Les 5 préceptes d’Hippocrate applicables aux situations de crise autres que médicales (3/5)
Aujourd’hui…
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L’acquisition du savoir est longue. En soulignant que la temporalité de la crise n’est pas celle de l’apprentissage, nous démontrons que le processus d’acquisition des capacités indispensables à la gestion de crise nécessite que simultanément le décideur, les membres de la cellule de crise et l’entreprise se positionnent dans une logique volontariste d’apprentissage organisationnel, avant même la survenue de tout événement indésirable.
Le but de cet apprentissage est de permettre à l’individu et au groupe de percevoir au mieux l’ensemble des ressources à leurs dispositions lors de la survenue de la crise et ainsi de réduire l’écart perçu des transactions « stresseurs-ressources » et l’état recherché (ou espéré) de ces transactions, autrement dit – dans une logique de balance à double plateau - de rééquilibrer les « poids » respectifs des stresseurs et des ressources disponibles. En effet, de ce (dés)équilibre perçu dépendra à la fois les comportements des individus (autrement dit leurs modes de coping) mais également leurs capacités de convoquer les compétences idoines, préalablement acquises.
Il apparait a minima que nous disposions, aux travers des logiques d’apprentissage et de routinisation, de deux leviers de fiabilisation des capacités d’actions et de décisions.
Le premier levier consiste à mieux connaitre son environnement. Si les sollicitations de l’environnement peuvent constituer des sources de stress aigu pour l’individu, l’environnement lui-même peut être perçu comme une somme de ressources contextuelles pouvant concourir à la prompte résolution de la crise. A ce titre, la mise en place, avant même la survenue de toute crise, d’actions qui permettent aux individus d’identifier, de mieux connaitre et de mieux percevoir les ressources contextuelles et sociales à leur disposition permettra simultanément une diminution de l’intensité ressentie des stresseurs (en diminuant notamment le sentiment de désorganisation et de chaos) ainsi qu’une optimisation de la perception des ressources à disposition.
A ce titre, nous avons appréhendé l’apprentissage organisationnel puis la transformation des acquis en routines[1] comme les étapes nécessaires de l’acquisition des capacités de gestion de crise. En effet, alors même que la crise engendre d’une part une réduction de la capacité des individus à intégrer et traiter mentalement la complexité de l’évènement et d’autre part nécessite un niveau élevé d’attention, les routines offrent l’avantage de faire intervenir des traitements automatiques de type heuristique, rapide, peu conscient permettant à la fois d’économiser les ressources cognitives des décideurs et de réduire le niveau de stress aigu des individus exposés. En complément, nous avons identifié qu’à partir d’un nombre limité de routines universelles (c’est-à-dire utilisables indépendamment du type de crise) il est possible, par le jeu de la combinatoire, de composer une infinie variété de capacités.
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Le second levier consiste à mieux se connaitre soi-même afin de mieux gérer la crise. En effet, la perception que nous nous faisons de nos aptitudes à accomplir une activité (ici la gestion de crise) influence et participe à la fiabilisation des capacités à agir et à décider sous stress. A ce titre, un travail de réévaluation cognitive et/ou de simulations mentales de nos ressources structurelles (nos traits de personnalités) ainsi qu’un travail d’aguerrissement participent au maintien d’un comportement adéquat en situation de crise. Le travail d’aguerrissement consiste à doter les individus de solutions permettant à ces derniers de s’adapter très rapidement aux changements induits par la crise, de reprendre la main sur la situation afin d’atteindre les objectifs définis. Ce travail, dont la fréquence doit être régulière et la complexité graduelle, consiste à une meilleure connaissance de soi-même, tant d’un point de vue physique que d’un point de vue psychologique. Il se matérialise par une série de postures et d’exercices mettant en jeu les compétences (savoirs, savoir-faire et savoir être) dans des situations ou des conditions qui, conceptuellement ou dans les faits, seront dégradées.
Les finalités des logiques conjuguées d’apprentissage, de routinisation et d’aguerrissement sont, par un travail d’identisation et de connaissance simultanée des stresseurs et des ressources à la disposition de l’individu, de concourir à l’élévation du degré de fiabilité des décisions et des actions en situation de crise.
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[1] définies comme des « modes d’interactions qui constituent des solutions efficaces à des problèmes particuliers » Dosi, Teece et Winter (1990)