Les 7 erreurs qui ont coulé ma première boîte

Les 7 erreurs qui ont coulé ma première boîte

Après quelques expériences en auto-entrepreneur ou en porteur de projet, on peut rapidement penser que le développement d’une entreprise de « plus grande envergure » se déroulera de la même façon. On sort sa petite checklist : quelques contacts, quelques tests, un marché en attente, un service qui sort de l‘ordinaire, quelques papiers, l’habitude du métier… et hop, « ça devrait bien suffire » !

Que nenni.

Si j’ai pu concevoir et créer une entreprise en seulement 3 mois, j’ai aussi eu le triste honneur de devoir la liquider 1 an plus tard. Alors, que vous pensiez être serial-entrepreneur ou non, un petit tour des erreurs que plus personne ne devrait commettre en 2018 ne vous fera pas de mal.


1. Créer trop vite

Avec mes 4 associés de l’époque, on avait l’habitude de discuter énormément. Concevoir, projeter, rêver, imaginer, dessiner, questionner… On parlait sûrement un peu trop d’ailleurs. Mais quand vous appréciez votre équipe et qu’une bonne ambiance de travail se dégage, les idées fusent.

On comprenait l’avantage de se lancer rapidement avec un MVP (Minimum Viable Product). On avait juste oublié la phase « test ».

Au bout d’un mois (nous étions en juillet), l’intégralité de nos services était imaginée dans les moindres détails, y compris des services qui n’étaient censés arriver que des années plus tard. Tout semblait simple et limpide, et comme tout entrepreneur apprend qu’il faut se fixer des objectifs, nous nous fixons en bons élèves un lancement pour septembre.

Et c’est tout. Ce lancement était en incohérence totale avec la réalité du terrain. Il nous restait donc 2 mois pour prospecter une vingtaine de lieux (le projet était dans l’événementiel), développer une plateforme web et communiquer.

Bon, l’avantage d’une deadline avec une équipe motivée… c’est qu’on a réussi. Mais au prix de quelles erreurs ! En écoutant quelques témoignages sur le Lean Start-up, on comprenait l’avantage de se lancer rapidement avec un MVP (Minimum Viable Product). C’est ce que nous avions fait : on avait juste oublié la phase « test ».

Résultat : En septembre, notre plateforme web est buguée lors du lancement public, notre communication est archaïque et amateure, et nous avons un gros manque de fil conducteur stratégique : une fois lancés, que devions nous faire concrètement ?


2. Créer trop tôt

On lit souvent que 90% des startups échouent, et c’est effectivement avéré : mauvaise équipe, mauvais timing, mauvais marché, manque de moyens… Je pense cependant que ce sont des leurres : si 90% des startups échouent, c’est surtout que 90% n’auraient pas dû être créées. Vraiment.

Si vous ne l’avez pas encore vécu, imaginez : créer quelque chose de A à Z et voir des inconnus payer pour ! C’est grisant, valorisant, enthousiasmant ! Alors voilà, vous avez lancé votre projet, vous avez fait une belle page Facebook, une vitrine web, vous organisez un cocktail, c’est sympa. D’ailleurs, vous vous faites la réflexion que réunir vos parents, cousins, collègues et potes de soirées autour d’un buffet, ça sonnait un peu comme un mariage cheap et que ce n’était pas forcément votre meilleure idée. Mais passons.

Les 1ers clients, la course aux statuts.

Vous avez donc de premiers clients, ne serait-ce que 3 ou 4. Et là, si vous ne l’avez pas déjà fait, vous vous dites « ok c’est sûr ça marche, faut que je crée administrativement ! ». SARL, SAS, peu importe, vous foncez. Vous n’êtes pas bêtes après tout, vous avez quand même demandé conseil à vos amis avocats/comptables ou sur French Startups, vous avez donc de beaux statuts et un bon choix de structure juridique.

Le problème, c’est que vous créez. Eh oui. En 2018, à l’heure du numérique, du micro-entrepreneur à haut plafond et du dématérialisé, c’est une hérésie. Bien sûr qu’il faut créer et être réglo administrativement, déclarer tout ce qu’il faut etc. Mais ATTENDEZ UN PEU ! Pourquoi ne pas être auto-entrepreneur pour commencer ? Cela vous coûtera ZERO. Pourquoi balancer des frais de création, avocats, comptables que vous pourriez éviter ?

