L’effet d’aubaine finit toujours par pervertir les bonnes idées.

L’effet d’aubaine finit toujours par pervertir les bonnes idées.

Un des drames de l’action publique est que ses intentions louables finissent presque toujours par être perverties par l’effet d’aubaine.

Ce qui advient actuellement aux formations professionnalisantes en alternance en est la parfaite illustration.

Permettre aux jeunes générations d’accéder à des formations professionnalisantes avec des coûts raisonnables, tout en se construisant une expérience professionnelle est bien évidemment une excellente initiative :

  • L’accès à des formations potentiellement coûteuses n’est plus totalement conditionné aux capacités financières, c’est là un excellent moyen de réactiver l’ascenseur social.
  • L’oxymore de l’intenable volonté de recruter des débutants ayant de l’expérience est vaincu.

Finalement, dans l’idéal, nous avions des profils de jeunes gens formés dans un esprit de compagnonnage, ayant fait la transition du paradigme scolaire au paradigme professionnel, entrant dans le carrière solidement armé.

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Mais rapidement, le système a été perverti par l’incroyable effet d’aubaine qu’il a produit.

Du côté des groupes privés de l’éducation :

  • Vendre un produit qui ne sera pas payé ou partiellement payé par le client est un fantasme de marketing.
  • Un client ne payant pas ou payant partiellement est bien moins exigeant sur la qualité.
  • Nous avons assisté à une croissance exponentielle des offres et à un transfert conséquent d’argent public et parapublic dans les caisses d’acteurs privés.

Du côté des employeurs :

  • Les entreprises jouant le jeu de l’accompagnement de la formation et de l’investissement sur de futures ressources deviennent de plus en plus rares.
  • Beaucoup voient de plus en plus dans l’alternant une ressource productive peu coûteuse à qui l’on confie parfois des tâches très éloignées des compétences devant être acquises.

Du côté des étudiants :

  • Le relativement faible volume d’heures de formation est de plus en plus vu comme un mal nécessaire n’apportant que peu de compétences.
  • De plus en plus de titulaires de BAC+3 à l’employabilité certaine poursuivent pourtant sur des BAC+5, plus ou moins douteux, parce que c’est gratuit et supposées ajouter un vernis de prestige à leur CV.

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Bien évidemment, face à la croissance vertigineuse des coûts, la réaction logique des technocrates et des bureaucrates, en parfait héros de Courteline, a été de réguler, de réglementer, de codifier…

Mais cette volonté en théorie louable est clairement un échec :

  • La certification « qualité » Qualiopi est une horreur technocratique déconnectée de la réalité, qui détruit toute créativité pédagogique, ramène les formations professionnalisantes à une caricature du paradigme scolaire, mobilise d’importantes ressources au détriment de la réelle transmission des compétences… 
  • Les référentiels France Compétences / RNCP sont également des monstres kafkaïens dans lesquels les professionnels ne reconnaissent pas les réalités de leur métier et qui deviennent pourtant prégnants.

Finalement, la régulation n’a pas amélioré la qualité des offres d’un iota et s’avère même souvent contre-productive en termes de qualité de transmission et de pédagogie.

Elle a seulement eu comme effets :

  • D’enrichir les cabinets et les officines de conseil et d’audit.
  • De donner le pouvoir aux technocrates au sein des groupes d’éducation, qui ont joué sur la peur du gendarme, au détriment des vrais professionnels de la transmission.

Nous arrivons à un monstre digne de Kronos dévorant ses enfants, qui coûte de plus en plus cher, fait la fortune d’acteurs privés, devient une aide déguisé aux entreprise, rate de plus en plus ses objectifs de qualité de formation … et dont le retour sur investissement est de plus en plus discutable pour la nation.

La prise de conscience commence, heureusement, à se manifester, que ce soit à la Cour des Comptes, dans les médias, chez les politiques, et également dans les entreprises.

Ajoutons à cela quelques scandales qui ont récemment été médiatisés et qui mériteraient un ouvrage d’envergure similaire à ce que fut Les Fossoyeurs pour les EHPAD.

#Alternance #Formation

Charles Mautaint

Consultant CPQ et 3D temps réel

2 mois

La où un niveau bac +3 serait suffisant on pousse les étudiants à poursuivre vers un bac +5 par la peur d'un plafond de verre hélas trop souvent réel, situation que j'ai vécue après mes première études

David BELLAISCH

Directeur Général de GTA Energies, Président-Fondateur de Villes et Réseaux 3D, Directeur Général de GTA Environnement, Président-Fondateur de Volumetric Studio

7 mois

Et tu sais de quoi tu parles...Très bien écrit et très clair. Vu sous cet angle en effet, il ya de quoi remettre l'église au centre du village.

Thierry BENDA

Développeur Fullstack Senior - Backends Java & Frontends Thymeleaf ou Angular

8 mois

Une aubaine financière pour les organismes qui pompent de l'argent public et "forment" à une cadence insolente des gens qui ne sont pas capables de faire le job correctement ensuite. Gaspillage d'argent public 💸.

Kevin Glass

Chief Technology Officer at Run My Service

8 mois

J'ai vécu le même effet dans le monde de l'entrepreneuriat. Une multitude de possibilités de financement offert par la gouvernement et plusieurs niveaux, en theorie un très bonne chose. Mais arrive une cascade de règles et de bureaucratie, qui fait qu'aujourd'hui il faut obligatoirement passer par un "incubateur" meme avant d'être considéré pour un financement, et ce dernier prend 50%+ du financement mais ne fait rien d'autre sauf louer un bureau dans un openspace et organiser des apéros. L'argent destiné à l'innovation perdu pour rien. Et pire, dans une startup ces financements enfin perçus ne peuvent uniquement payer des devs ou de la recherche pure, pas des efforts de marketing ou d'autres essentiel pour la croissance. En revanche on autorise la dépense de cet argent pour "l'incubation" qui ne fait pas plus !

Yves Lalanne

Architecte / Lead | Craftsman

8 mois

iIl y a de ça, merci Stéphane. Mais globalement le secteur de la formation est la jungle, le far west, le paradis des investisseurs. C'est pour cela que l'on dit que pour 1€ investi dans la formation généralement on en récupère 7 ! Il y a les aides publiques, et impliquer l'état français dans n'importe quoi, est le plus sûr moyen de pourrir le secteur en question ... Mais il y a aussi le fait que n'importe qui peut enseigner n'importe quoi ! Après c'est en faisant n'importe quoi que l'on devient n'importe qui, voici c'est en enseignant n'importe quoi à n'importe qui que l'on devient riche, les amis ^^ P.S: c'est de l'humour ne faites pas ça, de grâce ^^

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