Les fractures numériques de l'éducation
La plus rapide révolution technologique de l’histoire de l’humanité est en voie de transformer radicalement l’économie mondiale. Les impacts de cette mutation digitale du monde touchent la stratégie des entreprises, la relation client, l’innovation, la communication et par-dessus tout, les modèles économiques des entreprises. Qu’en est-il en matière d’éducation ?
Une formation initiale ancrée dans un modèle millénaire
J’ai une fille au collège. Chaque jour de l’année, je la vois partir en classe avec un chargement de livres et de cahiers dans un cartable dont le poids oscille autour de 7 kg. Le modèle éducatif de l’enseignement primaire et secondaire repose toujours sur la transmission orale directement issue des anciens temps. Le sage, détenteur des connaissances, transmet son savoir oralement aux jeunes générations. Le maître est alors au cœur même du processus éducatif et il constitue le rouage essentiel de l’apprentissage. A partir du XVème siècle, l’imprimerie a largement contribué à rendre la divulgation du savoir plus efficace. Mais en fin de compte, dans l’éducation primaire et secondaire française d'aujourd’hui, peu de choses ont réellement changé depuis Charlemagne.
Le numérique cherche sa place au sein des différentes méthodes pédagogiques
Sous l’impulsion des avancées en matière de psychologie, le XXe siècle a été prolifique en théories pédagogiques : behaviorisme, constructivisme, socioconstructivisme, cognitivisme, connectivisme, etc...
Le débat du numérique dans l’éducation ne se situe pas au niveau de la pédagogie car le numérique n’est ni une méthode d’apprentissage, ni un objectif, mais c’est un moyen utilisable quelle que soit la pédagogie retenue. Depuis le début du XXIe siècle, le modèle 70/20/10, résultat des travaux de recherche menés par Morgan McCall, Robert W. Eichinger et Michael M. Lombardo réconcilie en quelque sorte les différentes théories pédagogiques du siècle dernier en rassemblant le meilleur de chacune d’elles. Ce modèle 70/20/10 décompose en trois parties le temps d’apprentissage effectif idéal de tout un chacun pour acquérir une compétence.
- 10% du temps consacré à la formation formelle
- 20% du temps consacré aux échanges avec autrui
- 70% du temps consacré à l’expérimentation ou à la mise en pratique individuelle
Le numérique se révèle alors être un outil précieux. Avec les bons outils numériques, l’apprenant peut tirer le meilleur parti de chacune de ces trois phases d’apprentissage comme nous le verrons plus loin dans cet article.
Et le cartable de ma fille dans tout ça ?
Malheureusement, pour l’heure, le digital reste à la périphérie d’une éducation primaire et secondaire qui peine à se réformer. Certains établissements déploient des Espaces Numériques de Travail avec succès (voir « Comment le numérique éducatif aide vraiment à améliorer les résultats des élèves… ») facilitant notamment le suivi de la scolarité des élèves par leurs parents. Cependant, l’elearning peine à se généraliser, faute d’un soutien de la part des enseignants qui y voient peut-être à tort une remise en cause de leur poste. Il faut dire que les approches empiriques des sociétés d’elearning au début des années 2000 n’ont rien fait pour les rassurer en positionnant leurs offres en opposition directe avec la formation traditionnelle en présentiel. J’ai bien peur que le cartable de ma fille ne s’allège pas à court terme.
La révolution numérique commence après le bac
Ces dernières années, on a vu fleurir des concepts tous plus révolutionnaires les uns que les autres : Blended learning, Rapid learning, Mobile learning, Serious games, Digital Learning, etc …
Je vais sans doute en faire bondir plus d’un, mais avec un peu de recul, ce ne sont finalement que des buzzwords et des concepts créés par des marketeurs, dont j’ai fait partie, pour promouvoir leurs outils numériques en jetant des paillettes dans les yeux des Responsables Pédagogiques ou des Responsables Formations. Les outils numériques, quels qu’ils soient, ont pour objectif de faciliter l’apprentissage en autonomie ou en groupe. Ils permettent également de personnaliser le suivi par un enseignant qui se pose alors en guide pour accompagner l’apprenant vers le savoir, plutôt qu’en unique source dudit savoir.
La recherche de l’apprentissage efficace, spécialisé et personnalisé, en formation professionnelle ou dans l’éducation supérieure se prête particulièrement bien à l’intégration de toutes formes d’outils ou de ressources numériques dans le modèle 70 / 20 / 10 décrit précédemment.
- La formation formelle traditionnelle avec un enseignant peut se faire sous forme de vidéo, ou à distance sous forme de classe virtuelle. A noter que les supports numériques permettent alors de suivre cette partie formelle de façon synchrone, ou asynchrone.
- Le temps consacré aux échanges bénéficie des larges avancées technologiques récentes en matière de communication et de partage. Certains outils tels Slack ont justement pour fonction de faciliter les échanges au sein d’un groupe autour d’un intérêt commun.
- Enfin, des outils numériques permettent à l’enseignant de suivre à distance le temps consacré à la mise en pratique de chaque apprenant et de le guider individuellement dans son apprentissage. Le travail d’expérimentation individuel de chaque apprenant n’est donc pas pour autant un travail solitaire.
Apparus en 2012, les MOOCs ont ouvert la voie d’une révolution dans le transfert du savoir en proposant à tous ce qui était préalablement réservé à une élite. Il est désormais possible de suivre des cursus de Harward ou du MIT à distance, gratuitement. Mais l’acquisition d’une compétence via un MOOC est au mieux récompensée par une Certification (payante).
En France, le groupe IONIS, leader de l’enseignement supérieur privé français, va encore plus loin avec IONISx, une plateforme d’apprentissage en ligne proposant des cursus diplômants de niveau Bac+3 (Bachelor) et Bac+5 (Mastère) inscrits au RNCP.
Tout y est :
- Apprentissage formel en ligne via des vidéos et des classes virtuelles
- Travail en groupe via des outils collaboratifs (fournis)
- Accompagnement individualisé par des enseignants/référents durant toute la durée du cursus
Ce type de formation exploite au mieux les outils digitaux pour mettre l’apprenant au centre de la formation et non plus l’enseignant. N’est-ce pas déjà, en soi, une révolution ?
L’éducation fait sa mue digitale à vitesses variables
La révolution numérique dans l’éducation avance à des vitesses variables créant une fracture entre l’éducation primaire ou secondaire, l’éducation supérieure et la formation continue. Une autre fracture est également flagrante dans l’adoption des technologies numériques entre l’éducation nationale et les opérateurs privés. Le mammouth reste à la traîne, à cause des habitudes ancestrales d’une part, des difficultés de mise en œuvre à large échelle d’autre part. Il faudra sans doute encore user quelques ministres de l’éducation avant de parvenir à une réforme numérique de l’ensemble du système éducatif français. En attendant, à une époque où on peut stocker 200 Go de données sur une carte micro SD de 1 gramme, le cartable de ma fille pèsera toujours 7 kg au lycée l’année prochaine.
Mais une étape importante est en passe d’être franchie avec la reconnaissance d’un diplôme obtenu en ligne. Après tout, un diplôme est un diplôme. Il présente la même valeur qu’il soit obtenu en ligne ou en présentiel.
Comme un clin d’œil, le premier diplôme bac+5 reconnu porte justement sur le Marketing Digital dont la première rentrée est prévue pour septembre. Alleluia.
Crédit photo : Center for Creative Leadership et Fotolia.
Directeur Général ARTEMIS & Auditeur Formateur Conseil
8 ansVivement demain ! Ahh mais on y est déjà ... Article très "pedagogique", merci beaucoup