Tout créateur s’est déjà fait un petit tableau Excel avec des résultats qui montent de façon presque exponentielle.

Surtout, vous pouvez tout à fait… :

  1. Vous créer un compte bancaire personnel dédié.
  2. Commencer à facturer via Paypal, Stripe ou ce que vous voulez sans Kbis ni SIRET ni rien (ou micro-entrepreneur si vous avez tout de même besoin d’un numéro).
  3. Attendre d’être sûrs que votre service plaît, par exemple jusqu’à avoir X clients pendant Y mois.
  4. Créer administrativement votre belle SAS/SARL après coup, et faire une régularisation comptable. Vous aurez des sous, des clients, 0 engagement. Au calme.

Pourquoi ? Car vous ne savez jamais combien de clients vous aurez réellement. Peut-être 10 d’un coup au lancement, puis plus jamais. Ou peut-être 1 par semaine, avec une progression très lente. Ou 0 pendant 6 mois, puis 50 d’un coup. Ça dépend de tellement de choses, et votre tableau prévisionnel Excel n’y changera rien…

Résultat : En créant votre société administrativement, vous vous créez des charges fixes qui ne sont quasiment jamais justifiées (seulement pour les marchés réglementés, type tourisme), et qui sont souvent bien trop lourdes. Charges de création, charges sociales, temps passé (ça compte beaucoup !), suivi comptable, statuts, et même de petites charges imprévues pour vos locaux, même si vous les déclarez chez vous ! Soyez serein et certain avant de créer.


3. Passer trop de temps en événements

Le réseau est essentiel : on vous l’a rabâché lors de votre parcours scolaire, mais aussi à chaque témoignage d’entrepreneur, concours ou en espace de co-working. Suffisamment pour vous convaincre qu’échanger des cartes de visite autour d’un buffet sera réellement utile.

Satisfaction > Notoriété

Réseaux d’affaires, apéros d’entrepreneurs, forums, congrès, invitations, ateliers… Bien sûr, vos 2-3 premiers mois d’événements seront grisants, vous allez apprendre beaucoup et rencontrer de nombreuses personnes. Vous commencerez néanmoins à vous rendre compte qu’une infime portion de ces rencontres, même après de belles discussions, seront réellement pertinentes pour votre business. Idem sur LinkedIn, Shapr et consors, où vous vous lassez des messages commerciaux et des sollicitations peu pertinentes au même titre que vous vous lassez de vos matchs Tinder.

La seule option, pour l’instant, pour trouver le bon contact ? Rencontrer un maximum de personnes jusqu’à trouver la bonne. En plus, ça vous entraîne à pitcher et à parler de votre projet, les gens commencent à vous connaître. En privilégiant la quantité pour espérer rencontrer à terme quelques bons profils, vous ne vous focalisez pas sur l’essentiel : votre projet.

En effet, vos premiers clients sont vos meilleurs ambassadeurs. Satisfaits ou non, il faut les bichonner. Plutôt que de demander à tel réseauteur ou tel investisseur ce qu’il faudrait améliorer dans votre service, demandez-le à vos clients actuels. Eux, au moins, ont eu la démarche de payer et savent de quoi ils parlent.

Résultat : En cherchant des idées et de l’innovation à droite à gauche, vous ne produisez pas assez. De plus, écouter une multitude d’avis finira par lisser votre posture décisionnelle, vous chercherez à plaire à tout le monde et finirez par sortir un produit hybride, fade. Continuez d’exécuter et d’améliorer votre produit en écoutant un maximum vos clients et vos éventuels associés, c’est tout. N’hésitez pas à décrocher le téléphone et à prendre le temps de parler avec vos premiers clients, aléatoirement : vous les fidéliserez et en apprendrez beaucoup plus qu’en 10 événements.


4. Ne pas prévoir le pire

S’il faut définir le terme d’entrepreneur, je dis souvent qu’il s’agit d’un état d’esprit et d’une posture de détermination. Au fond, peu importe vos compétences, votre talent, vos superbes idées, ce qui distingue un grand « Thomas Edison » d’un simple Thomas Edison de l’Ohio, c’est la 2000ème tentative pour créer l’ampoule. Il aurait pu arrêter à la 1999ème, mais aussi à la 127ème, on ne lui en aurait pas voulu. Mais il a continué.

