Les 5 étapes de la mise à l’échelle d’une innovation digitale

Les 5 étapes de la mise à l’échelle d’une innovation digitale

La mise à l’échelle et la nécessité d’un framework pour professionnaliser cette phase si particulière dans une grande entreprise...

L’innovation commence souvent par une idée qui a germé chez un des collaborateurs de la société, par la confrontation avec une solution d’un autre (autre grosse société ou startup) ou par le pivot d’un projet. J’aime que cette innovation soit incarnée par une personne ou un petit groupe de collaborateurs. L’animation de l’innovation dans l’entreprise consiste à mettre à disposition de cet intrapreneur des outils et moyens pour ébaucher un premier POC de son idée. Il conviendra aussi de lui proposer un outil web collaboratif pour partager son idée avec tous et éviter que le même sujet soit traité plusieurs fois dans l’entreprise et favoriser la mise en réseau (il existe des plateformes sur étagère très performantes). Dans cette phase, il convient surtout de ne pas freiner l’innovation par des procédures lourdes ou des carcans administratifs. La mise en visibilité et un appui central aux innovations sont les 2 points clés.

Après ce POC réussi, le moment vient de la mise à l’échelle de cette innovation.

Dans une grande entreprise, Je découpe un projet innovant en 3 phases : une phase d’innovation, une de mise à l’échelle et une d’industrialisation.

Je considère que la phase de mise à l’échelle est très différente de la première et nécessite un framework méthodologique et des compétences spécifiques. Il faut dans cette phase rendre le projet IT friendly et vérifier que la valeur du produit est toujours aussi élevée sur une cible client/utilisateur plus large. La durée de l’accélération ne doit pas dépasser 9 mois bout en bout. Le framework est pensé pour intégrer l’utilisateur au cœur du processus et ne pas être technocentric. Il arrive régulièrement que des pivots aient lieu dans les 2 premiers mois (pivot fonctionnel ou technologique). L’adhésion des métiers et un sponsoring managérial au bon niveau sont incontournables. Pour animer au quotidien l’équipe projet et les parties prenantes, chez Enedis, nous positionnons un ‘chef d’orchestre’ faisant le lien entre les acteurs, rythmant l’avancée du projet et s’assurant que les bonnes décisions soient prises (dont la plus difficile : le NoGo). La fin de cette phase d’accélération est un pilote terrain de taille significative mesurant la valeur du produit pour les utilisateurs.

La mise à l’échelle de projets innovants nécessite la mise en place de méthodes et la mise en œuvre de compétences spécifiques à cette phase préindustrielle.

Cette accélération se déroule en 5 étapes :

  • Check-up,
  • Design de service,
  • Développement itératif centré utilisateur,
  • Pilote terrain élargi,
  • Bilan et engagement de l’industrialisation.
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a) La première étape : le check-up

La première étape du processus est de faire l’état des lieux du projet. Que j’appelle étape de ‘check-up’. Elle doit prendre idéalement 2 semaines (1 mois au maximum) avec un collaborateur rôdé à cette pratique. C’est pour moi le moment clé du projet car il s’agit de s’assurer que les fondations sont solides. Les principaux points à analyser sont :

-   Le POC a-t-il bien joué son rôle : valider la faisabilité technologique et/ou sa pertinence pour les utilisateurs à petite échelle. Un POC doit absolument avoir intégré des utilisateurs finaux pour challenger le produit. Je suis partisan de l’innovation frugale et donc limiter au minimum les développements informatiques dans la phase de POC. Une maquette utilisée lors d’un test qualitatif est souvent une bonne solution pour avoir une idée de la valeur du produit. Fuyez les projets uniquement technologiques, l’apport d’une valeur additionnelle métier est essentielle.

-   Sponsorship : Il est important de bien identifier si cette innovation est incrémentale ou disruptive et ainsi voir l’impact de ce projet sur les trajectoires métiers. Il faudra s’assurer que l’innovation ait suffisamment de sponsors en interne et qu’elle atterrisse correctement dans les trajectoires budgétaires.

