Le test de resistance du Covid-19

Au delà de l'impact sanitaire et humain -potentiellement dramatique- de la pandémie en cours, notre société va devoir gérer les retombées économiques, sociales et sociétales d'une crise qui se présente comme un point de rupture avec nombre de piliers des sociétés mondialisées de ce début de XXIeme siècle.

La crise de 2008 avait exacerbé des vélléités nationalistes sous-jacentes et permis de rebattre les cartes à l'échelle mondiale en portant des courants politiques ou économiques axés sur la contestation du bien-fondé revendiqué de tout ce qui avait présidé au fragile équilibre géopolitique entretenu depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Le multilatéralisme, les accords de Bretton Woods, l'approche universaliste et humaniste de la conférence de San Francisco en 1945 ou encore l'esprit de la CECA et plus tard du Traité de Rome sont quelques piliers sur lesquels nous avons construit la plus longue période de paix et de prosperité de notre histoire. De nombreuses crises économiques et conflits régionaux, parfois très meurtiers ont émaillés les 70 dernières années. Mais malgré un accroissement vertigineux des inégalités, toutes les études démontrent qu'en dépit d'une explosion démographique la situation sanitaire et les conditions d'accès à l'éducation, à la nourriture, à l'eau de la population mondiale ont globalement progressé. Et si l'on veut bien se defire d'un regard passéiste et nostalgique, les conditions de vie dans les pays de l'Union Européenne -France comprise- sont nettement meilleures aujourd'hui que dans les années 1950, en témoignent les indicateurs objectifs relatifs à l'espérance de vie ou au degré de protection sociale et d'accès aux soins. Cette progression est encore plus marquée si l'on prend l'exemple de pays en voie de développement tels le Cambodge, le Viet-Nam, le Nigéria et davantage encore avec les puissances émergentes comme la Chine ou l'Inde qui connaissaient des famines meurtières il y a à peine 60 ans.

Cette stabilité, cette prosperité et ces progrès qui restent relanvient de ne pas oublier ce qu'ils doivent aux politiques de coopération, de concertation et de conciliation qui étaient censées nous conduire vers une gouvernance mondiale à travers des structures embryonnaires comme le G7 et le G20.

S'ils n'ont jamais fait l'unanimité, pas plus qu'ils n'ont été globalement appliqués, l'adhésion à ces grands principes a néanmoins étée la règle, jusqu'à une période très récente, et majoritairement admise, que ce soit par les instances dirigeantes ou par les peuples appartenant à des régimes démocratiques.

La dérive autoritaire et parfois autocratique, le glissement en quasi-démocrature de nombreux régimes qui s'étaient pour certains intégrés ou rapprochés du bloc des démocraties libérales depuis la fin de la guerre froide, nous promettaient tous azimuts de devoir les combattre pied à pied au coeur même de nos grandes démocratie qu'il devient tant bienséant de vouer aux gémonies.

Le choc qui s'annonce à très court termes et les retombées multiples que nous devrons gérer et amortir à long terme, ne peut qu'accentuer la menace qui pèse sur les valeurs démocratiques, solidaires, humanistes et libérales auxquelles nous devons tant aujourd'hui.

Nous n'avons pas le droit d'échouer au test que nous nous apprêtons à passer.

Que nous soyons décideurs politiques, agents de la fonction publique, acteurs économiques, parents, grands-parents, c'est notre condition de citoyens qui est à la fois l'outil et l'enjeu du combat que nous devons mener.

Des forces contraires sont en jeu pour déterminer quels principe de la démocratie ou des régimes autoritaires sera le plus apte et le efficace pour gérer cette crise et ses conséquences sur la cohésion sociale à l'échelle mondiale, européenne, nationale et locale.

De notre capacité d'union et d'adaptation, de notre foi lucide dans nos valeurs fondamentales depend peut-être l'avenir de notre démocratie.

SP