Ça, si vous avez suffisamment réseauté ou cherché des notions de développement personnel, vous l’avez entendu plusieurs fois. Ce n’est pas parce que votre boîte coule ou qu’on vous ampute un bras qu’il faut abandonner votre projet, très bien, vous êtes déterminé. En revanche, ce n’est pas pour autant qu’il faille être têtu.

Vous allez pivoter souvent, et parfois violemment.

Vous êtes convaincu que vous réussirez un jour ou l’autre, quoi qu’il arrive, et c’est tout ce que je vous souhaite. Sachez néanmoins que vous ne réussirez pas forcément de la façon que vous imaginiez. Votre projet sera peut-être complètement transformé. Vous allez probablement pivoter une fois, deux fois, dix fois, et certains pivots vous feront peut-être cracher vos dernières économies. Vous allez galérer et galérer… mais finirez par réussir.

Quelle est la leçon du coup ? Ne soyez pas têtu et ne vous engagez pas sur des démarches coûteuses : cela rejoint le second point, « créer trop tôt ». Pour atteindre le succès, vous allez passer par de nombreux paliers et de nombreux échecs. Le prix du succès n’implique un coût important que si vous engagez beaucoup à chaque échec précédent. Prévoyez toujours une éventuelle porte de sortie : pas définitive, mais au moins qui mène à un autre chemin.

Résultat : Le projet que je portais il y a deux ans renaît aujourd’hui de ses cendres, mais j’ai néanmoins dû liquider la première version. Si j’avais anticipé que cette V1 ne fonctionnerait pas aussi bien qu’espéré, j’aurais engagé 2000€ dans un pivot vers la V2 plutôt que 2000€ inutiles dans une création-dissolution administrative. Anticipez vos échecs pour rebondir plus rapidement vers vos succès.


5. Dévaluer son produit

« Tout le monde va aimer mon produit. Si seulement tout le monde le connaissait… » Eh oui, après vos études terrain et votre V1, vous êtes persuadé que votre produit ou service est ultra-pertinent pour votre marché. Dès lors, la prochaine étape logique sera pour vous de le faire connaître à un maximum d’acteurs de ce marché. Vous prospectez, démarchez, networkez, vendez beaucoup… et vendez mal.

Avec l’effet « lancement », conforté par un usage numérique habitué des promotions, liens de parrainages et affiliations avantageuses, vous aurez tendance à baisser les prix de vos produits et services : -50% pendant 24H, 1 mois offert, votre première utilisation gratuite… Très bien !

Deux ventes à 50% de réduction ne représentent pas une vente.

Avec ces méthodes cependant, surtout lorsque vous démarrez, vous empêcherez votre cible de se représenter une échelle de tarifs réaliste pour votre service. Personne ne saura ce que vous valez vraiment, car personne n’aura eu le temps de s’habituer à votre service au prix fort. Pire, il se peut que vos seuls clients soient issus de réductions : comment qualifiez-vous alors la valeur perçue de votre entreprise ? Peut-être que personne ne serait prêt à payer le prix fort, et que finalement les clients que vous avez étaient là « pour tester » grâce à la réduc et que vous vous trompez sur la rentabilité de votre produit.

En marketing, il y a deux écoles à ce sujet, et aucune des deux n’aura forcément raison sur l’autre : à vous d’utiliser au mieux les outils proposés par l’une ou par l’autre selon votre projet. Serez-vous de l’école « quanti » qui a tendance à dire, notamment sur le web, que c’est en laissant les utilisateurs utiliser votre service et l’apprivoiser qu’ils seront ensuite prêts à le payer plus tard ? Ou plutôt de l’école « quali », qui vous refusera peut-être de nombreuses ventes, mais vous assurera que les clients que vous avez s’engagent plus facilement et sont prêts à payer le prix fort ?

Résultat : A vous d’être conscient des forces et faiblesses de chaque modèle avant de commercialiser votre produit. En cherchant à promouvoir à outrance, vous attirerez une clientèle « cheap » alors que votre service ne l’est pas. Soyez certain de pouvoir déjà vendre au juste prix, confirmant ainsi votre modèle, avant de vous engager sur des réductions trop fortes ou régulières. Si votre marché est porteur, le client n’est pas toujours roi et la vision que vous avez de votre produit reste peut-être la bonne : le prospect vous disant qu’il n’est pas intéressé est peut-être juste un mauvais prospect.


