L'entreprise apprenante : bâtir un monde augmenté.

L'entreprise apprenante : bâtir un monde augmenté.

Nous traversons depuis plusieurs années une période de perte de confiance. Perte de confiance des clients vis-vis des produits, de leur origine, leur production et leurs conditions de développement. Perte de confiance des entreprises traditionnelles, menacées par l’arrivée des new players. Perte de confiance enfin des citoyens, aux yeux de qui technologie est synonyme d’intrusion, dans leur vie privée comme dans leurs emplois. Face aux risques de rupture, il est pourtant possible de vivre dans une société qui lie et allie - et non qui oppose et clive. Dans une économie d’écosystèmes, de plateformes et de partage, la notion de confiance est devenue centrale. Après une période de surconsommation, la priorité est aujourd’hui donnée à la traçabilité et à la transparence des produits. Le consommateur souhaite connaître et choisir ce qu’il mange, ce qu’il boit, ce qu’il porte. Ainsi, comme Carrefour et Nestlé dans le cadre d’IBM Food Trust, plateforme basée sur la blockchain et l’Intelligence Artificielle, des actions fortes sont engagées pour garantir la meilleure traçabilité possible des produits de bout en bout.

Par ailleurs, les clients sont aujourd’hui dans l’attente de relations avec les entreprises plus personnalisées, mais également plus émotionnelles. Cette exigence est facilitée par le développement de l’intelligence augmentée. Pour 77 % des dirigeants, l’amélioration de la satisfaction client est l’objectif principal de leurs investissements dans l’Intelligence Artificielle. Pour répondre à ce besoin de proximité, la relation avec le client ne doit plus être uniquement considérée comme transactionnelle. Les outils digitaux deviennent créateurs et vecteurs d’émotions, à l’image de “L’Appart”, magasin connecté lancé par Leroy-Merlin permettant aux clients de se projeter de façon inédite dans leur futur logement. On estime que dans moins de trois ans, 7,5 milliards d’assistants digitaux seront en charge d’interagir en direct avec les clients. C’est déjà le cas dans le secteur des banques assurances, dans la grande distribution, mais aussi dans l’industrie hôtelière. L’Intelligence Artificielle doit permettre et favoriser l’intelligence émotionnelle

Ce besoin de confiance et d'authenticité nécessite une double attention : auprès de nos clients, mais aussi de nos collaborateurs. On ne peut gagner la confiance des premiers si l’on néglige les seconds. Il s’agit désormais de valoriser davantage les collaborateurs. Ainsi, le banquier de demain sera augmenté grâce à l’aide d’un assistant virtuel, qui viendra le seconder dans une dynamique de complémentarité, comme l’ont fait Generali et le Crédit Mutuel. Le chirurgien de demain sera augmenté, comme c’est déjà le cas à l’AP-HP, grâce à un robot chirurgical couplé à un simulateur, permettant davantage de précision dans l’acte et une prise de risque moindre. 

Aujourd’hui, de plus en plus d’entreprises parient sur la création de plateformes pour consolider leur avantage concurrentiel. D’un Système d’Information d’entreprise construit autour du produit, nous sommes passés à des Système d’Information d’écosystème et d’industrie. Le développement des plateformes consiste ainsi à ouvrir les SI préexistants à l’extérieur et à les augmenter de nouvelles technologies matures telles que l’IA, l’IoT et la Blockchain. Cette transformation est rendue possible grâce au Cloud Hybride, en modernisant les SI d’entreprises et en construisants les nouveaux services sur le Cloud. Dans l’industrie de la musique, la plateforme URights développée conjointement par la Sacem et IBM s’appuie sur des solutions analytiques et cloud pour mieux valoriser les droits des auteurs et compositeurs. Chez Sixense (filiale digitale du Groupe VINCI), la mise à disposition d’une plateforme digitale, Beyond, portée sur le Cloud, va permettre d’accélérer les transformations métiers des acteurs du secteur de la construction, des infrastructures, du génie civil, de l’énergie. Le point commun entre toutes les transformations observées grâce à la construction de plateformes tient au fait que ces dernières sont centrées sur les besoins du client et la création d’une relation de confiance avec lui.

Le dernier enjeu de l’entreprise apprenante est d’encourager une culture d’innovation agile, et développer des accélérateurs, factory et garages. Afin de mettre la technologie au service de chacun, un passage à l’échelle “transformationnel” et un effort d’appropriation sont nécessaires. Les factory, entités ayant pour but de manufacturer et d’industrialiser l’innovation à l’échelle de l’entreprise, permettent à cette dernière de pérenniser mais également transformer son potentiel. Les factory, garages et accélérateurs repose sur 5 notions clés : l’innovation, l’industrialisation, l’assetisation, l’amélioration continue et les ressources humaines.

Les technologies sont aujourd’hui matures ; le véritable enjeu de la transformation vers l’entreprise apprenante est la capacité à faire évoluer la culture et les talents dans l’entreprise. Nous sommes en effet entrés dans une ère où les compétences, comme les professions, sont devenues éphémères. Pour Patrick Dixneuf, CEO Aviva Europe, « l’automatisation ne menace pas les employés, mais leur employabilité. Il faut réapprendre à apprendre ». Les plans de formations et d’apprentissage à la carte sont ainsi considérés par 71 % des entreprises comme fondamentaux pour répondre à la crise des compétences actuelle.

Pour Pascal Picq, paléoanthropologue au Collège de France, il est impératif de détruire les tâches répétitives, qui altèrent la plasticité et l’adaptabilité des fonctions cognitives de l’être humain. Assigner les tâches répétitives à des robots ou s’en décharger grâce à l’intelligence artificielle conduit à libérer le potentiel des collaborateurs, leur permettant de se consacrer à des missions à plus forte valeur ajoutée, pour en faire de véritables collaborateurs augmentés.

Le monde de demain est un monde apprenant, où la technologie se constitue comme une prolongation de l’humain et permet son augmentation. Elle fera travailler les jeunes, digital natives, et les moins jeunes, digital papies, venus de tous les horizons, vers l’avènement d’une société plus ouverte et plus apprenante. Les innovations de rupture à venir seront donc autant technologiques qu’humaines et auront comme mission de tirer profit de l’un au service de l’autre, dans un cercle vertueux auquel chacun contribue. Il s’agit désormais d'accélérer la dynamique : le chapitre 2 de l’entreprise apprenante doit s’écrire maintenant. 

Notre écosystème n’a jamais été aussi ouvert aux innovations technologiques et aux transformations managériales. L’intelligence collective, produite tant par l’association de réflexions et de perceptions humaines que par le résultat d'algorithmes supervisés ou non, doit être encouragée et valorisée à tous les niveaux. Ainsi, la collaboration entre l’humain et la machine permet une nouvelle forme d’apprentissage : celui de savoir par un transfert de connaissance, celui de savoir-faire par un transfert d’expertise et celui de savoir-être par un partage d’émotion. Personne ne doit être laissé de côté et le plus grand nombre doit participer à la transformation que nous vivons aujourd’hui. 

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