Les 13 livres à lire cet été nouvelles, romans historiques, fables-mondes, thrillers, récits amoureux ..A mettre dans sa valise !
Une saga : « Les Jours heureux », d'Adélaïde de Clermont-Tonnerre
Oscar est l'enfant d'un monde glamour et épuisant. Ses parents se sont aimés sans parvenir à s'entendre. Ils se sont mariés, ont divorcé et se sont remariés. Trois fois. Lui metteur en scène, elle scénariste, ils ont produit plusieurs classiques adorés. Oscar assiste à leurs ultimes retrouvailles, travaille à un biopic d'Harvey Weinstein, aime une Russe qui fut la maîtresse de son père… Autour de lui, chaque personnage porte un masque, cache une énigme.
Dans des romans comme celui-ci, on voyage de la Grèce au Mexique, à la Russie ou aux Etats-Unis. On descend dans des palaces, on boit du whisky japonais, on habite près du pont de l'Alma. Des filles sublimes murmurent aux hommes des phrases parfumées : « Si j'avais plusieurs vies, Oscar, j'aurais aimé en passer une avec toi. » Et les pages filent, filent, filent, comme un cabriolet sous les palmiers. Ce sont des romans pour l'été, pour les jours heureux. A. G.
Grasset. 439 pages, 22 euros.
Une fable-monde : « La Parade », de Dave Eggers
L'écrivain de San Francisco nous embarque dans un pays jamais nommé, tout juste sorti de la guerre civile. Symbole de la paix signée entre le Nord victorieux et les rebelles du Sud, une route doit être construite reliant les deux régions. Une « parade » est prévue pour son inauguration. Deux travailleurs étrangers ont douze jours pour l'asphalter.
Afin de garantir leur anonymat, ils s'appellent par un numéro, Quatre et Neuf. Quatre, chargé de répandre le bitume, est un employé aguerri et prudent. Neuf, aux avant-postes sur son quad, est une tête brûlée ; il explore les bas-côtés à ses risques et périls et rend compte de la souffrance des populations. Nos deux héros vont-ils mener à bien leur mission ? Qu'est-ce qui les attend au bout de la route ? Il faudra attendre la toute fin, glaçante, pour découvrir la morale géopolitique de cette fascinante fable-monde. Ph. C.
Traduit par Juliette Bourdin, Gallimard, 184 pages, 16,50 euros.
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Une saudade italienne : « Le dernier été en ville », de Gianfranco Calligarich
Paru en Italie en 1973, « Le dernier été en ville », de Gianfranco Calligarich, vient seulement d'être traduit en français. Il ne faut pas passer à côté de ce diamant noir et de son narrateur indolent. Héros fantasque et malicieux, Leo Gazzara est natif de Milan, mais il s'est installé à Rome pour se rapprocher de la mer. D'abord correspondant d'une revue médico-littéraire, il a commencé à travailler mollement pour le « Corriere dello Sport ».
Le jour de ses trente ans, il atterrit dans une soirée chic, où il fait la connaissance d'Arianna, une femme fatale avec ses fêlures et son corps fin. Tous deux vont déambuler dans Rome, essayer de s'apprivoiser et de s'apaiser… Il y a des échos du « Feu follet » de Pierre Drieu la Rochelle dans « Le dernier été en ville ». Un même sens du sentiment tragique de la vie. Le lecteur gardera longtemps en mémoire cette magnifique saudade italienne. A. F.
Traduit par Laura Brignon, Gallimard, 213 pages, 19 euros.
Shakespeare in love : « Hamnet », de Maggie O'Farrell
« Hamnet » est le prénom donné par Shakespeare à son fils, mort à onze ans en 1596. Trois ans plus tard, le grand Will créait « Hamlet ». A partir de cette coïncidence, Maggie O'Farrell imagine une brillante fiction qui résout à sa façon, romanesque, les mystères d'un parcours extraordinaire : celui d'un fils de gantier de Stratford-upon-Avon, parti soudainement à Londres pour s'imposer comme le plus grand dramaturge anglais.
L'énigme Shakespeare est abordée à travers son épouse délaissée. L'écrivaine irlandaise en fait une nymphe libre et rebelle, guérisseuse et un peu sorcière. Grâce à ses dons extralucides, elle devine le vague à l'âme de son mari, sa folle ambition poétique et son désir de fuite. « Hamnet » n'est pas pour autant une « thèse » sur Shakespeare. Jusqu'au génial dénouement au théâtre du Globe, Maggie O'Farrell nous embarque dans un fabuleux voyage littéraire. Ph. C.
Traduit par Sarah Tardy, Belfond, 360 pages, 22,50 euros.
Un roman anglais : « Billy Wilder et moi », de Jonathan Coe
Jonathan Coe nous offre un séduisant voyage dédié au septième art. « Billy Wilder et moi » raconte, à travers les yeux d'une jeune Grecque, le tournage en 1977 de l'avant-dernier film du géant hollywoodien, « Fedora ». Un film « culte » allégorique, puisqu'à travers l'histoire de cette ex-star recluse dans une villa de Corfou, cultivant le mythe de sa jeunesse éternelle, Billy Wilder (1906-2002) met en scène la mort d'un certain cinéma aussi sublime que désuet.