-   Technologie et start-up : Même si elles peuvent changer dans la suite du projet, il faut se demander si les technologies utilisées par le projet sont maîtrisées ou non par le département IT. Si l’implication d’une start-up est prévue, il faudra s’assurer qu’un deal win-win est trouvable et que cette start-up puisse passer à l’échelle elle aussi. Les start-up ont parfois de vraies difficultés pour passer à des ‘Scale-Up’. Les questions à se poser sont : est-ce que je suis son premier vrai client ? Est-ce que la société a un produit industriel disponible et avec un modèle de vente ? Enfin, un Benchmark comparatif des solutions technologiques concurrentes devra sans doute être fait.

  Temps : La suite du projet devra impliquer significativement les collaborateurs ayant initié le POC. Un minimum de 20 à 30% est indispensable. Ce point est essentiel et n’est pas négociable.

-   ROI : Évidement, il est capital de s’assurer que le projet est RENTABLE. S’il s’agit d’une innovation incrémentale, un ROI inférieur à 2 années (sur du software) me paraît bon. Au dessus, il faut se poser beaucoup de questions qui dépassent le projet strict : rôle du projet dans l’acculturation de l’entreprise, nécessité de travailler sur l’image de la société,…

Pour cette étape d’état des lieux, il est intéressant de produire un lean canvas, un document précisant la rentabilité du projet, une étude technique et un document de Go/NoGo.

Cette phase de check-up, doit amener régulièrement à un NoGo. Un ratio de 1/3 est convenable. Si vous êtes amenés à descendre en dessous de 33% de NoGo c’est que votre processus est défaillant. Il serait même souhaitable de viser 2/3. Ne pas oublier que un NoGo est une chance pour l’entreprise de concentrer ses ressources sur des projets plus prometteurs.

Il faut viser plus de 30% de NoGo à cette étape. Un NoGo est une chance pour l’entreprise de concentrer ses ressources sur des projets plus prometteurs.

b) La seconde étape : un design de service élargi

Après la phase de check-up, j’aime enchaîner sur une phase de design de service élargi. Ceci afin d’être sûr de partir avec une idée claire des besoins utilisateurs avec un panel plus large que lors du POC. C’est aussi se donner un objectif (mesurable) à cette phase d’accélération : taux de satisfaction, coût de run ciblé, taux de transformation’ …

Chaque phase projet doit avoir un objectif défini et mesurable. "Celui qui n'a pas d'objectifs ne risque pas de les atteindre" Sun Tzu

Au-delà du panel plus large d’utilisateurs, il est important d’intégrer à la nouvelle équipe projet élargie, l’IT, les référents métiers et idéalement avoir un sponsor officiel de bon niveau (un genre de parrain) qui pourra faire le relai vers la direction.

De ce design de service de 2 à 5 jours suivi d’ateliers ad hoc, on doit en sortir une trajectoire technologique et fonctionnelle, un périmètre de MVP (les Epics au sens Scrum du terme, un premier jet de backlog et une maquette des principaux écrans), une date approximative de test terrain de large ampleur et des objectifs quantitatifs à mesurer et atteindre pour garantir la rentabilité du projet.

Il faut aussi identifier les données qui seront nécessaires aux développements et au pilote (surtout si vous voulez faire de l’intelligence artificielle). S’assurer que vous en disposerez et que les basiques du cyber et du RGPD seront respectés.

Cette phase doit prendre 1 à 3 mois en fonction des disponibilités de chacun et de la complexité du sujet.

Parfois, ce design de service amène à un NoGo. Ce n’est pas grave… il n’est jamais trop tard pour arrêter un projet ;)

c) La phase de développement itératif

Enfin, on va pouvoir commencer les développements du produit ! Je préconise de ne pas dépasser les 3 mois de développement pour ce MVP qui sera testé sur le terrain. Ces développements devront être réalisés dans les règles de l’art en utilisant si possible les PIC (plateforme d’intégration continue) de la DSI et en étant conforme au cadre de cohérence technologique de l’IT. Ces développements permettront de valider progressivement la solution industrielle définitive (cad intégrant le raccordement au SI profond, l’exploitation, …). Si une start-up (proposant un produit) est au cœur des développements quelques précautions additionnelles sont à prendre (cf prochain post).

