Leadership : on a soumis Trump au test de la maladie du pouvoir et voici les résultats...
source : Euronews

Leadership : on a soumis Trump au test de la maladie du pouvoir et voici les résultats...

Chronique publiée dans Les Echos.fr le 2 Novembre 2020

In extremis, juste avant l'élection présidentielle, on a soumis le président des Etats-Unis à un test de 14 critères. Quand on sait qu'il suffit de trois réponses positives pour être atteint de syndrome d'hubris - ou d'orgueil démesuré -, on juge le score de celui qui est encore l'actuel président des Etats-Unis tout à la fois «fascinant et inquiétant».

Publié le 2 nov. 2020 à 16:45

« Maintenant, ils disent que je suis immunisé. Je me sens si puissant ! (...) Je peux marcher dans cette foule (...) embrasser tout le monde, embrasser les hommes et les magnifiques femmes », s'est écrié, bravache, Donald Trump lors de son meeting en Floride. Tout puissant, omnipotent… Trump est peut-être guéri du Covid 19 mais certainement pas d'un autre syndrome qui atteint les hommes et les femmes qui sont au pouvoir : l'hubris.

Hubris, c'est le nom donné au syndrome mis au jour et largement analysé par le médecin et homme politique David Owen dans son ouvrage « La maladie du pouvoir» (»In Sickness and In Power») paru en 2008. Rappelons que pour les Grecs anciens, l'hubris était l' « orgueil démesuré », le comportement le plus inacceptable d'un humain, qui entraînait une punition cruelle de la part des dieux.

Selon Owen, l'Hubris se traduit par un sentiment de toute puissance. Les personnes qui en sont atteintes perdent alors contact avec la réalité, développant des sentiments d'invulnérabilité, d'égotisme, associé à un mépris pour tous les conseils et les critiques. On est proche, dans sa version la plus pathologique, de la personnalité narcissique. La différence est qu'en quittant le pouvoir, le syndrome disparaît, alors que le narcissisme est un trait de caractère, mais les deux sont profondément liés.

David Owen identifie dans un article, écrit en 2009 avec Jonathan Davidson dans la revue Brain, 14 critères pour décrire le syndrome d'hubris. Il en suffit de 3, selon lui, pour être atteint du syndrome. Faisons passer le test à Donald Trump sur la base de ses propres propos citations dûment identifiés et largement diffusés.

1. Voir le monde comme une scène pour exercer son pouvoir et rechercher la gloire.

« Le Danemark est un pays très spécial avec des gens incroyables, mais à la lumière des commentaires de la première ministre Mette Frederiksen, selon lesquels elle n'aurait aucun intérêt à discuter de l'achat du Groenland, je vais reporter notre réunion qui était prévue dans deux semaines à un autre moment... » - Donald Trump, le 20 Août 2019

2. Chercher systématiquement à embellir son image et ses actions

« C'est quand, la dernière fois qu'on a battu la Chine lors d'un accord commercial ? Moi je bats la Chine tout le temps. Tout le temps. »

3. Développer un attrait démesuré pour l'image et l'apparence

« Arianna Huffington est laide, à l'intérieur comme à l'extérieur. Je comprends que son mari l'ait quittée pour un homme. Il a pris la bonne décision. » (Tweet Août2012)

4. Evoquer les affaires les plus banales de façon exaltée

« Je lave mes cheveux avec Head & Shoulders. Je les laisse sécher tout seuls et ça dure une heure. Ensuite je les peigne de la même manière depuis des années » (magazine Rolling Stone, le 26 mai 2011).

5. S'identifier à l'organisation qu'on dirige et penser que ses propres points de vues et intérêts sont identiques

« Je construirais un grand, grand mur à la frontière sud et je le ferai financer par le Mexique ».

