Les autorités européennes de surveillance enrichissent le puzzle de l’environnement règlementaire de la finance durable

Les autorités européennes de surveillance enrichissent le puzzle de l’environnement règlementaire de la finance durable

À la veille de la mise en œuvre du Règlement (UE) 2019/2088 du Parlement et du Conseil du 27 novembre 2019 sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers (« SFDR »), le comité conjoint des trois autorités européennes de surveillance (« ESAs »)[1] a remis à la Commission européenne le« Final Report on draft Regulatory Technical Standards » (« RTS ») comprenant les projets de normes techniques réglementaires relatifs aux contenu, méthodes et présentation des informations à publier en matière de développement durable dans le secteur des services financiers dès le 10 mars 2021.

Se trouvent notamment soumises à ces nouvelles obligations de transparence, les entreprises d’assurance ainsi que les intermédiaires d’assurance lorsqu’ils proposent et/ou fournissent des conseils relatifs à des produits d’investissement fondés sur l’assurance (« PIA »).

À peine mise en œuvre les différentes règles nationales de transposition de la directive IDD, les professionnels de l'assurance sont déjà confrontés aux nouvelles exigences de divulgation afin d’être en mesure de contribuer au programme de développement durable à l’horizon 2030 ainsi qu’à l’Accord de Paris[2].

Le RTS était prévu avant la fin de l’année 2020 et ce, afin de permettre une application éclairée et harmonisée du SFDR.

La pandémie COVID 19 a ralenti l’analyse des nombreux retours de la consultation publique lancée par les ESAs et clôturée le premier septembre dernier.

Comme anticipé par la Commission européenne dans sa lettre du 20 octobre 2020 aux ESAs, eu égard au retard pris, l'application du RTS sera reportée à une date ultérieure sans qu’il ne soit nécessaire de différer celle du SFDR qui, en tant que législation de premier niveau, est en mesure de prévoir les principes généraux des informations à fournir en matière de durabilité.

Dans leur relation introductive, les ESAs suggèrent une mise en œuvre du RTS dès le 1er janvier 2022, délai permettant non seulement aux acteurs des marchés et aux conseillers financiers de collecter les informations nécessaires et adapter leurs pratiques mais également aux autorités nationales compétentes d’organiser une activité de contrôle efficace quant à la conformité des professionnels du marché financier.

Pendant la période intermédiaire[3], le RTS peut néanmoins être une source d’inspiration utile et utilisé comme référence afin d’appliquer le SFDR de façon adéquate.

Les ESAs ont été sensibles aux commentaires réceptionnés lors de la consultation[4] et ont ainsi ajusté les publications proposées en vue de trouver un juste équilibre afin de publier des informations communes pour toute la gamme de produits financiers couverts par le SFDR[5] alors même qu’elles ont parfaitement conscience que celles-ci seront insérées dans des documents variés quant à leur densité et leur complexité.

Les entreprises d’assurance sont donc censées mettre à jour la documentation précontractuelle et les rapports périodiques des PIA offerts ainsi que leur site internet afin de se conformer aux obligations du SFDR.

L’année dernière, le règlement taxonomie[6] a édifié les bases d’une harmonisation des critères permettant de déterminer si une activité économique est considérée comme durable sur le plan environnemental. Ont notamment été établies des définitions précises et un référentiel unique et clair sur ce sujet.

Le projet de RTS formule maintenant des propositions de contenu, méthodes et présentation des informations à publier en matière de développement durable et, notamment:

      I.         du rapport des incidences négatives des décisions d’investissement adoptées sur les facteurs de durabilité (Principal adverse impacts « PAI ») au niveau des entités ;

    II.         de la divulgation précontractuelle au niveau du produit des caractéristiques environnementales ou sociales et des objectifs d'investissement durable ;

  III.         des informations sur le site web au niveau du produit ;

 IV.         des rapports périodiques sur les produits.

I.               Rapport des PAI au niveau de l’entité

Le projet de RTS fournit une précision pour le contenu, la méthodologie et la présentation de l’information requise par l’article 4.1-5 SFDR et en ce sens, à l’annexe I, propose un modèle à utiliser pour la déclaration de l’examen des PAI. Les divulgations sont axées sur un ensemble d’indices permettant d’établir les impacts négatifs liés au climat et à l’environnement ainsi que dans le domaine des questions sociales et des employés. Ces indicateurs sont divisés en un ensemble d’indices universels qui mèneront toujours aux PAI, quel que soit le résultat du participant aux marchés financiers, et à des indices opt-in supplémentaires pour les facteurs environnementaux et sociaux, qui seront utilisés pour identifier, évaluer et hiérarchiser d’autres PAI. Eu égard au document soumis à la consultation publique, le projet de RTS présente moins d’indices universels obligatoires et plus d’indices opt-in.

