Les 5 dimensions de l'omnicanalité
Le monde de la distribution accélère sa mue digitale et 2015 sera l’année des plans de transformation. Jamais les cabinets de conseil n’ont été sollicités ainsi par leurs clients désireux de repenser leurs modèles économiques et leurs organisations face aux nouveaux modes de consommation et aux bouleversements technologiques. S'ensuivent des nominations au sein des états-majors et des annonces d’investissements lourds qui interpellent à l’heure où la guerre des prix continue de grever les marges.
Le numérique est une chance et une menace. Il nourrit l'espoir de sortir par le haut d'une situation économique difficile, certains bons élèves de la classe y sont parvenus au prix d'une transformation réussie. Si le déni ne l'emporte pas, ces bouleversements font également naître la peur d’être distancé par une concurrence plus vaillante ou d’être « disrupté » par de nouveaux acteurs. Ajoutez à cette fébrilité quelques déclarations de leaders d’opinions ou de capitaines d’industrie et l’emballement a lieu. Des groupes longtemps suiveurs par choix prennent la mesure des changements et conviennent de l’urgence à se transformer. A l’épicentre de cette tempête se trouve l’omnicanalité.
Le concept de commerce connecté dans sa forme aboutie est agnostique au canal. Il vise à offrir au client une expérience fluide et personnalisée en tout lieux et à tout moment. Nous en avions retracé la genèse dans mon précédent article. Si le concept s’énonce en quelques mots, la trajectoire de mise en œuvre reste souvent floue. L’erreur serait d’aborder la transformation sous un angle technologique. La tentation est grande en effet de repenser le parcours client à la lumière des dernières innovations. Une liste de projets plus ou moins prospectifs serait aussitôt adressée aux équipes techniques pour cotation. Le plan de transformation serait ainsi ramené à un programme d’investissement IT. L'approche doit bien sûr être plus large. L’omnicanalité appliquée à la distribution est la combinaison de 5 composantes : la politique commerciale, la présence digitale, la présence physique, le socle informatique et la gouvernance. Chacun de ces chantiers contribue à l'objectif, tous sont indispensables.
La politique commerciale est l’élément le plus immédiat à mettre en place. Il s’agit d’établir une offre cohérente entre les canaux physiques et numériques, en termes d’assortiments, de prix, de promotions et de programmes de fidélisation. Quoi de plus frustrant en effet que de se voir refuser en ligne une remise disponible en magasin ou sur son prospectus ? La mise en œuvre d'un socle d’animations communes est généralement tributaire d’une volonté d’entreprise et non de contraintes techniques. Elle impose aux groupes traditionnels de dépasser les clivages culturels qui persistent entre physique et numérique. Assumer commercialement que le client ne raisonne pas en termes de canal constitue le premier pas vers l’omnicanalité. Une fois cette harmonisation établie, certaines aspérités pourront être travaillées pour créer une complémentarité et inviter les clients à mixer les canaux.
La présence digitale concentre naturellement les attentions. Elle se matérialise par un ensemble de points d‘interactions entre la marque et le consommateur : sites web et applications tablette, écosystème mobile, objets connectés, technologies en point de vente, média sociaux. Cette offre digitale vise à maintenir le contact avec le client sur l’ensemble des parcours possibles, et ce dans les meilleures conditions de praticité et de performances. La qualité doit primer sur la multiplicité des interfaces. L’arrivée des beacons en magasin illustre ce dernier point. La technologie est prometteuse mais reste à être affinée pour assurer une géolocalisation précise d'une allée à l'autre d'un magasin, et surtout elle impose d’avoir chargé une application dédiée et d’avoir donné son consentement au préalable. L’expérience n’est pas encore suffisamment qualitative pour convaincre le client non initié.
La présence physique se traduit par le maillage du territoire et par la nature des concepts déployés : magasin, click & collect, points de retrait, livraison par chauffeurs ou collaborative… L’implémentation de ces concepts physiques contribue au succès de la stratégie digitale. La satisfaction du client dépend du professionnalisme du transporteur ou de la bonne disponibilité du produit en click & collect. Pour compléter une expérience en ligne réussie, l’implémentation physique doit s'attacher à en reprendre les principes de qualité et de praticité. Dans le monde de l'alimentaire, la livraison à domicile n'a jamais su s'imposer, faute de souplesse pour le client et de rentabilité pour le distributeur. Le drive a pris le pas ces dernières années mais pourrait se voir déborder à l'avenir par les consignes réfrigérées alliant flexibilité horaire et proximité. Rien n'est acquis et l'expérience physique peut à elle seule faire bouger les lignes pour l'ensemble de la filière. La densité du maillage est bien sûr critique, contributeur essentiel à l’objectif d'omnicanalité, mais également générateur potentiel d'une importe complexité logistique. Elle constitue de surcroît une des rares barrières à l’entrée pour les acteurs venant du web. Les distributeurs traditionnels disposent en effet d’un actif que ces nouveaux géants de la distribution en ligne mettront quelques années à reproduire.
