Les fusions entre mutuelles et autres organismes d’assurance dorénavant interdites

Sous couvert de "simplification et gouvernance", l'article L. 113-2 du code de la mutualité a été modifié pour préciser que la fusion des organismes qu'il régit (mutuelles, unions et fédérations) n’est possible qu’entre eux (LOI n° 2021-502 du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, article 37).

Concrètement, cette nouvelle disposition rend impossibles les rapprochements directs avec transmission universelle du patrimoine entre les mutuelles et les autres organismes d’assurance régis par le code des assurances (sociétés anonymes et sociétés d’assurance mutuelles) et le code de la sécurité sociale (institutions de prévoyance). Cela peut paraître dommage pour les sociétés d’assurance mutuelle et les institutions de prévoyance, qui partagent un certain nombre de caractéristiques essentielles avec les mutuelles (en particulier, absence de capital social, participation des membres aux assemblées générales).

Le doute était permis compte tenu du libellé imprécis à cet égard de l’article L. 113-2 du code de la mutualité. Dorénavant, les rapprochements devront se contenter d’autres outils : en particulier, transferts de portefeuilles, regroupements contractuels fondés sur l’affiliation à une entité sommitale prévus par les trois codes concernés (union mutualiste de groupe, société de groupe d’assurance, société de groupe d’assurance mutuelle, groupement assurantiel de protection sociale).

Pour justifier qu’une mutuelle ne puisse fusionner avec une entreprise régie par le code des assurances, le Rapport de M. Alain MILON n° 356 (2020-2021) du 10 février 2021 au nom de la commission des affaires sociales a procédé à une présentation pour le moins approximative de l’organisation du secteur de l’assurance. On citera deux exemples.

A titre de premier exemple, on relèvera que le rapport expose notamment que les entreprises régies par le code des assurances « sont des sociétés anonymes dont le capital social est détenu par des actionnaires et qui ont pour vocation de réaliser des bénéfices ». Etrangement, les sociétés d’assurance mutuelles sont passées sous silence, alors qu’il s’agit précisément d’organismes d’assurance mutualistes qui n’ont pas de capital social et qui sont bien régis par le code des assurances.

Le rapport précité offre un deuxième exemple d’affirmations qui interrogent. En effet, l’objectif assumé de la prohibition semble être de « corriger » une tendance conduisant les entreprises d’assurance, minoritaires sur le marché de l’assurance santé complémentaire, à augmenter néanmoins leur part de marché au détriment des mutuelles. La prohibition de la fusion des mutuelles avec les autres organismes aurait ainsi « un but de préservation de l'équilibre entre protection sociale complémentaire relevant du secteur lucratif et du secteur non-lucratif ». 

Ici encore, les arguments déployés ne sont pas convaincants. En effet, tout comme les mutuelles, les institutions de prévoyance sont des « personnes morales de droit privé ayant un but non lucratif » (articles L. 110-1 du code de la mutualité et L. 931-1 du code de la sécurité sociale respectivement). Dès lors, on voit mal pourquoi l’objectif précité d’équilibre entre le secteur lucratif et le secteur non-lucratif justifierait l’interdiction de la fusion entre les organismes d’assurance non lucratifs que sont une mutuelle et une institution de prévoyance. 

Il n’empêche, la prohibition a été adoptée sans modification.

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