Le temps, maître des organisations.
"Le temps est la seule monnaie qui existe".
Pour une personne du monde des affaires, dépenser un euro peut potentiellement rapporter plus, mais aussi douée soit-elle une seconde dépensée est dépensée, pas de remboursement possible, pas de retour sur investissement, vous ne pourrez jamais la récupérer. Le temps est important mais le temps est une notion dite "grise", elle est neutre, et si on la prend seulement en considération, elle rend notre vie fade. Les émotions sont le concept derrière une vie colorée et riche, et la source de la plupart de nos émotions sont souvent déclenchées par nos pairs. Le temps et les relations humaines sont les notions coeur de nos vies individuelles et donc, par extension, de nos sociétés collectives. En résumé, la question que tout le monde devrait se poser est : "Avec qui j'aimerais le partager mon temps limité ?".
Même s'il est neutre, comme dans le film "Time out" pour répondre aux besoins de certains dirigeants de le prolonger, le temps est identifié comme le facteur limitant. Immuable sur son trône quantique, il règne en maître absolu sur le concept de vie organique. En sciences cognitives, nous aimons dire que le temps appartient à l'environnement. Les différentes luminosités extraites du rapport entre le jour et la nuit sont les chefs d'orchestres qui dictent les rythmes biologiques derrière notre perception du temps : les rythmes circadiens. En retour, ces cycles dirigent le développement puis le vieillissement de notre corps et de nos pensées. Les effets derrière un enfermement prolongé se traduisent souvent par une perte de la notion de temps, des sautes d'humeur, du stress et parfois la perte de la raison. Notre rythme de vie et les changements parfois imperceptibles dans nos environnements dictent nos rythmes de pensée.
Par conséquent, la gestion du temps, de notre temps, savoir ce que l'on veut faire avec, savoir ce que l'on fait avec, savoir avec qui on le dépense, savoir accepter de l'utiliser autrement et parfois, savoir ne pas le gérer, sont les clés d'une réussite autant professionnelle que personnelle.
Qu'il soit individuel ou collectif, le temps gère toute forme d'intelligence. La vie d'une organisation par exemple est gérée par le "qui doit faire quoi, avec qui, pour qui et surtout pour quand ? ". Si vous retirez ce dernier élément alors, l'organisme ne peut se coordonner. Un peu comme si une personne court et saute pour attraper la main de quelqu'un, et l'autre ne le regarde même pas, tout simplement parce qu'il n'avait pas eu le facteur temps : l'urgence. Dans les organisations, il n'existe pas vraiment de maître du temps mais plutôt des gardiens. Contrairement à ce que nous pourrions croire, les personnes derrière cette coordination fine sont rarement les dirigeants mais plutôt leurs assistantes. La vraie question que tout expert administratif se pose chaque jour, chaque semaine, chaque mois, chaque trimestre et chaque année : "combien de temps faudra-t-il pour faire telle tâche ?". Son travail est d'identifier, analyser et comprendre le temps nécessaire aux productions de chaque membre des équipes qu'elles co-dirigent pour fixer les objectifs et synchroniser les calendriers. Le paradoxe de ce métier d'or est qu'elles gardent et canalisent le temps des autres au détriment du leur, elles sont esclaves des temps de leurs équipes. C'est leur expertise à former, autonomiser, automatiser et faire battre la mesure qui leur permettront de reprendre le contrôle de leur propre temps.
La présence des assistantes au sein des organisations permet donc de gérer et de maintenir l'inertie du rythme et des routines qui coordonnent les mouvements des organisations. Et si nous pouvons extraire une des leçons de cette période, elle serait ici : inertie, rythmes et routines sont les clés de la performance et de la survie, mais si elles ne sont pas adaptables, malléables ou élastiques, elles sont synonymes de perte humaine, matérielle et immatérielle. En France, le confinement a donné ses lettres de noblesse au télétravail, et nous a fait gagner des années de retard sur les us et coutumes en termes d'environnement professionnel et de nouveaux modes de travail. Mais cela ne se fait pas du jour au lendemain et plusieurs entreprises sont encore en train de s'adapter à ce nouveau mode de travail qui demande de repenser le rapport entre temps, échanges d'information et tâches à executer. La perception du temps a éclaté au vol en une annonce présidentielle, un lundi soir, quelque part entre la fermeture des écoles et le choc récent de l'annonce de ce virus qui n'épargne personne. Les émotions liées au temps "perdu", au temps "retrouvé" ou au temps "suspensdu" sont vécues comme un trauma et l'adaptation d'un nouveau quotidien vécu au sein de nos domiciles devient pour tou.te.s la norme.
Alors comment organiser son temps lorsque l'environnement connu des organisations n'existe plus pour des raisons sanitaires ? Nous nous posons encore la question, mais nous pensons que c'est le moment pour que chacun apprenne à être responsable de son temps. Les nouvelles pratiques, les nouveaux outils et les nouveaux modèles d'organisation permettront à chacun de diminuer les temps en réunion ou en "call", les confiances et les respects entre chacun vont augmenter, et les personnes pourront s'élever à des tâches à plus forte valeur ajoutée. Et les assistantes, ces distributrices de temps, ne s'occuperont plus du temps de maintenant, mais deviendront les futurs professeurs et stratèges des temps de demain et d'après demain...
Guillaume Dechambenoit (Lead @ agence-iro.com) et Mina Dhifali (Lead @ My French PA)