Les défis de la relation femmes-finances
Cynthia Bélanger (Mouvement Desjardins), Hélène Belleau (INRS), Sandra Armanda (Verdon, Samson, Lemieux, Armanda), Jessica Lacerte-Racine (Groupe Investors) et Ariane Laverdure (Fonds de solidarité FTQ). PHOTO: KARLA MEZA

Les défis de la relation femmes-finances

Près de 25 conférenciers et panélistes se sont réunis le 13 septembre 2018 à Québec devant plus de 400 personnes, majoritairement des femmes, pour assister à la 3ème édition du Colloque Femmes en finance.

Selon une étude de la société suisse de services financiers UBS, 61 % des femmes de la génération des milléniaux délèguent la planification financière à leur conjoint. « C'est encore plus que les femmes boomers ! », lance Sophie Paquet, vice-présidente à la Financière Banque Nationale.

« À toutes les semaines je rencontre beaucoup de femmes professionnelles qui avouent ne pas être intéressées par leurs finances, déplore-t-elle. Bien que les femmes n'aient jamais été aussi éduquées, elles continuent à déléguer leurs grandes décisions financières. »

Pour sa part, la vice-présidente du Cercle finance du Québec Nicole St-Hilaire affirme que « les femmes ne se préoccupent pas suffisamment de la gestion de leur argent », ouvrant ainsi la discussion sur comment les encourager à prendre leurs finances en main.

L’épargne au féminin

De manière générale, l’épargne représente un enjeu plus important pour les femmes que pour les hommes, quelques facteurs expliquant ce phénomène.

« En 2018 les femmes gagnent encore 18 % de moins que les hommes. Cela leur rend la tâche d’épargner pour la retraite plus difficile », Sophie Paquet, vice-présidente Financière Banque Nationale

Dans leur livre Women don’t ask, Linda Babcock et Sara Laschever affirment que seulement 12 % des femmes négotient leur premier emploi, contrairement à 52 % des hommes. « Cela peut représenter un manque à gagner d’un demi-million au cours d'une carrière », soutient Mme Paquet.

D’autre part, les femmes accèdent moins souvent que les hommes à des postes de haute direction. 

« Bien que les femmes représentent 45 % de l'effectif des sociétés du TSX et du S&P 500, elles ne sont que 5 % à être cheffes de direction », Alain Desbiens, FNB BMO Québec

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Lise Lapierre, Alain Desbiens (BMO), Carole Gherlenda (RBC), Katia de Pokomandy-Morin (YWCA Québec) et Geneviève Desautels (Amplio Stratégies & Illuxi). PHOTO: KARLA MEZA


Carole Gherlenda, banquière privée chez RBC Gestion de Patrimoine dit ne pas adopter le même discours lorsqu’elle parle de finances et de planification financière avec une femme qu’avec un homme.

« Premièrement les femmes vont travailler moins d’années dans leur vie que les hommes, elles auront donc moins de temps pour accumuler de l’argent. Elles doivent par exemple arrêter de travailler pendant quelque temps lorsqu'elles ont des enfants et tendent à sacrifient plus souvent que les hommes une partie de leur carrière pour pouvoir prendre soin d’un aîné ou un proche malade. »

Ironiquement, puisque l'espérance de vie des femmes est située à 84 ans, comparativement à 80 ans pour les hommes, une femme aura normalement besoin de plus d'argent qu'un homme. En 2005 par exemple, parmi 8 230 centenaires au Canada, 84 % étaient des femmes.

Renforcer la littératie financière

Dans les revues pour femmes on retrouve souvent des articles sur la sexualité ou la vie de couple, mais on parlera pourtant presque jamais de la manière dont les couples s’organisent entre eux pour gérer l’argent.

« Le partage de l’argent est un sujet qui peut être très inconfortable car cela va normalement à l'encontre du rapport amoureux. Toutefois, les conseillers financiers auraient intérêt à en parler à leurs clients », explique Hélène Belleau, co-auteure du livre L’amour et l’argent : guide de survie en 60 questions.

