoir un monde plus humain en nous passant de ce qui fait que l’Homme est bien plus qu’une machine à travailler ?
Depuis la fin du confinement, le télétravail n’est plus seulement perçu comme une nécessité mais, de plus en plus, comme un choix. Ces évolutions doivent s’accompagner d’un encadrement juridique pour clarifier le statut du télétravailleur, ses droits et ses obligations. Le télétravail doit être le résultat d’un commun accord entre le salarié et l’employeur. Nous avons été mobilisés du fait de cette transformation imposée, comment deviendrons-nous acteurs d’une organisation choisie ?
Jean-Michel DEDÔME
Directeur du Développement et de l'Animation des Richesses Humaines
Pour prolonger nos échanges, n'hésitez pas à me suivre sur Twitter, à me faire un retour par mail sur votre expérience et/ou sur ce billet. Nos échanges sont précieux. Poursuivons-les.
Expert Efficacité Energétique chez EDF
4 ansMerci Jean-michel pour cette analyse pertinente de cette adaptation rapide au télétravail ainsi que ces bienfaits et ces contraintes. J'abordé ce sujet auprès de ma hiérarchie il y a presque un an en abordant ces différents aspects du télétravail, on m'a répondu que c'était pas possible et peu....visionnaire
Directeur Contrôle de Gestion & Membre Comité de Direction URGO Industries | Business Partner orienté Performance-Rentabilité-Cash | Booster de Transformation & Digitalisation des process Finance et connexes
4 ansMerci Jean-Michel Dedôme pour ce post très riche quant à la recherche de l’équilibre “bureau/Télétravail”. Je ne crois pas au “100% #Télétravail” qui serait notamment un frein au maintien/développement des valeurs, de la culture d’entreprise, du sentiment d’appartenance et qui ne permettrait pas au manager de gérer une composante majeure de la relation avec ses collaborateurs(trices) : le “non verbal”... mais OUI pour une répartition “bureau/télétravail” équilibrée et différente selon profils-métiers.
accélération des maîtrises digitales, nouvelles postures managériales à trouver mais laisser toujours la place à l'innovation et la créativité qui passeront encore par l'émulation et la stimulation des rencontres physiques ...
Coach de managers - Consultante en bilans de compétences - Médiatrice en entreprise, résolution de conflit interpersonnel - Formatrice RH, développement de la posture de coach
4 ansMerci Jean-Michel pour ces réflexions que nous menons tous. Ce que nous venons de vivre nous interroge sur la (nouvelle?) façon de manager les ressources humaines. Chez VINCI Construction France, la direction du développement RH et les DRH se mobilisent sur ces sujets. Nous organisons des rencontres régulières - sous forme de think tank - pour partager nos expériences sur le travail à distance, les nouvelles formes de communication, de formation, ... Ces retours sont précieux et vont nous permettre de bâtir un avenir - un peu, beaucoup ? - différent. Nous pourrons partager nos idées et réflexions. A bientôt donc :)
Partenaire de vos situations complexes
4 ansMerci Jean-Michel Dedôme pour cette contribution très équilibrée au débat. La plupart des crises déplacent les montagnes de nos modèles mentaux et ouvrent de nouveaux passages sur des lignes de crêtes à explorer. Ce qui ne changera pas, c’est que tout cela reste une histoire d’équilibre entre les besoins individuels et ceux des différents collectifs que sont la famille, l’entreprise et la société au sens large. Incontestablement, nous avons ici un peu plus de marge de manœuvre dans le positionnement des curseurs que nous croyions. Il y a certainement de grands bénéfices à en tirer avec audace et mesure : Expérimentons et ajustons !