En effet, le devoir de transparence des PAI ne se limite pas seulement à la publication d’indices, car le projet des RTS comprend également un rapport qui décrit : i) les politiques sur l’identification des PAI, ii) les mesures prises et prévues pour les atténuer ; iii) le respect des normes internationales et iv) une comparaison historique couvrant au moins cinq périodes de références antérieures. 

Ces dispositions, qui seront probablement applicables à compter du 1er janvier 2022 en référence à l’activité de l’exercice précédent, doivent être mises en œuvre progressivement. Par ailleurs, lorsqu’un participant aux marchés financiers publie pour la première fois les PAI, la divulgation de renseignements relatifs à une période de référence antérieure n’est pas exigée. Cela signifie que les premiers renseignements relatifs à une période de référence à divulguer ne seraient pas communiqués avant 2023 concernant la période de référence de l’année 2022.

Pour les acteurs des marchés financiers qui n’examinent pas les PAI, le RTS prévoit un énoncé et une explication qui doivent être publiés sur les sites web desdits acteurs. 

II.             Communication précontractuelle des caractéristiques environnementales/sociales et des objectifs d'investissement durable du produit

Le projet de RTS précise les détails du contenu et de la présentation des informations à divulguer au niveau précontractuel dans la documentation sectorielle prescrite par l’article 6.3 du SFDR. 

L’approche politique choisie pour la granularité des informations précontractuelles est la normalisation minimale des exigences, qui comprend des modèles obligatoires tout en permettant une certaine adaptation de l’approche aux spécificités des produits financiers.

Le projet de RTS prévoit aussi des modèles obligatoires ainsi qu’une liste d’éléments à inclure dans le rapport indiquant clairement le type de produit et la façon dont la caractéristique environnementale ou sociale (ou sa combinaison) ou l’objectif d’investissement durable du produit sont atteints. Il existe également un indice de référence quant à la conformité du produit au regard du principe: « ne pas nuire de manière significative » prévu à l’article 2.17 du SFDR.

III.           Informations du produit sur le site web

Le projet de RTS indique où et comment les acteurs des marchés financiers doivent publier l’information sur leur site web et une liste d’éléments à inclure obligatoirement comprenant la méthodologie, les sources de données et tous les critères de sélection utilisés. 

En comparaison de la version en consultation, les informations publiées sur le site doivent refléter quant à elles l’ordre de présentation de la documentation précontractuelle selon le projet de RTS. 

IV.          Rapports périodiques du produit

Le RTS établit une liste détaillée d’éléments à intégrer dans le rapport afin que soit mis en évidence le succès du produit quant à l’atteinte de son objectif d’investissement durable.

Une comparaison historique couvrant jusqu’à cinq périodes de référence est nécessaire ainsi que l’indication des:

·      15 investissements principaux effectués au cours d’une période de référence ;

·      exigences quant à la manière dont le produit s’est conformé avec succès au principe du « ne pas nuire de manière significative » prévu à l’article 2.17 du SFDR par rapport aux indicateurs d’impact défavorable de l’annexe I et aux garanties minimales de l’article 18 du règlement taxonomie. 

Á ce jour le cadre réglementaire actuel est particulièrement axé sur l'information des investisseurs. Or il est déjà clair que les facteurs de risque et les objectifs de durabilité imprégneront la gouvernance des produits, la transparence d'informations n’étant que le résultat d'un processus d'entrée des facteurs de risque et des objectifs de durabilité dans le POG des entreprises. Il sera intéressant de suivre les rôles que ces facteurs joueront dans le processus de révision de IDD. 


[1] Cfr. L’Autorité bancaire européenne, l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles et Autorité européenne des marchés financiers.

[2] L’accord de Paris, adopté au titre de la convention-cadre des Nations Unies sur les changements et approuvé par l’Union Européenne le 5 octobre 2016, est entré en vigueur le 4 novembre 2016 et cherche à renforcer la riposte aux changements climatiques, entre autres en rendant les flux financiers compatibles avec une transition vers un développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques.

[3] A ce jour il s’agit de la période entre le 10 mars 2021 et le premier janvier 2022 mais la durée effective ne sera déterminée que lorsque les RTS auront été adoptés par la Commission et que le Parlement et le Conseil ne se seront pas opposés à la notification de leur adoption.

[4] La consultation publique n’a pas été la seule initiative prise par les ESAs visant à recevoir les feedback des parties prenantes. Les ESAs ont également organisé une audition publique et ont fait tester auprès des consommateurs aux Pays-Bas et en Pologne les modèles élaborés pour les informations précontractuelles et périodiques.

[5] Les ESAs n’étaient pas habilitées à différencier les informations à fournir entre les acteurs du marché financier et les produits.

[6]  Le règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et le Conseil du 18 juin 2020 sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant les règlement (UE) 2019/2008.

Mickaël De Andrade

Financial Services | Risk & Regulatory | Operational Excellence

3 ans

Merci Silvia, très clair!

Silvia sempre un punto di riferimento! 👍

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