Les banques participatives vont-elle booster le marché immobilier?

L’ECONOMISTE Édition N° 4690 du 2016/01/20

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On en parle de plus en plus, de nombreux ménages rétifs au financement de leur logement par le crédit à intérêt attendent impatiemment l’offre de financement des futures banques participatives pour franchir le Rubicon. Ce blocage affinitaire avait aggravé la crise de l’immobilier d’habitation, dont la principale cause, il faut le reconnaître, était la fermeture des robinets des crédits opérée par les banques marocaines en 2011, suite au rappel à l’ordre de la Banque Centrale. Pendant plusieurs années, une sorte de bulle avait été provoquée par le crédit immobilier facile. L’embellie devenait euphorie et les prix avaient flambé. Tel un mouvement de yoyo, les années qui ont suivi ont connu l’une des crises les plus sévères de l’histoire de l’immobilier d’habitation, particulièrement dans les grandes villes. A un moment où les ventes sur plan étaient la règle, de quoi financer au moins le tiers de l’effort financier du promoteur, le processus s’enraya vite et fort. Qui aurait imaginé que l’offre de logements sociaux, ainsi que celle du moyen standing dépasse la demande, alors que les besoins, on le sait étaient pressants, et que le gouvernement venait d’achever ses plans d’encouragement fiscal et foncier à la construction ? Plus de crédit, plus d’acheteurs…et à valeur aujourd’hui, les promoteurs sont toujours en berne, du moins pour les programmes de masse. De leur côté, les banques amassent des liquidités, que le secteur industriel n’arrive pas à mobiliser, comme le déclare récemment Bank Al Maghrib.

Effet d’annonce et adéquation

Mais aujourd’hui, l’espoir de reprise est là, et il ne réside pas que dans l’effet d’annonce des nouvelles banques participatives ou islamiques. Les attentes relèvent de la recherche d’un financement compatible avec les convictions propres des prétendants au logement. Ce double effet pourrait être une manne providentielle pour les banques qui ont choisi de se lancer dans le financement participatif, tant le cocktail est adéquat : liquidités disponibles et demande sous pression. Parmi elles, une banque de la place cherchera fort probablement à capitaliser sur sa spécialisation et sa longueur d’avance dans le domaine. J’ai nommé le CIH, dont le décret d’autorisation de prendre participation dans la future banque participative avec la CDG et la Qatar Islamic International Bank vient de paraître ce 7 Janvier. Ledit décret précise bien que « l’ambition de la banque en projet est de participer à l’accès d’une large tranche de la population aux services bancaires, par l’attraction de nouveaux clients ». Pour les moyens, le décret annonce que « la future banque entend proposer des formules innovantes de financement immobilier participatif, mettant à profit l’expérience de la banque Qatariote partenaire (QIIB), et ce particulièrement dans le financement de l’accès à la propriété des logements sociaux. » Pour le volet des masses financières, il est également révélé que le capital préconisé pour la première phase est de 600 millions de dhs, dont le CIH détiendra 40%. La CDG, outsider heureux et inattendu, complètera les 20%, et le partenaire Qatariote 40%, ce mastodonte au capital de 412 millions de dollars, avec un total d’actif bancaire de plus de 10 milliards.

Quant aux modalités de financement, et en revenant aux dispositions de la loi bancaire 103-12, le futur vaisseau immobilier de la flotte participative aura recours à au moins trois produits pour financer l’habitation, l’incontournable Mourabaha, l’Ijara Mountahia bi Tamlik et l’improbable Moucharaka. Avec les nouvelles dispositions réglementaires, la Mourabaha prend l’avantage, car les effets négatifs de la double transaction ne représentent plus un frein. Le double droit d’enregistrement a été supprimé, mais l’on reste en attente de la dispense de double immatriculation à la conservation foncière.

Les formules participatives du financement immobilier

  1. La Mourabaha est la forme la plus classique. Elle consiste en le financement des logements par achat sur ordre du client par la banque, puis revente avec échelonnement avec une marge commerciale fixe préalablement convenue. Produit de dette par excellence, la formule offre l’avantage de la lisibilité et la facilité de contrat. Bien entendu, elle ne donne pas lieu à intérêt, ni à déblocage de liquidités sur le compte du client. Une marge commerciale inchangeable est facturée dans le prix de vente au client
  2. La Ijara Mountahia bi Tamlik, entendez location-vente en faveur du particulier. Il s’agit de l’achat par la banque de l’actif immobilier sur ordre du client et de son appropriation par elle, puis de sa mise en location au profit du client à un loyer fixe ou progressif pour une durée prédéterminée, au terme de laquelle il a l’option d’acheter le bien ou pas à la banque, à une valeur prédéterminée. La loi de finances 2016 vient d’offrir aux logements sociaux achetés par cette voie un cadeau fiscal appréciable : une TVA de 10%, applicable sur le principal sans la marge.
  3. La Moucharaka Moutanakissa. C’est la formule la plus originale, mais certainement pas la plus tranquille, et pour laquelle la future banque s’inspirera certainement de la pratique internationale. Ce sera une prise de participation de la banque dans la propriété de l’actif, avec tous les privilèges de l’actionnaire ou du copropriétaire, selon la formule juridique adoptée pour l’acquisition, puis rétrocession échelonnée ou en bloc par la banque de ses parts au client, à une valeur à convenir.
  4. l’Istisnaa consiste en la réalisation par la banque et pour le compte d’un promoteur auprès d’une entreprise de construction d’un ouvrage immobilier, puis revente à tempérament à son profit pour une durée déterminée, moyennant une marge de réalisation préalablement convenue.
 
 
 

 

Pour le marché immobilier, tous les ingrédients semblent donc prêts pour une reprise fort attendue. Mais il n’ya pas que l’immobilier d’habitation. Le financement de la promotion immobilière lui-même est à l’ordre du jour. Pour ce côté de la scène, ce sera plutôt l’Ijara Moountahia bi Tamik, un remake du Crédit bail immobilier qui sera la plus appropriée et la moins risquée, mais la banque pourra aussi recourir à la formule Moucharaka Moutanakissa citée plus haut ou à l’Istisnaa, produit auquel nos banques ne sont pas habituées, mais qui est adapté pour les contrats de VEFA (Vente en état futur d’achèvement).

Financement participatif, oui mais à quel coût ?

Fort heureusement pour le marché, les prétentions de ce futur grand opérateur dans l’immobilier ne devront qu’aiguiser l’appétit des autres banques participatives, qui déjà aujourd’hui ne sont pas en reste, en tant que groupes, en matière de financement du logement. Cette bénéfique concurrence est la condition sine qua none à des coûts de financement compétitifs et abordables pour le  client, si les futures banques veulent réellement servir le marché. Car le surcoût par rapport au financement classique risque d’être la principale pierre d’achoppement du financement islamique tant désiré. A bon entendeur salut.

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