#lecture_10 : "La vie secrète des arbres, ce qu'ils ressentent, comment ils communiquent" - Peter WOHLLEBEN - Les Arènes (2017)
Le livre de Peter WOHLLEBEN est un véritable succès de librairie puisque depuis sa publication en 2015 en Allemagne plus de 650 000 exemplaires ont été vendus, et qu'il est aujourd'hui traduit en 32 langues. Il a été publié en France l'année dernière, et je pense qu'il devrait rapidement trouver un nouveau public ... Le lien ci-dessous permet d'accéder à la présentation de l'ouvrage sur le site de l'éditeur : http://www.arenes.fr/livre/vie-secrete-arbres/
L'auteur est un garde-forestier allemand, qui avoue avoir exercé (pour le compte de la Ville de Hümmel, au sud de Cologne) de façon "traditionnelle" le métier pour lequel il avait été formé, avant de voir les arbres autrement. Au contact des questions posées par le public, et au contact de chercheurs de l'Université d'Aix-la-Chapelle. Depuis une vingtaine d'années, sa réflexion prend appui à la fois sur une culture empirique, une culture scientifique et une passion pour la diffusion des connaissances.
L'ouvrage est passionnant et se lit facilement car il est constitué de 36 courts chapitres, tels que "Le langage des arbres" ; "Eloge de la lenteur" ; "Le monde souterrain" ; "Les arbres et le carbone" ; "Retour à la forêt primaire" ou "Plaidoyer pour le respect des arbres". J'avoue pour ma part humblement que quand j'ai refermé le livre, je ne voyais plus du tout l'univers végétal de la même façon ... Un large public pourra trouver du plaisir à lire cet ouvrage. L'acousticien sera par exemple intéressé par les travaux de chercheurs australiens réunis autour de Mme Monica GAGLIANO qui après écoute du sol, ont mis en évidence un signal acoustique émis par les racines des arbres centré sur la fréquence 220 Hz. Et encore plus fort : les germes (petites racines) non impliqués par l'émission sonore s'orientaient dans la direction du bruit ! L'auteur s'interroge : en plus des échanges d'informations via le mode olfactif, visuel, électrique et chimique, les végétaux échangeraient-ils des informations par ondes sonores ? Autre sujet (exemple) abordé dans le livre : comment l'eau contenue dans le sol parvient-elle à monter jusqu'aux feuilles ? Plusieurs processus physiques sont susceptibles a priori d'entrer en jeu dans le transport vertical de l'eau : la capillarité, la transpiration et l'osmose (transfert de molécules depuis une solution diluée vers une solution plus concentrée via un effet de membrane). Mais c'est très insuffisant pour expliquer pourquoi au printemps l'eau présente à l'intérieur de certains arbres circule avec une telle intensité que l'on peut entendre "à l'oreille" le phénomène en posant un stéthoscope sur le tronc de l'arbre. L'acousticien ou le biologiste seront peut-être troublés d'apprendre (voir page 73) que des chercheurs de l'Université de Berne, du WSL et de l'Ecole Polytechnique Fédérale de Zurich (ETH) ont exploré le phénomène acoustique, notamment de nuit. Et ils ont constaté que les arbres qu'ils auscultaient émettaient un léger murmure. La nuit, les troncs contiennent un maximum d'eau, car la photosynthèse est temporairement en pause, et le houppier (ensemble des ramifications portées par la tige d'un arbre au-dessus du fût de l'arbre) transpire à peine. Les arbres en profitent pour se gorger d'eau, au point que cela entraîne un léger accroissement du diamètre des troncs. A l'intérieur des vaisseaux, l'eau est quasiment à l'arrêt, rien ne circule. D'où proviennent donc les bruits ? Et bien les chercheurs arrivent à la conclusion qu'ils sont très probablement générés par la formation de minuscules bulles de dioxyde de carbone (CO2) dans les fins tubes internes remplis d'eau. Des bulles dans les vaisseaux ? Cela signifie que le flux d'eau qui les emprunte est interrompu des milliers de fois (l'agitation des bulles de gaz carbonique induit un signal acoustique), et que par voie de conséquence finalement, la transpiration, la cohésion et la capillarité ne contribuent guère au transport de l'eau. Ce qui suscite de nouvelles questions ... Et comment un arbre respire-il ? Réponse : par les aiguilles ou les feuilles (si présence), par leur tronc (un peu) et par les racines (surtout).
Pour un esprit non initié mais curieux, la lecture du livre est donc particulièrement stimulante. Et il faudra revenir sur certains sujets tels que l'usage du matériau bois dans la construction (la prise en compte de l'acoustique et des vibrations) ou bien la contribution du végétal dans le processus de recyclage du CO2 atmosphérique. Qui comme chacun le sait, constitue le gaz à effet de serre de référence, et dont la concentration dans l'atmosphère continue d'augmenter année après année (pour le moment ?), malgré les engagements successifs de réduction des émissions anthropiques pris par les Etats.
Pour plus de détails sur ce dernier point :