6. Avoir une confiance totale en son propre jugement et mépriser les avis extérieurs

« Rien ne change à propos du rapport Mueller. La preuve était insuffisante et ainsi, dans notre pays, une personne est innocente. Le dossier est clos ! Merci » (tweet du 29 mai 2019, suite au rapport Mueller )

7. Se sentir omnipotent

« Mon compte Twitter est devenu tellement puissant que je peux forcer mes ennemis à dire la vérité » ( tweet du 17 octobre 2012 )

8. Être persuadé de n'avoir de comptes à rendre qu'à la postérité

« Je serai le meilleur président du travail que Dieu ait jamais créé » - le 16 juin 2016

9. Croire que l'Histoire jugera positivement son oeuvre

« J'ai bâti la plus grande économie du monde. » - Entrevue à Fox News le 19 juillet 2020

10. Perdre contact avec la réalité

« J'espère que George [Floyd] nous regarde de là-haut et qu'il dit que c'est une chose géniale pour notre pays. C'est un grand jour pour lui. C'est un grand jour pour tout le monde. […] C'est un très très grand jour pour l'égalité. » - Discours du 5 juin 2020, une semaine après la mort de George Floyd

11. Donner dans l'agitation et l'impulsivité

« Vous êtes vraiment en super forme!» - Au moment de sa rencontre avec Brigitte Macron lors de sa venue à l'Elysée en 2017, faisant une allusion à peine voilée à son âge !

12 N'accorder d'importance qu'à l'objectif et la vision, sans s'embarrasser ni des coûts ni des conséquences

- « Maintenant, je crois que c'est sous contrôle. » (Trump)

- « Comment ? Mille Américains meurent chaque jour. » (journaliste)

- « Ils meurent - c'est vrai. C'est comme ça. » (Trump) - Interview diffusée sur HBO le 4 Août 2020 à propos de la pandémie

13. Court-circuiter systématiquement les rouages décisionnels.

« Les avocats et les tribunaux peuvent désigner ça comme ils veulent, mais je dis que c'est ce dont nous avons besoin et qu'il s'agit bien d'une interdiction de voyager ! » - Tweet du 5 juin 2017 sur l'interdiction d'entrée aux USA pour les ressortissants de plusieurs pays majoritairement musulmans.

14. Parler de soi à la troisième personne ou avec le « nous » de majesté

Il n'y a que ce critère qui ne semble pas rempli… Le diagnostic est posé, me semble-t-il avec un très beau score de 13 critères positifs sur 14 ! Il est certainement valable pour le leadership de bien d'autres « puissants » de ce monde . Mais nous avons là un très bel archétype du syndrome d'hubris. Ce qui sera intéressant, c'est de savoir si ce syndrome disparaîtra s'il perd la présidence... En revanche, s'il la gagne, à lire David Owen, le syndrome risque de s'amplifier encore. Une perspective à la fois fascinante et inquiétante.

Source : Revue Brain Article de D. Owen et J. Davidson : « Hubris syndrome: An acquired personality disorder? A study of US Presidents and UK Prime Ministers over the last 100 years » : volume 132, parution du 5 mai 2009 (pages 1396-1406).

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Antoine Rothé

Enseignant et formateur chez ARTH Management / Préparation concours d'officiers (SPP et Armée de Terre) + ODS, ESP, soutenance universitaire...

4 ans

Personnellement je crois que j'en connais un autre en France qui dirige notre pays. En plus fin, plus d'intelligence dans les propos mais avec un ego hyper-trophié !

Pascal ANCEAU

Responsable de secteur chez Stradal

4 ans

Et bien, on a pas le c** sorti des ronces s'il est réélu...

Stephane Dangel

Ex @ Storytelling France | Formateur | Animateur workshops de formation Storytelling

4 ans

Lubrique, aussi

louis-marie Chênais

Préventeur en sécurité globale de management des risques de sécurité des personnes et des biens, maintenance, travaux, SdF, IE. Artisan cindynicien pragmatique ; je transforme en R.O.I. vos risques (médaille de bronze).

4 ans

Merci pour ce nouveau partage très intéressant. Les yankee ont inventé spiderman, superman, Batman, et bien d'autres, mais tous sont fictifs. Par contre, ils ont supermegaloman. Si les ricains n'etait pas la, nous serions tous Germany....

Gérard le Paige

Bibliothécaire au "Centre de ressources B3"

4 ans

La "nation indispensable" de Madeleine Albright, secrétaire d’État de Bill Clinton, est un autre symptôme de cette pathologie. Tout autant que (un exemple parmi bien d'autres !) l’intervention au Vietnam. Alors Trump... Certes.

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