6. S’associer à 50/50

Il existe de nombreux articles expliquant pourquoi les associés ne doivent pas se répartir le capital de façon égale. En effet, si tel était le cas, le blocage décisionnel et les travers juridiques en cas de désaccord peuvent être dangereux pour votre entreprise. Il existe néanmoins un autre prix à payer : l’implication de vos collaborateurs.

En ayant exactement le même % de capital que votre ou vos associé(e)s, vous ne vous valorisez pas à votre juste valeur. En effet, même si vos profils sont similaires ou que vos compétences semblent identiques, vous avez forcément des éléments de distinction : projets futurs, besoins et ambitions personnelles, temps de disponibilité, cash apporté, disponibilité pour les clients… Dès lors, un(e) associé(e) ayant moins de capital qu’il ou elle ne devrait se sentira probablement frustré(e), et un associé ayant plus de capital qu’il ne devrait risque de considérer les choses comme acquises.

Dans un cas comme dans l’autre, c’est toute l’implication de l’associé(e) qui risque d’être remise en cause, même inconsciemment et même s’il ne semble y avoir aucune frustration pour personne. Dans tous les cas, vos partenaires et éventuels investisseurs externes le sentiront : s’il y a du capital gâché quelque part dans sa répartition, ce n’est pas bon.

Résultat : Après avoir commencé à 5 associés (oui, c’était trop) à 20% chacun, nous avons remodelé les parts de capital en fonction de l’implication et des compétences de chacun. Etonnamment, les profils étant passé de 20% à 12 ou 15% sont devenus plus productifs : ils savaient quel était leur rôle et comment ils devraient mériter leurs résultats.


7. Sous-traiter les compétences clefs

Les start-ups ne sont plus les seules entreprises qui se doivent d’être agiles. Toute entreprise, aujourd’hui, doit pouvoir réagir, évoluer et se transformer rapidement face à une concurrence digitalisée à fort potentiel.

Ainsi, vous devez identifier les compétences qui définissent réellement la valeur ajoutée de votre entreprise, et faire en sorte que celles-ci soient toujours assurées en interne. Pour une start-up digitale, il s’agira du développement web, pour de l’achat-revente, il s’agira de la prospection et du suivi client…

L’économie d’une prestation externe vous éloignera d’une agilité interne.

N’externalisez pas ces compétences clefs, ne les confiez pas à des agences, ou du moins pas sans contreparties et relations de long terme. Il sera préférable de s’associer au quotidien avec une agence de proximité ou avec des personnes compétentes, qui certes seront peut-être moins rapides ou moins efficaces que tel prestataire, plutôt que de vous rapprocher de la première offre qui vous séduira et de payer en one-shot.

Comme vu précédemment, vous allez pivoter régulièrement, ou ajuster vos processus ou améliorer une de vos lignes de produits, et vous démarquer de la concurrence demandera d’effectuer ces ajustements en un temps record. D’ailleurs, rien n’est plus frustrant que de savoir exactement ce qu’il faut faire, et de ne pouvoir qu’attendre.

Résultat : Les prestataires externes offrent de bonnes perspectives de développement et leur qualité d’expert vous permettra de gagner un temps précieux sur différentes notions. Cependant, assurez-vous de ne pas dépendre de ces prestations lorsque vous lancez votre projet ou que vous en assurez son simple fonctionnement : la moindre correction ou la moindre main-d’œuvre supplémentaire, au-delà de vous coûter cher, mettra votre entreprise en stand-by.


Pour récapituler :

Associez-vous de façon judicieuse et pertinente avec les bonnes personnes, prenez le temps de façonner votre projet au mieux, internalisez vos compétences-clefs, repoussez au maximum la création administrative, commercialisez au juste prix, écoutez vos clients plutôt que vos autres contacts, et anticipez vos échecs autant que vous anticipez votre succès.

Bonne route !


Clément Godard, Mai 2018

Alexandre COUQUE

Responsable de Résidences Sociales

5 ans

Je viens seulement de lire l'article, mais il est très bien. Merci

Anne GODDET - Coache professionnelle certifiée

Formatrice en management, développement compétences, communication et créativité

6 ans

très pertinent, merci

Léo Chatelain

Gestion de Patrimoine

6 ans

Merci Clément pour cet article ! Bon courage

Anne-Christelle CALI

Chef de groupe Amélioration Performance - Direction Technique EDF

6 ans

Comment faire pour être sans statut (création administrative) et facturer ?

Bonne analyse valable sans tous les secteurs d'activité Je rajouterai un point Ne bossez pas en famille ou en couple

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