LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES ONT LE DOS LARGE.
Plusieurs riverains sont actuellement aux prises avec des inondations printanières. Est-ce vraiment un phénomène nouveau au Québec ? La réponse est non.
Mais les dommages matériels et humains sont actuellement d’une telle importance qu’il convient de se questionner sérieusement sur ce phénomène naturel et récurrent en évitant les raccourcis dans notre raisonnement, notamment en identifiant les changements climatiques comme étant la source du problème comme le font actuellement plusieurs. C’est déplorable et cela évite de remettre en cause notre laxisme en matière d’environnement et d’aménagement du territoire.
Au Québec, selon le groupe de recherche Ouranos, les projections climatiques suggèrent une hausse des intensités des pluies extrêmes à l’horizon 2040-2070 de l’ordre de 10 à 20 %, et précise que si plusieurs événements extrêmes ont frappé le Québec, notamment les zones urbaines au cours des dernières décennies et causés des inondations et des dommages importants, qu’il demeure difficile d’imputer à la seule augmentation de l’occurrence des pluies extrêmes, et donc aux changements climatiques, la hausse du nombre d’inondations en milieu urbain. Plusieurs autres facteurs peuvent être en cause comme l’augmentation des surfaces imperméables, et une vulnérabilité plus grande (p. ex. aménagement des sous-sols, construction en zones inondables). D'ailleurs les représentants du groupe Ouranos se gardent bien de lier les événements météorologiques actuels avec les changements climatiques anticipés. C’est tout à leur honneur. Ce serait pourtant facile de prendre ce raccourci et d’en tirer des avantages.
Contrairement aux impacts reliés aux changements climatiques, les impacts de l’urbanisation sur le cycle de l’eau sont relativement bien connus et largement exposés dans la littérature scientifique et sont surtout liés à l’imperméabilisation des surfaces qui entraîne, en contrepartie, une diminution de l’infiltration de l’eau dans les sols. Presque tous les modèles d’évaluation des risques de dégradation de l’eau en bassin versant intègrent ce paramètre. L’absence d’un couvert végétal relié à l’imperméabilisation urbaine, à l’agriculture et à la déforestation est reconnue pour limiter l’évaporation de l’eau et entraîner une augmentation du ruissellement. Des études récentes ont démontré que l’évaluation du pourcentage de surfaces imperméables dans un bassin versant est un excellent indicateur pour circonscrire les impacts sur la biodiversité, l’érosion et la qualité des cours d’eau.
Il y a eu au cours des dernières décennies un engouement sans précédent pour les terrains de plus en plus rares en bordure de l'eau, ce qui a d'ailleurs contribué à en hausser la valeur au grand bénéfice des municipalités qui en tire d’importants revenus de taxation. Laisser sous-entendre que la mauvaise cartographie des milieux humides et inondables est en cause constitue un non-sens. J'oeuvre en environnement depuis belle lurette, et la délimitation des milieux humides et des plaines inondables n'a jamais été un problème. La nature des sols et des plantes est un excellent indicateur. Non pas que les méthodes actuelles (Lidar) de délimitation sont moins bonnes, mais que des méthodes, moins technologiques, existent depuis des décennies.
Des pressions énormes ont eu lieu et ont toujours lieu dans plusieurs municipalités pour délivrer des permis de construction sur des sites inondables et dans des milieux humides. Je le sais. Nous le savons. D'autre part, une multitude de chalets riverains originellement construits sur pilotis dans des milieux inondables et des milieux humides, nos grands-parents avaient compris eux, ont été convertis graduellement et souvent en catimini en résidence permanente. Implanter une résidence dans la zone riveraine 0-100 ans ou 0- 1000 ans vient avec le risque que l’eau y monte, non pas une fois par 100 ans ou 1000 ans, comme plusieurs le croient, mais que chaque année il y ait une chance sur 100 ou sur 1000 que l’eau atteigne ce niveau. Situation qui peut survenir deux années consécutives.
Dans ce contexte ne devient-il pas interrogeable que la facture des dommages causés par les inondations soit refilée à l’ensemble des Québécois sous prétexte que les changements climatiques sont en cause ?
Les changements climatiques sont une réalité détectable actuellement surtout via des analyses statistiques. Il s’agit donc de fines variations dans le temps. Cessons donc de toujours utiliser les changements climatiques pour éviter de remettre en cause notre laxisme actuel en matière d’environnement et d’aménagement du territoire.
S’il y a une leçon à tirer des événements actuels, c’est bien celle de se préparer à s’adapter aux impacts occasionnés par les changements climatiques qui se feront sentir graduellement dans les prochaines décennies.
Nous avons ignoré les avertissements concernant les dangers de construire des résidences et des routes dans des zones inondables, des milieux humides et des milieux côtiers, saurons-nous faire mieux pour nous adapter aux changements climatiques ?
Pierre Bertrand, M.Sc.
Chargé de projet civil chez Tisseur inc.
5 ansCe n'est effectivement pas une question de changements mais plutôt de l'ingénierie et de la gestion. Dans le cas de Sainte Marthe, si des terrains inondés sont devenus constructibles à la suite de la construction d'une digue, cette digue aurait dû faire l'objet d'un suivis exemplaire. Les conséquences d'une rupture étaient extrêmes et connus. Des travaux en urgence auraient dû être ordonnés et le financement aurait dû être payés par les concernés via des ajustements de taxe avant même d'avoir la réponse pour des subventions provinciales (a.k.a. refiler la facture au voisin). Il semble y avoir eu négligence. Je souhaite une enquête sérieuse.
Professeur adjoint à l'École de technologie supérieure
5 ansExcellente publication M. Bertrand! Il est important de faire attention de ne pas attribuer systématiquement chaque inondation exceptionnelle uniquement aux changements climatiques, et dans le cas du Québec, d’ignorer les autres éléments étant à la source même des problématiques que nous vivons actuellement. Surtout qu’actuellement, la majorité des études scientifiques indiquent que pour les grands bassins versants dont la crue est dominée par la fonte de la neige, les changements climatiques pointent plutôt vers une diminution de la crue, vraisemblablement en lien avec un couvert de neige qui sera moins important.
Directeur général chez Synairtech
5 ansEnfin !!! Merci pour ce texte...jeez c'est rendu une folie ces trucs là !
Conseiller en planification chez Ville de Montréal
5 ansOuranos vient de récidiver...pas de liens entre les inondations et les changements climatiques. Au contraire les modèles prévoient moins de neige dans les bassins versants concernés...