La première étape consiste à produire un backlog détaillé, les maquettes du premier sprint puis à lancer les sprints. Une fréquence de 2 semaines par itération me semble correcte (1 semaine est probablement de la sur-qualité) et les démos doivent être en présentielles au moins une fois sur 2. Les démos doivent intégrer des utilisateurs finaux afin d’obtenir régulièrement des feed back. Cela peut amener à réaliser 1 ou 2 tests qualitatifs (de type focus group) plus structurés à partir de la moitié des développements.

La phase de développement ne doit pas couper l’équipe projet des utilisateurs et il ne faut pas perdre de vue les objectifs de l’accélération.

Ne pas oublier de positionner des solutions de suivi des usages dans les interfaces utilisateurs pour avoir une bonne mesure des usages réels et intégrer des solutions de questionnaires voir du ABtesting. Ils seront très utiles lors du pilote pour en faire un bilan.

Dans cette phase, il arrive régulièrement que l’on identifie des problèmes de données (pas assez de données, fraîcheur insuffisante ou de mauvaise qualité). Cela peut être assez grave pour l’avenir du projet et nécessite parfois un stop & go pour récupérer les bonnes données.

Une fois le MVP atteint, on peut lancer le pilote terrain.

d) La phase de test terrain élargi

Sur la base du recrutement préparé en amont avec les personna du service, on peut lancer le produit à moyenne échelle. Le moment de vérité est proche !

L’avantage des solutions digitales c’est qu’elle sont plutôt faciles à déployer mais il ne faut pas sous-estimer le temps nécessaire à consacrer pour que tout se déroule bien. Il faut souvent préparer des supports au déploiement, suivre les usages. Parfois même lancer une itération de développement si les premiers résultats mettent en lumière le manque d’une fonctionnalité cruciale.

Le test terrain dure en général 3 mois. C’est un délai souvent assez long pour s’assurer que la récurrence de l’usage se met en place.


e) La phase de bilan

Tout d’abord BRAVO ! Quelque soient les conclusions, il faut fêter cela. Ce projet d’accélération aura été sans aucun doute une aventure humaine très enrichissante. Organisez un petit événement pour fêter la fin du pilote, c’est une manière de tester de prendre la température de l’équipe et des sponsors. Normalement, l’ambiance doit être bonne sinon, vous avez probablement raté quelque chose (un NoGo dans les phases amonts par exemple).

Cette phase de bilan est simple : est-ce que le pilote terrain a confirmé la valeur prévue ?

C’est aussi le moment de mesurer le ROI probable du projet (et le comparer avec celui qui avait été calculé initialement), faire le rex de ce qui a fonctionné ou pas… et annoncer le bilan. Si c’est positif, le plus important est de s’assurer que les sponsors métiers prennent le relais et que les budgets nécessaires à l’industrialisation se positionnent. Ces points doivent être anticipés dans les phases amonts sinon vous allez perdre une bonne année surtout si votre entreprise est un peu lente sur l’engagement budgétaire.

Chez Enedis...

Chez Enedis, nous avons couplé cette phase d’accélération à une démarche permettant aux collaborateurs de s’acculturer à la gestion de projets des produits digitaux : design de service, scrum, test utilisateur, gestion de projets innovants, nouvelles technologies… Ceci tant en fonctions centrales que dans les régions. Tout ceci prend corps dans un tiers lieu pour faciliter l’open innovation et le frottement avec d’autres cultures. A Paris, nous nous sommes installés à Schoolab. Nous avons aussi ouvert 2 lieux en régions (Rennes et Montpellier).


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emile ada

Project Management - Finance, Administration and Audit Specialist

3 ans

Post intéressant mais beaucoup d'acronymes..... non expliqués ....

Nous avons un operating model similaire. Je confirme que ce temps entre PoC en laboratoire et l industrialisation (=adoption complete par les metiers) est une nécessité pour eviter le "PoC purgatory" !

Benoit Locu Bravo Benoît pour cet excellent post, cette démarche et cette philosophie irriguent maintenant toute l’entreprise et la Direction du Numérique est un acteur crucial de notre transformation! Bravo à tous les membres de la direction, les sponsors, les métiers, la DSI qui contribuent aux projets.

Blanc François

Coach et consultant Independant

5 ans

Merci pour ce remarquable retour d’expérience, je suis émerveillé par le chemin parcouru ! Bravo Benoit, ainsi qu’à toute l’équipe d’Enedis impliquée dans cette belle aventure !

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