Le système d’information fera la différence entre la crosscanalité et l’omnicanalité. Il est le réceptacle de la donnée et sera donc indispensable à la personnalisation et la contextualisation des parcours clients. Ce quatrième composant de l’omnicanalité impose la conduite de projets lourds et complexes pour que l’entreprise devienne experte de la connaissance produit, de la connaissance client, de la gestion des commandes et de la mesure des stocks. Tout au long du parcours client, les interactions s’appuieront sur ces outils pour assurer une relation personnalisée.
La gouvernance constitue la pierre angulaire de l’édifice. Elle adresse les impacts humain au sein de l'entreprise: acculturation, organisation, formation et recrutement. Sans elle, les actions évoquées précédemment seront sans impact ou tout simplement impossible à mener. Les modèles économiques vont connaître des transformations radicales, le management doit être du même ordre. Une bascule de cette envergure nécessite un sponsorship des plus hautes instances de l’entreprise. La volonté du dirigeant doit s'affirmer au travers de communications régulières et se concrétiser par la déclinaison d’objectifs nouveaux pour chacun, sans bien sûr céder à la précipitation et mettre en danger le business existant. Le décloisonnement des organisations, l’harmonisation des objectifs et l’établissement des clés de répartition de la valeur sont les premiers contributeurs dans l’atteinte de l’omnicanalité. Inutile de digitaliser le point de vente si les vendeurs ne sont pas objectivés et intéressés aux ventes en ligne. Cette transformation organisationnelle sera longue et parfois douloureuse. Si elle développe la mixité entre les équipes du métier, de l'informatique et du design, et qu'elle leur assure une certaine autonomie, elle permettra l’essor de l’agilité et de l’expérimentation. Accompagnée des plans d’acculturation, de formation et de recrutement, elle ouvrira la porte aux talents nécessaires pour assurer la réactivité face à des usages qui se renouvellent toujours plus rapidement.
En définitive, l’omnicanalité est la somme de projets commerciaux, digitaux, physiques et informatiques. Les efforts seront répartis sur ces quatre dimensions selon les objectifs et le niveau de maturité de l'entreprise. L'essentiel est de se rappeler que l'omnicanalité est une transformation en profondeur des modèles économiques et qu'elle ne prendra corps que si la dimension culturelle, organisationnelle et humaine est adressée en premier lieu.
Co-fondatrice @Yada
8 ansBonjour, J'ai trouvé vos différents articles passionnants. Je fais actuellement mon mémoire de fin d'études à HEC sur la transformation digitale des entreprises de la grande distribution. Je serai enchantée d'avoir vos éclairages sur ce sujet. Plus précisément mon objectif est de déterminer s'il existe des facteurs clés de succès qui permettent à un distributeur de réussir sa transformation. N'hésitez pas à me contacter si cela vous intéresse et que vous désirez plus de renseignements. Merci.
Technology, Innovation and customer-centric mindset
9 ansTrès intéressant article (tout comme le précédent)! Dépasser les visions traditionnelles et streamliner les opérations par tout canal disponible en les traitant d'égal à égal tout en reconnaissant leur spécificités est culturellement difficile. Dans l'ère numérique l effet de hype est très important dans le secteur IT alors que d'autres industries sont horriblement conservatrices. Un set up simple parfaitement maitrisé marchera souvent mieux qu'une mauvaise compilation de nouvelles tech ou nouveaux concepts qui nuisent in fine a la productivité ou tuent l'innovation interne & l'esprit d'entrepreneurship.
Consulting technology, design, brand - Disruptive innovations & cognitive differences - Latest book : Think Different
9 ansBonjour en passant. Voyons-nous en septembre, si tu veux. J'organise les premières rencontres Teo Project sur les nouvelles technologies et les troubles cognitifs, le 2, et les sujets que nous abordons sont déclinables sur l'expérience client dans les enseignes et les lieux publics. Les gifteds représentent 50% des utilisateurs de dispositifs numériques et sont généralement délaissés par les concepteurs d'interfaces.