Les humains et la longue histoire de l’adaptation
Adèle Van Reeth demande à Cynthia Fleury, Pierre-Henri Castel et Dominique Bourg :
Face à une fin du monde dont nous sommes l’origine, pourquoi ne change-t-on rien ?
(Notes prises pendant la table ronde)
Cynthia Fleury :
– ignorance (encore) ;
– sentiment d’impuissance ;
– conservatisme ;
– idéologie progressiste (la technique trouvera une parade) ;
– justice sociale (pourquoi moi et pas eux) ;
– « courtermisme » (la fin du monde contre la fin du mois).
[…] « Il n’y a pas d’éthique du désespoir. Il faut être du côté de la dynamique capacitaire. »
Pierre-Henri Castel :
Nos valeurs d’émancipation produisent l’épuisement de la nature. C'est l’abondance de notre économie carbonée qui soutient la démocratie. On ne sait pas comment faire sans. Même nos mobilisations sont couteuses en énergie.
La pénurie des ressources peut entrainer une radicalisation idéologique et politique, mais les valeurs de notre culture « démocratique » ne répondent pas à la violence des phénomènes par une violence symétrique.
Cynthia Fleury :
Notre seule manière de préserver notre émancipation : la consommation.
Dominique Bourg :
On ne peut pas réparer la mécanique écologique, les 40 années de nuisance qui viennent de s’écouler sont déjà dans les tuyaux. Le système planétaire ajoute de la pression en augmentant la puissance des phénomènes naturels qui deviennent plus intenses.
La transformation du monde est déjà dans les esprits et ce qui se passe dans notre société est inédit. Mais il nous faut un escalier pour passer d’un monde à un autre. Or, le clash énergétique risque d’être très rapide et ferait que l’escalier se déroberait sous nos pas. On voit fleurir des régimes autoritaires pour qui l’environnement n’existe pas. Inversement, les écolos montent en Europe. L’enjeu écologique est une source d’opposition avec des régimes climatofascistes. « Il existe une certaine quantité de valeurs pour lesquelles j’ai envie de me battre ».
Cynthia Fleury :
Dans ce contexte où notre seule manière de préserver notre émancipation se fait par la consommation, on va redécouvrir le malthusianisme. L’hyper régulation et la pression algorithmique nous assisteront […] Il faut faire moins d’enfants…
Question du public :
Il n’y aura pas d’effondrement, mais une succession de crises. Il faut une pédagogie des catastrophes. Combien de Pearl Harbor climatiques faudra-t-il pour qu’on envisage des actions ?
Réponses : Il n’y a pas de pédagogie de la catastrophe. C’est toujours pour l’autre ou plutôt contre l’autre. Tout dépend sur qui ça tombe. Les élites ou les plus pauvres.
La médiation de la science est indispensable.
Cette réponse entre en écho avec l’introduction de Pierre-Henri Castel, auteur de Le mal qui vient : "Que se passe-t-il quand on renonce à toute utopie réparatrice ? Quelle violence opposer à cette violence ? […] Chacun tient une pelle à la main pour enterrer son voisin. »
Face à ce pessimisme noir, Dominique Bourg opposait le changement d’échelle dans les mobilisations, comme la pétition « L’affaire du siècle » qui a réuni plus de 2 millions de signatures en moins de 15 jours, ce qui est exceptionnel en termes de vitesse.
Ce à quoi Castel avait répondu : « Espérons que le changement viendra du politique, mais notre pouvoir politique est en péril. »