Le viol comme arme de guerre : c’est quoi ?
Comment parler ouvertement et simplement d’un sujet aussi tabou que le viol de guerre ? Suis-je légitime pour le faire ? Ce sont des questions que je me pose souvent… mais il me semble urgent de libérer la parole.
Le viol comme arme de guerre : c’est quoi ?
Non, je ne suis pas une experte du viol comme arme de guerre, mais j’ai à cœur de vous faire partager mon expérience et mon ressenti.
Le viol, c’est une arme qui ne coûte pas d’argent, et qui peut détruire toute une société. Oui, c’est une arme, car c’est une méthode mise en œuvre de façon pleinement consciente à des fins particulières. Ce sont des groupes de personnes qui sont violés de la même manière, selon le même mode opératoire. Un nombre vertigineux de femmes, mais aussi d’hommes, victimes.
Dans les conflits ethniques, c’est une arme humaine utilisée pour s’accaparer un territoire, en faisant naître de force des enfants qui ne seront pas acceptés, et pour déstabiliser ainsi toute une région. Une méthode encore plus sournoise que les bombes et les armes à feu.
Le pire, c’est que cela n’a rien de nouveau. Guerres, conflits, occupations,… Le viol a toujours été une façon de prendre le pouvoir sur l’autre : on viole un homme pour l’humilier et lui faire perdre son rôle de responsable dans les sociétés patriarcales ; on viole une femme pour humilier son peuple, ou encore pour faire naître des enfants d’une autre ethnie. Pendant le conflit en Bosnie, les femmes victimes étaient surveillées par l’ennemi jusqu’à ce qu’elles ne puissent plus avorter… ainsi, l’autre camp pouvait être sûr qu’elles donneraient naissance à des enfants serbes. Dans le viol utilisé comme arme de guerre, il y a une finalité. Il est perpétré pour une raison précise. C’est une stratégie pensée à long-terme. Voilà ce qui est le plus choquant. Il reste pourtant souvent impuni, laissant derrière lui des victimes qui doivent, malgré tout, se reconstruire.
La découverte de la réalité… et de l’horreur
Car lorsque j’ai rencontré le Docteur Mukwege, je ne pouvais plus rester sans rien faire. C’est d’ailleurs comme cela que mon association Fight For Dignity est née. Ce Docteur, aujourd’hui Prix Nobel de la Paix, qui œuvre depuis des années pour réparer le corps meurtri de ces femmes violées, et pour les accompagner sur le chemin de la résilience.
Quand je l’ai entendu témoigner de son travail de chirurgien gynécologue, des conséquences des conflits, du viol de guerre,… J’ai été sous le choc. Je n’avais aucune idée de ce que cela pouvait représenter réellement. Une telle rencontre ne peut laisser insensible, et c’est pourquoi j’ai voulu apporter mon humble contribution.
Je n’avais pas idée de ce que cela représentait, car c’est un sujet extrêmement tabou. Un sujet tabou, comme dans les familles comportant des enfants issus du viol après les guerres. Un sujet que tout le monde tait. Un silence qui participe de la puissance de cette arme de guerre (in)humaine.
Comme l’explique le Dr Mukwege, le viol est une arme qui ne coûte pas d’argent à celui qui l’utilise, et qui pourtant terrorise et détruit les individus et leur entourage. Des conséquences qui s’abattent sur toute une société. Et n’oublions pas que de telles méthodes restent souvent ancrées dans une société : les violeurs sont des personnes que l’on drogue, que l’on déshumanise, et qui vont continuer à violer même après le conflit. Car ce type de viol n’existe pas qu’en temps de guerre : les violeurs étant impunis, ils continuent à perpétrer ces crimes. Certains dogmes terribles persistent encore : pour eux, s’en prendre à un jeune enfant, c’est lui prendre sa pureté et ainsi se purifier de son passé, ou d’une maladie.
"Voilà pourquoi le viol utilisé comme arme de guerre est souvent comparé à des métastases, à un véritable cancer qui se répand sans fin. » Dr Mukwege
« Soigner » les victimes : est-ce possible ?
Je ne suis pas sûre que l’on puisse parler de « guérison »… L’objectif serait plutôt d’aider les victimes à atteindre un certain degré de résilience, pour qu’elles retrouvent leur place dans la société ainsi que leur dignité.
C’est dans cette optique qu’a été créée la Maison Dorcas en 2008, centre de transit pour les femmes opérées à Panzi. Fight For Dignity est une brique dans ce cheminement global.
Le Docteur Mukwege a pensé cet accompagnement dans sa globalité : ni uniquement physique, ni uniquement psychologique. Et je crois que cette idée très novatrice est la clé.
Les femmes victimes de viol ont souvent eu des parcours longs et chaotiques avant d’arriver à Panzi. À l’hôpital, on leur propose un accueil, un hébergement, de la nourriture, une écoute, des formations, de la musicothérapie, des activités,… Ces femmes sont déjà extrêmement résiliantes. C’est Franck, l’enseignant de karaté de Fight For Dignity, qui en parlerait le mieux, puisqu’il est au contact de ces femmes depuis 2014. C’est parce qu’on leur apporte un accompagnement global que ces femmes s’ouvrent peu à peu, qu’elles accordent leur confiance.
Laurence
CEO cofounder Feelobject #WomeninTech #inclusion #handicap #A11y #deeptech #SmartCity #Villededemain @Diversidays @Handilab @FemmesenMouvement @LesEntreprisessengagent @VillagebyCALux @SISTAEntrepeneurE Alumni
4 ansUn grand merci pour cet article qui me laisse sans voix. Je ne connaissais pas non plus le terme de "viol comme arme de guerre" et je trouve aberrant de lire que ces personnes ne sont pas jugées. Et même si Fight for Dignity n'est qu'"une brique de ce cheminement global" pour vous citer, il a le mérite d'exister !
Rédactrice web SEO / Écrivain-Conseil®/ Écrivain biographe
6 ansTerrible et poignante photo qui illustre cet article. Une image vaut mille mots.
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6 ansTout le monde est légitime pour dénoncer des actes de barbaries et des atrocités...