Conjuguant avec brio la réalité, très documentée, et la fiction, l'écrivain anglais signe un roman nostalgique qui réveille les fantômes dorés et noirs du XXe siècle. Car Billy Wilder n'est pas seulement ce héraut d'une élégance « vieux style ». Issu d'une famille juive autrichienne, c'est aussi l'Européen traumatisé par le nazisme qui l'a contraint à s'exiler en Amérique. Jonathan Coe utilise superbement tous les artifices de l'écriture pour accompagner le vieux génie au coeur meurtri sur son boulevard du crépuscule. Ph. C.
Traduit par Marguerite Capelle, Gallimard, 296 pages, 22 euros.
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Une énigme insulaire : « L'Hôtel de verre », d'Emily St. John Mandel
Il suffit parfois de sept mots pour que le destin de milliers d'êtres humains bascule. « Et si vous avaliez du verre brisé ? » … Ce graffiti apparu sur le « Caiette », un hôtel de luxe perdu sur l'île de Vancouver, fait resurgir les duperies, mensonges par omission et rancoeurs fondant l'existence de Jonathan Alkaitis, propriétaire de l'endroit et gestionnaire de fonds à Manhattan, et de Vincent, la barmaid devenue son épouse.
Enchevêtrement de destins, de personnages et d'époques : l'intrigue se met en place par petites touches éclatées à la manière d'un puzzle savamment conçu par la jeune auteure canadienne de « Station Eleven ». On ressort de cet éblouissant exercice essoré par la tension croissante, intrigué par les parallèles avec l'affaire Madoff , outré par le sort des victimes de l'escroquerie et émerveillé par la beauté de la nature qui contraste avec la vilenie des hommes. I. L.
Traduit par Gérard de Chergé, Rivages Noir, 400 pages, 22 euros.
De bonnes nouvelles : « Canoës », de Maylis de Kerangal
« Canoës » est un voyage littéraire singulier : un « roman en pièces détachées », comme le décrit son auteure. Ses huit récits suivent un même fil rouge, celui de la « voix humaine » - des voix de femmes et d'hommes qui se troublent et se déforment, réveillant des souvenirs doux-amers… Dans « Mustang » (l'histoire la plus longue), un couple français et leur petit garçon viennent de s'installer dans une petite ville du Colorado. Au contact de l'Amérique profonde, le phrasé du mari change.
D'autres voix nous parlent : celle de l'amie qui est devenue plus grave depuis qu'elle fait de la radio ; celle de la jeune actrice qui enregistre avec difficulté « Le Corbeau » d'Edgar Poe ; celle de la mère disparue qui hante encore cinq ans après sa mort le répondeur téléphonique… Les nouvelles de Maylis de Kerangal composent une jolie petite cantate qui dit l'étrangeté et la fragilité de la vie. Ph. C.
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Gallimard, coll. Verticales, 170 pages, 16,50 euros.
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Un exil irlandais : « Par une mer basse et tranquille », de Donal Ryan
La première partie de « Par une mer basse et tranquille » nous plonge dans une Syrie en pleine guerre civile, où un médecin, Farouk, négocie avec des passeurs sa fuite vers l'Europe avec sa femme et sa petite fille. La peur, l'espoir, la colère… Jusqu'à l'accueil du réfugié déboussolé en Irlande. Donal Ryan confronte le destin tragique de Farouk à celui de deux Irlandais à cran : Lampy, un jeune homme de condition modeste dévasté par une rupture amoureuse, et John, un vieil homme tourmenté en quête de rédemption.
Le roman enchaîne leurs trois histoires, puis les noue dans un épilogue fulgurant. Tout le malheur du monde (guerre, affairisme, pauvreté, manque d'amour, solitude) semble contenu dans ce livre à trois voix écrit dans une langue superbe. Dans sa fin, ouverte, l'écrivain irlandais suggère que tout n'est pas perdu sur cette terre. Que les destins brisés peuvent être raccommodés, à force de volonté et de compassion. Ph. C.
Traduit par Marie Hermet, Albin Michel, 246 pages, 21,90 euros.
Une célébration : « Le dernier bain de Gustave Flaubert », de Régis Jauffret
Le 8 mai 1880, Gustave Flaubert se fait remplir une baignoire d'eau bouillante. Quelques heures plus tard, une attaque cérébrale emporte l'auteur de « L'Education sentimentale ». Il avait 58 ans. A quoi pense un écrivain à l'approche des dernières lignes de sa vie ? Dans ce bain, parmi les vapeurs épaisses, passent un ballet de fantômes et une réflexion sur la littérature : Flaubert retrouve sa Bovary qu'il traite de « putain de papier ». Elle le toise, supérieure et méprisante.
