Les décrochés de la formation professionnelle, ces oubliés de la continuité pédagogique

Grands oubliés de la continuité pédagogique, des milliers de femmes et d’hommes de faible niveau de qualification ont été « décrochés » de leur formation professionnelle, parce que beaucoup trop souvent 100 % présentielle. L’enjeu national de formation pour ces personnes porte un nom : le parcours CléA. Et une modalité : le distanciel tutoré. 

Après le confinement vient le temps du redémarrage économique. De sa rapidité, dépend le sort de nombreuses entreprises de notre pays. Des secteurs entiers ont cessé toute activité : le tourisme, la restauration, le transport aérien, le BTP… et leur reprise ne sera pas facile. Ces activités à fort besoin de main-d’œuvre devront remobiliser les intérimaires, les CDD et les personnes mises en chômage partiel ou total ces derniers mois. Elles devront pouvoir compter sur des hommes et des femmes dont l’employabilité relève de parcours de formation qui ont souvent été soudainement interrompus par la crise sanitaire, parce que 80 % des 10 000 établissements de formation – CFA, organismes de formation ou d’insertion professionnelle – ont été contraints de fermer leurs portes.

CléA®, un tremplin vers l’emploi et l’intégration sociale stoppé net par le confinement

Des milliers de femmes et d’hommes de faible niveau de qualification, parfois en situation d’illettrisme (7 % de la population) ou d’illectronisme, ont ainsi été « décrochés » de leur formation, alors que les compétences de base leur manquent pour faire face aux situations les plus simples de la vie courante et, surtout, pour décrocher un emploi : lire, écrire, compter, envoyer un courriel, remplir un formulaire sur Internet... Ces parcours de formation portent un nom : la préparation à la Certification CléA®. Conçue par les partenaires sociaux en 2016, CléA® est devenue le marchepied vers l’emploi et l’intégration sociale pour 120 000 personnes, dont 75 % ne disposent que du bac ou d’un CAP, voire sont sans diplôme. Et avec le confinement, l’augmentation des inscriptions s’est interrompue, réduisant de moitié le nombre de candidats.

Comment en est-on arrivé là ?

Ce n’est pas tant l’absence d’équipements de formation à distance de ces personnes qui a provoqué cet arrêt brutal (94 %* des Français sont équipés d’un smartphone) que la difficulté des acteurs de la formation à poursuivre à distance leurs programmes, leur approche pédagogique reposant très largement sur le seul présentiel. Moins de 15 % de l’offre est ainsi effectuée en digital learning dans plus de la moitié des organismes de formation. Et 39 %** d’entre eux ne sont pas convaincus des apports du numérique pour l’apprentissage.

La formation distancielle tutorée : promesse de résilience et d’efficacité pédagogique

Depuis la réouverture de leurs établissements le 11 mai dernier, l’enjeu pour les acteurs de la formation sera de toute évidence de repenser leur pédagogie en plaçant les formateurs au cœur de dispositifs hybrides nouveaux, l’accompagnement humain restant essentiel pour redonner confiance à ceux qui l’ont perdue. Face à son écran, l’apprenant sera accompagné par le tuteur pour maîtriser le b.a.-ba du numérique, guidé vers l’acquisition des savoirs fondamentaux en s’entraînant sur des plateformes, avec pour objectif de devenir plus autonome dans ses apprentissages. C’est la promesse de la formation distancielle tutorée.

Encore faut-il disposer de l’outil adéquat. Des solutions existent aujourd’hui, élaborées spécifiquement pour les publics en difficulté d’apprentissage ou en situation d’illectronisme. Le savoir-faire des orthophonistes, les avancées des sciences cognitives (pour « apprendre à apprendre ») combinées à la puissance de l’intelligence artificielle, ont permis la conception de parcours hybrides, pilotés et accompagnés par des formateurs-tuteurs à distance.

C’est toute l’ambition portée par le partenariat noué entre le Groupe Humensis et son activité Gerip (30 ans d’expérience en orthophonie et en formation des publics en difficulté d’apprentissage grâce à un savoir-faire reconnu dans les troubles cognitifs) associé au Projet Voltaire (n° 1 de la remédiation en orthographe et en expression, utilisé par plus de 6 millions de personnes), deux acteurs clés de la formation aux savoirs de base.

Conçue par des formateurs pour des formateurs, avec l’apport des sciences cognitives, personnalisée et adaptée à chaque apprenant par la puissance des algorithmes d’intelligence artificielle, la plateforme Gerip Compétences, que nous avons lancé en janvier, est une réponse qui est déjà éprouvée avec succès auprès des jeunes volontaires ultramarins par le Service Militaire Adapté, en vue de l’inclusion sociale et professionnelle.

Parce que nous connaissons la capacité de chacun à progresser, à acquérir les savoirs fondamentaux et à construire les compétences essentielles à son développement personnel et professionnel, notamment pour ceux les plus en difficulté ; parce que nous croyons en la pertinence du numérique pour faire la différence ; parce que des outils ont déjà fait la preuve de leur efficacité pour accompagner la remédiation des difficultés d’apprentissage ; parce que des parcours alliant un présentiel guidé par le formateur à du distanciel tutoré assurent un continuum plus efficace des parcours de formation, nous croyons qu’il ne sera plus possible demain que nos concitoyens les plus fragiles puissent rester sur la touche de la reprise économique, par défaut de formation. Ils en ont besoin, le pays en a besoin. Ensemble, acteurs de la formation et concepteurs de solutions numériques d’apprentissage innovantes, nous saurons en relever le défi.

Pascal Hostachy, cofondateur du Projet Voltaire, et Philippe Révy, orthophoniste, fondateur de Gerip

  *Crédoc 2018

**Observatoire FFFOD 2019 du digital learning