« La gestion de l'argent dans le couple est un sujet plus tabou que la sexualité », Hélène Belleau, INRS

« Beaucoup de femmes se retrouvent dans une situation financière précaire à la suite d’une séparation, d’une maladie ou d’une perte d’emploi, dit Katia de Pokomandy-Morin, directrice générale du YWCA Québec. Il est donc important que les femmes s’occupent davantage de leurs finances pour éviter de se retrouver dans une position vulnérable à la suite d'un événement majeur dans leur vie. »

Jessica Lacerte-Racine du Groupe Investors souligne que beaucoup des femmes au Québec manifestent leur désir d'être indépendantes financièrement. Toutefois, elles connaissent peu les lois.

« Il y a un gros manque d'éducation, dit-elle. Bien que les finances ne soient pas apprises à l'école, il faut que les femmes arrêtent d’avoir peur de demander comment fonctionne le partage du patrimoine, les investissements, la bourse, etc. Il faut leur donner le plus d’outils possible pour qu’elles puissent prendre en main la gestion de leurs finances et accumuler elles aussi de la richesse. »


« 78 % des femmes se considèrent comme des épargnantes et seulement 22 % comme des investisseurs », Carole Gherlenda, RBC Gestion de patrimoine


Simplifier l’épargne

D'autre part, pour les milléniaux commencer à épargner et à investir représente un défi particulier.

« 53 % de milléniaux n’ont même pas 1 000 $ dans leur compte de banque », Jennifer McDonald, Mylo Financial Technologies

La compagnie Mylo Financial Technologies a développé une application mobile pour aider les Canadiens à épargner et à investir de façon simple, en leur permettant d’arrondir le montant de leurs achats faits par le biais de leur carte de débit. « Notre objectif est de faciliter l’épargne et de donner la confiance nécessaire aux Canadiens qui n’ont pas beaucoup de connaissances en investissement pour débuter leur vie financière », affirme Jennifer McDonald, chef de l’exploitation chez Mylo.

L’argent accumulé est automatiquement investi dans l’un des cinq portefeuilles diversifiés, composés surtout de fonds négociés en bourse (ETFs) et d’obligations. Les portefeuilles sont assignés aux épargnants selon leur profil d’investisseur, qu'ils déterminent préalablement en répondant à quelques questions sur leurs objectifs financiers et leur tolérance au risque.

« Puisque les gens trouvent difficile de mettre de l’argent de côté, nous croyons que l’épargne automatique est une façon efficace de les aider à accumuler des sommes qu’autrement ils n’auraient pas amassées », poursuit Mme McDonald.

Initier les jeunes aux finances

Dans le cadre de la Stratégie québécoise en éducation financière, plusieurs initiatives ont été développées pour contribuer à un changement culturel à l’égard de l’argent.

« L'Autorité des marchés financiers est partenaire de la simulation boursière Bourstad, très populaire au sein des écoles secondaires, explique Camille Beaudoin, directeur de l’éducation financière à l’Autorité des Marchés financiers. Puisqu'au début il y avait beaucoup moins de filles que de garçons qui participaient au programme, on a créé des prix spéciaux pour elles afin de les encourager à participer. Après trois ans, la proportion filles-garçons est sensiblement la même. »

Cela démontre que les filles s’intéressent davantage aux finances lorsqu’elles voient un avantage à le faire. Dans le monde des adultes, cela pourrait se traduire par une offre salariale équitable et des opportunités d’avancement égales à celles offertes aux hommes.

L’AMF est également au cœur du développement du Programme d’éducation financière offert actuellement à tous les élèves de secondaire V au Québec.

« Il faut adresser l'aspect financier tôt chez les jeunes et leur donner des outils pour développer leur confiance et encourager leur état d’esprit face aux finances », Camille Beaudoin, AMF 

Ce programme prépare les élèves à gérer leurs finances personnelles et à faire des choix éclairés, tout en favorisant l’adoption de comportements responsables et le développement de leur discernement.

« Plus de 60 000 jeunes vont être initiés aux questions d’argent, de budget, d’épargne, de crédit et d’investissement », précise M. Beaudoin.

Karla Meza

Journalist & filmmaker / Journaliste, scénariste et réalisatrice

6 ans

Merci à toi Sophie d'avoir partagé ton expérience avec tous les participants au colloque.

Sophie Paquet, ASC, C. Dir.

Conseillère Principale en Gestion de Patrimoine et Gestionnaire de Portefeuille à la Financière Banque Nationale| Senior Wealth Advisor and Portfolio Manager at National Bank Financial

6 ans

Merci pour cet excellent résumé de la journée!

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