Les défis du Tchad face à la guerre contre le terrorisme dans le Bassin du Lac Tchad

Les défis du Tchad face à la guerre contre le terrorisme dans le Bassin du Lac Tchad

I- Constats des dégâts commis par les terroristes dans le Bassin du Lac Tchad

 

« La ligne de partage entre le Bien et le Mal ne sépare ni les États, ni les classes sociales, ni les partis. Elle traverse le cœur de chaque homme et de toute l’humanité[1]. ».

Le terrorisme est un acte de violence dont l'effet médiatique et psychologique est supérieur à l’effet stratégique.

La République du Tchad est l’un des pays d’Afrique centrale entièrement enclavée, elle se situe entre les 7ème et 24ème degrés de latitude Nord et les 13ème et 24ème degrés de longitude Est.

Le territoire Tchadien couvre une superficie de 1 284 000 Km2, limité au Nord par la Libye, au Sud par la République Centrafricaine, à l’Est par le Soudan et à l’Ouest par le Cameroun, le Nigeria et le Niger.

Cette partie de l’Ouest du pays est la cible depuis plus d’une décennie des attaques du groupe terroriste Boko Haram. Le 27 octobre 2024, la base militaire de Barkaram une île dans la région du Lac Tchad a été attaquée par les éléments de Boko Haram. Cette attaque fait une quarantaine de morts parmi les militaires tchadiens. En riposte, le Président de la République Mahamat IDRISS DEBY avait « personnellement » lancé une opération baptisée « Haskanite » « Cactus globulaire », qu’il a dirigée depuis la province du lac Tchad pendant deux semaines[3].

 

Crédit photo[4]

Cette opération militaire est similaire à la « colère de Bohoma » lancée par l’ex-Président de la République Idriss DEBY ITNO en mars 2020 après une attaque de la position de nos militaires par Boko Haram, au moins 90 membres de forces de défense et de sécurité ayant péri dans l’attaque.

Dans la soirée du 9 novembre 2024, le jour même du retour du Président de la République dans la capitale, le groupe terroriste Boko Haram mène une deuxième attaque, le bilan selon l’Etat Major Général de l’Armée Tchadienne au moins 15 morts et 32 blessés dans les rangs des militaires.[5]

La première guerre de l’armée nationale tchadienne (ANT) contre les terroristes, remonte à janvier 2013 quelques jours après le déclenchement de l’Opération Serval dirigée par la France, le Tchad met sur pied les Forces Armées Tchadiennes d’Intervention au Mali (FATIM) pour combattre les terroristes au Nord Mali[6]. Un pays appartenant à la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et ne partageant aucune frontière avec le Tchad. Cependant, la lutte contre Boko Haram pousse le Tchad à intervenir au Niger, Cameroun et au Nigéria.


Crédit photo[7]

« La guerre n’est que la simple continuation de la politique par d’autres moyens[8]. » Pour neutraliser l’influence du « terrorisme par arborescence[9] » dans le Bassin du Lac Tchad.

Le Tchad, le Nigeria, le Niger et le Cameroun ont mis en place en juillet 2015 une Force multinationale mixte (FMM), de 8 500 hommes évoluant dans le Bassin du Lac Tchad. Dans ce vaste territoire dominé par des étendus d’eau, de marécages et parsemé d’îlots, abrite les combattants du groupe jihadiste Boko Haram ou de sa branche dissidente, l’État Islamique en Afrique de l’Ouest[10].

Pourtant, au cours de son interview, le Président Mahamat IDRISS DEBY a déploré n’avoir reçu « aucun soutien » de la part de ces pays voisins. Il a également souhaité que l’armée « se concentre sur la protection de ses concitoyens et de son territoire » tout en assurant que le Tchad « continuera à lutter contre le terrorisme ». Il est à noter qu’à chaque affrontement l’armée tchadienne arrive à infliger des lourdes perdes aux groupes terroristes. Toutefois, les succès de ces guerres demeurent tactiques. Pour parvenir à un succès stratégique, il est souhaitable que l’Etat Tchadien change de stratégie dans son modus operandi (mode opératoire) de lutte contre le terrorisme dans le Bassin du Lac Tchad en essayant d’autres méthodes plus subtiles et efficaces qui faciliteront l’intervention des militaires au front.

Douze ans après l’intervention au Mali pour la guerre contre le terrorisme, le Tchad continue toujours à se battre contre les groupes terroristes. Plusieurs chercheurs et experts en géopolitique s’accordent sur l’inefficacité du combat contre le terrorisme par le « tout militaire ». Il s’agit de : Bertrand BADIE, Marc-Antoine PEROUSE DE MONTCLOS, Pierre CONESA etc. Si la stratégie du « tout militaire » remportera la guerre contre le terrorisme au Sahel, l’Organisation militaire le G5 Sahel composée des pays suivants (Tchad, Niger, Burkina, Mali et Mauritanie) en son temps et devient actuellement G2 après le retrait officiel du (Burkina, Mali et Niger), la Task force Takuba ou encore l'Opération Barkhane auraient pu vaincre définitivement le terrorisme au Sahel.


II- Recommandations pour lutter efficacement contre le terrorisme dans le Bassin du Lac Tchad


« La guerre ! C’est une chose trop grave pour la confier à des militaires[11]. »


1.     Adapter les moyens au même niveau que les menaces 


  • Face au terrorisme par arborescence ou la prolifération des terroristes dans le Bassin du Lac Tchad, la mise en place des moyens colossaux est capitale ;
  • Renforcer la coopération entre le Centre d’études pour le développement et la prévention de l'extrémisme (CEDPE), le Centre d’études prospectives et stratégiques (CEPROS), les agences de renseignement et les institutions militaires pour analyser les menaces et mieux lutter contre le terrorisme ;
  • Créer un Observatoire de lutte contre le terrorisme qui aura pour rôle d'assurer une veille hebdomadaire, un bulletin trimestriel et un rapport annuel sur le niveau des menaces.