Une partie du livre nous est racontée à la première personne du singulier. Puis, « Il » prend le relais. Flaubert est-il mort lorsqu'il cesse de dire « Je » ? Est-il le même personnage dans les deux volets ? En escamotant la voix de son héros, Jauffret se dévoile-t-il lui-même ? « Madame Bovary, c'est moi », aurait lancé Flaubert. « Gustave Flaubert, ce n'est pas moi », chuchote Jauffret en riant sous cape. A. G.
Seuil, 329 pages, 21 euros.
L'Ouest, le vrai : « Les Pionniers », d'Ernest Haycox
Rares sont les westerns à avoir filmé des « radeaux chargés de bétail ou de chariots, qui menacent sans cesse de sombrer, ces pluies torrentielles, ces montagnes d'eau, ces bourrasques de neige » que les pionniers affrontaient lors de la conquête de l'Ouest. Se plonger dans « Les Pionniers », c'est vivre d'harassantes épreuves au plus près des 400 aventuriers du Missouri partis tenter leur chance à plus de 3.000 kilomètres, dans l'Oregon. Météo plombée, faim tenaillante, violence, conflits, menaces indiennes : rien ne leur est épargné.
Une fois la caravane posée, vient le temps des préoccupations sociales. Faut-il privilégier un Etat fort ou les libertés individuelles ? Qui est légitime pour édicter les lois de la vie en société ? Les débats imaginés par Haycox éclairent les fondements de la démocratie américaine et les désaccords profonds entre conservateurs et libéraux, toujours d'actualité. I. L.
Traduit par Fabienne Duvigneau, Actes Sud, 544 pages, 24 euros.
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Une tragédie virtuelle : « Les enfants sont rois », de Delphine de Vigan
Si « Les enfants sont rois » dans le roman de Delphine de Vigan, c'est parce que leurs parents en ont fait des vedettes sur YouTube. Filmés par leur mère Mélanie, Kimmy, 6 ans, et Sammy, 8 ans, font part de leurs goûts en matière de jouets, nourriture, vêtements… Tout baigne pour la petite entreprise familiale virtuelle, copieusement rétribuée par les grandes marques, jusqu'au jour où Kimmy disparaît. La police est mobilisée et notamment Clara, « procédurière », chargée de compiler les dépositions de Mélanie, de son mari, Bruno et des concurrents du couple.
Au-delà de l'intrigue policière, menée à un train d'enfer, Delphine de Vigan brosse un portrait extralucide de notre monde à l'ère numérique, gangrené par l'hystérie des réseaux sociaux et l'exhibitionnisme virtuel. L'urgence est de mise : alors que le monde va droit dans le mur d'écrans, nos enfants rois sauront-ils s'affranchir à temps et éviter l'implosion ? Ph. C.
Gallimard, 348 pages, 20 euros.
Une histoire d'amour : « Normal People », de Sally Rooney
Avant d'être une série (réussie), « Normal People » est un best-seller signé Sally Rooney. Dans une petite ville irlandaise, un adolescent, Connell, entretient une relation secrète avec une copine de lycée, Marianne. Sa mère (célibataire) est employée comme femme de ménage par la famille huppée de la jeune fille. Beau gosse sportif, Connell est adoré par ses camarades. Jugée bizarre, hautaine, Marianne est détestée. Pendant 300 pages, on suit leur « love story » compliquée, du lycée de Carricklea au Trinity College de Dublin, avec des sauts de puces en Europe.
Sally Rooney est une fabuleuse conteuse. Ses dialogues sont d'une grande justesse. Connell et Marianne sont des Roméo et Juliette d'aujourd'hui, conscientisés, mais évoluant dans un monde sans repère. Devenir des « personnes normales » s'avère un objectif vain. Mieux vaut assumer ses différences, ses manques, et garder l'amour en soutien, pour espérer devenir quelqu'un. Ph. C.
Traduit par Stéphane Roques, Editions de l'Olivier, 319 pages, 22 euros.
Comme un Simenon : « Adultère », d'Yves Ravey
Un roman très court, très noir, sans fioriture. Un roman d'atmosphère… à la Simenon. Yves Ravey réussit une brillante épure, avec « Adultère ». Le héros, Jean Seghers, est patron d'une station-service en faillite. Il soupçonne sa femme, Remedios, d'avoir une liaison avec son vieil ami de lycée, Walden, président du tribunal de commerce, qui est prêt à racheter son affaire. Parallèlement, son gardien de nuit mécanicien, Ousmane, le presse de lui verser ses indemnités de licenciement, mais il n'a pas l'argent. Une étincelle suffira pour faire imploser cet homme désespéré… et le pousser au crime.
Yves Ravey réussit superbement à brosser ses personnages en quelques traits. Avec en guise de détective, un Maigret au féminin : Hunter, une experte en assurances affûtée, qui aura tôt fait de découvrir le pot aux roses. Le retournement final est du grand art. Yves Ravey laisse le lecteur pantois… et son livre grand ouvert. Ph. C.
Les Editions de minuit, 141 pages, 14,50 euros.
Philippe Chevilley, Adrien Gombeaud, Isabelle Lesniak, Alexandre Fillon