L'enjeu de la valorisation de nos données personnelles.

L'enjeu de la valorisation de nos données personnelles.

La question sous-jacente, depuis quelques années déjà, de la valeur des données personnelles revient sur le devant de la scène ces dernières semaines un peu partout dans le monde.

Chaque trimestre, les bénéfices astronomiques des géants du Web, les GAFA en première ligne, nous rappellent à quel point nos données personnelles ont de la valeur. Et une certitude, ces données sont amenées à exploser dans les prochaines années. Le groupe de conseil IDC prédit que la quantité de données générées dans le monde atteindra 44 zettabits d’ici 2020 (soit 4.4 trillons de Gb...) très loin devant les 4,4 zettaoctets de 2013. Cependant, même avec l’avènement prochain de l’intelligence artificielle qui devrait permettre d’affiner cette valeur, il n’est pas encore simple de lui donner un montant précis et la question reste ouverte. Ce qui rend ce calcul encore plus complexe est que depuis des années les entreprises se sont focalisées sur la captation de données à très grande échelle sans forcément en connaître l’utilité à court terme ni la valeur potentielle à moyen terme. Un peu comme une entreprise qui se met à puiser du pétrole de différentes qualités en grande quantité un peu partout, sans trop savoir quoi en faire, sachant qu’un jour cela aura de la valeur.

Pour se faire une première idée il est important de différencier les types de données personnelles: les directes et les dérivées (nous verrons plus loin pourquoi cette notion est importante et pourquoi justement l’argument des données dérivées est souvent mise en avant par les Google de ce monde). Le World Economic Forum a résumé dans une infographie ces types de données et leur valeurs croissantes selon leur place dans la chaîne de valeur:

À cette quantité de données issues du Web classique vient s’ajouter depuis quelques années celles issues de l’Internet des Objets. IDC prévoit que le nombre d’objets connectés va tripler d’ici 2020 pour atteindre 30 milliards d’appareils avant de tripler à nouveau d’ici 2025. La plupart de ces objets connectés ont des applications qui se nourrissent en continu de nos données de consommations personnelles, et qui offrent une nouvelle forme de valeur aux yeux des utilisateurs. Il ne s’agit plus simplement de recevoir du contenu ciblé ou une navigation sur Internet optimisée mais d’améliorer son quotidien ce qui rend la fidélisation encore plus forte. La valeur des données est encore une fois immense. La question est, immense à quel point?

La question cruciale qui se pose est de savoir si c'est la donnée personelle en soit qui génère la valeur? En effet, la valeur réelle des données réside aussi en grande partie dans leur agrégation. L’apprentissage des grands groupes pour livrer des fonctionnalités "monétisables" se fait sur des millions de personnes à la fois, pas des individus. La valeur n’est donc plus dans la donnée en tant que telle, mais dans son traitement. Et c’est l’argument de poids des principaux acteurs comme Google, Amazon, Facebook et Apple. Sans eux, nos données ne valent rien... ou presque.

Une étude a été menée fin 2015 dans ce contexte. En considérant les acquisitions par Facebook de WhatsApp et Instagram, ainsi de Minecraft par Microsoft, la valeur de chaque utilisateur a été évaluée entre 15$ et 40$. Et dans le même temps, des informations générales sur les individus, comme l'âge ou le sexe, ont été vendues pour aussi peu que 0,0007$ par point de données par des courtiers. Toutes les données n’ont donc pas la même valeur. Mais elles en ont...

Quoi qu’il en soit, une sorte de prise de conscience collective est en train de se faire. En France, Gaspard Kœnig philosophe et directeur du groupe de réflexion GenerationLibre, vient de rendre public un rapport dans lequel il reproche aux géants du web de nous dépouiller de nos données personnelles.

"Nous sommes propriétaires de nos données personnelles et nous devrions être rémunérés pour leur utilisation."

Et même s’il semble que les consommateurs soient potentiellement disposés à "abandonner" leurs données, ils sont de plus en plus à attendre quelque chose en retour. Par exemple, la moitié des ménages américains sont prêts à partager des données de périphériques intelligents et à laisser le contrôle de leur maison en échange d’un rabais sur l'électricité. Les "recommandations de produits" ou les "commandes ciblées simplifiées" ne suffisent plus.

Le débat ne fait que commencer. Les initiatives d’associations de consommateurs devraient se multiplier dans les prochains mois partout dans le monde afin d’essayer d'obliger les principaux acteurs de l’industrie à partager cette immense part du gâteau. Il est probable de voir les GAFA construire des murs pour se protéger d’une telle obligation et promettre, en échange, de mieux choisir les données collectées, de les anonymiser, plutôt que de tout ramasser. De nouvelles réglementations vont de toute façon se mettre en place pour les y obliger et mieux protéger les données personnelles (comme le GDPR en Europe). Un peu comme les pétroliers ont du faire la promesse de moins creuser n'importe où et n'importe comment pour se concentrer uniquement sur le pétrole de qualité...

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