 

2.    Considérer le terrorisme comme une menace existentielle 


  •  Faire du Benchmarking (échanges des bonnes pratiques) avec les pays ayant une expertise en matière de lutte contre le terrorisme ;
  • Etendre la coopération de la lutte contre le terrorisme au-delà des pays du Bassin du Lac Tchad ;
  • Réviser les textes de la Force Mixe Multinationale afin de la rendre plus opérationnelle en cas d’attaque dans l’un des pays membres.


3.    Faire de la lutte contre le terrorisme, une priorité de la sécurité nationale


  •  Le maintien de la sécurité nationale fait partie des intérêts vitaux d’une nation ;
  • Créer des unités de réflexion spécialisées dans les think tanks pour faire de prospectives sur les menaces terroristes ;
  • Faire de la lutte contre le terrorisme une priorité des services de renseignement en créant le poste de coordinateur national de lutte contre le terrorisme qui aura pour mission de centraliser la collecte de tous les renseignements sur les menaces terroristes et proposer des plans d'action ;
  • Sensibiliser la population sur le niveau de menaces terroristes et faire le développement économique et social une priorité dans les zones sensibles à l’influence du terrorisme.

 

Le Tchad est entouré par des pays en crise (Libye, Soudan et récemment la République Centrafricaine), fragilisés par des conflits armés fratricides (internes). L’Etat Tchadien doit renforcer davantage sa vigilance dans la lutte contre le terrorisme dans la région du Lac Tchad afin de préserver la stabilité et maintenir la sécurité nationale. Toute nation en guerre se doit d’être solidaire et unie pour faire face aux périls qui menacent son existence.

L’Etat Tchadien devrait unir les Tchadiens, tel Ulysse les mains au mât pour combattre le terrorisme dans la région du Lac Tchad.   « Qui connaît l’autre et se connaît, en cent combats ne sera point défait ; qui ne connaît l’autre mais se connaît, sera vainqueur une fois sur deux ; qui ne connaît pas plus l’autre qu’il ne se connaît sera toujours défait[12] ».

 

 Hassan Ahmat Djamaladine

Auditeur terrorisme : menaces plurielles et enjeux contemporains & quelles adaptations pour quelles menaces ?

Promotion 2020 à l' IEGA - Institut d'études de géopolitique appliquée

Présidencetd Présidence de la République du Tchad

@Etat-Major Général de l'Armée Tchadienne

 

 

 



[1] Alexandre SOLJENITSYNE (1918 - 2008) écrivain Russe.

[2] Présidence de la République du Tchad

[3] Tchad : la riposte aux attaques djihadistes tourne à la déroute

[4] Portail du Tchad

[5] (639) 𝐂𝐎𝐌𝐌𝐔𝐍𝐈𝐐𝐔𝐄 𝐃𝐄 𝐋'𝐄𝐓𝐀𝐓 𝐌𝐀𝐉𝐎𝐑 𝐆𝐄𝐍𝐄𝐑𝐀𝐋 𝐃𝐄 𝐋'𝐀𝐑𝐌𝐄𝐄 - YouTube

[6] L'intervention militaire tchadienne au Mali : enjeux et limites d'une volonté de puissance régionale | Sciences Po CERI

[7] L’actualité du Sahel sur la carte - Afrique - sahel.liveuamap.com

[8] Carl VON CLAUSEWITZ (1780 - 1831) officier général prussien et théoricien de la guerre moderne

[9] Pierre CONESA géopolitologue et ancien Haut fonctionnaire à la délégation aux affaires stratégiques du ministère de la défense français.

[10] L’armée tchadienne continue ses opérations contre Boko Haram - Jeune Afrique

[11] » Georges CLEMENCEAU (1841-1929) ancien président du Conseil sous la 4ème République française

[12] Sun TZU (544 - 496 av. J.-C.) stratège militaire Chinois et premier théoricien du renseignement

ISSA ADOUM YACOUB

Étudiant en Master 2 Sciences politiques parcours études stratégiques et Relations internationales

1 mois

De très bons conseils ! C’est mon sujet de mémoire de fin d’étude. Je trouve ta contribution pertinente.

Très pertinente analyse.

Ali Tidjani

Auditeur Financier chez Natixis Algérie

1 mois

Très utile mais les soldats sur le terrain ne disposent pas d'informations fiables et il y a un problème de discipline au sein de l'armée.

Abakar oumar ALI

Cyber Security Consultant at CAPGEMENI

1 mois

Analyses et suggestions très pertinentes. Le BOKO HARAM doit être vraiment considéré comme une menace potentielle par les pays du Sahel. Toutes les forces nécessaires doivent être déployées par les États du sahel afin de combattre ces terroristes, car c’est très difficile d’éradiquer cette secte (qui est très bien équipée et soutenue) par un seul pays. Ce combat nous concerne tous, et chacun de nous doit contribuer par des idées, des moyens … comme notre frère Hassan Ahmat Djamaladine. Un grand merci pour le temps que tu as consacré pour ce sujet qui doit être préoccupant pour tout un chacun.

Hassan Hachim youssouf

Diplômé d'un Master 2 en administration publique, parcours: Gestion de services de l'État et de collectivités territoriales.

1 mois

Un apport qui doit être pris en compte par nos autorités.

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