Les impôts de production n'existent pas.
Deux fois par mois, une retranscription de ma chronique éco dans l'émission "le bar de l'économie" sur Radio Enghien IdFm 98
Depuis le confinement on entend un haro unanime sur les impôts « dit » de production,
eh bien, révélation fracassante : la notion d’impôts strictement lié à la production n’existe pas, c’est un concept marketing, intelligemment mis en musique pour sensibiliser aux taxes qui pèsent sur les entreprises.
La dernière taxe sur la production au sens stricte était la TP, dont une composante visait les outils de production. Pour être juste, il existe une taxe sur les réseaux, créé spécifiquement pour les sociétés d’énergie, principalement EDF.
Avant de lancer le débat qui justifie ces déclarations fracassantes, quelques notions…
Rappelons tout d’abord la différence entre taxe et impôt :
· Une taxe frappe la consommation, elle est déclenchée par un acte d’achat ou une dépense (TVA, taxe sur le pétrole TICPE, taxe d’apprentissage…)
· Un impôt frappe un revenu ou un résultat (IR, IS, …)
Et pour avoir en tête les grandes masses en matière d’impôts et taxes, examinons les grands chiffres de la fiscalité qui pèse sur les entreprises :
Sur un total de 124 milliards en 2018, voici le podium :
· L’impôt sur les sociétés .............................................. 54 Mds, soit 44%
· Taxe sur le foncier ...................................................... 15 Mds, 12%
· CVAE.......................................................................... 14 Mds, 12%
· Taxe sur les salaires.................................................... 14 Mds, 11%
· Impot sur le revenu.................................................... 8 Mds, 6%
· CFE............................................................................ 7 Mds, 6%
· C3S............................................................................ 4 Mds, 3%
· Taxe d’apprentissage.................................................. 2 Mds, 1%
· Autres (TASCOM, IFER, Contribution sociale, TVS, …).... 6 Mds
L’IS est donc le 1er contributeur et de très loin. Il n’apparaît pas dans le débat car son taux a régulièrement diminué, pour être de 28% dans le cas général, et tombera à 25% en 2022. Il faut affirmer avec force que cette trajectoire fermement maintenue est une excellente chose, car, observée par les investisseurs étrangers, elle constitue donc un facteur de compétitivité essentiel.
N’apparaît pas non plus dans le débat la taxe sur les salaires (pourtant d’un montant équivalent à celui de la CVAE), car elle ne concerne que les entreprises non soumises à la TVA, essentiellement les sociétés financières comme les compagnies d’assurance.
Ceci rappelé, que recouvre ces impôts de production dont on parle actuellement ?
D’abord la C3S, assise sur le chiffre d’affaires. C’est une vieille taxe, qui auparavant s’appelait l’ORGANIC, elle date des années 1970.
La CFE ; est fondé sur le foncier, qu’il soit loué ou acheté.
La CVAE, qui est assise sur la valeur ajoutée, c’est-à-dire schématiquement la différence entre le CA et les achats. Autrement dit, moins vous achetez, plus vous avez de personnel, plus vous allez payer de la CVAE. Il n’est donc pas impossible que les entreprises de services bénéficient largement de la baisse de la CVAE.
Pour ces contributions, toutes les entreprises sont potentiellement concernées ; on ne trouve pas dans leur assiette une logique strictement de production
Donc non seulement les impôts de production n’existent pas, mais au contraire il existe un crédit d’impôt lié à la production : le suramortissement de 140% des biens industriels et numériques acquis par les PME en tout ou partie sur 2020 !! Mécanisme intelligent, visant spécifiquement l’industrie pour le coup… et dont on comprends mal qu’il n’intervienne pas en premier plan dans le débat, d’autant qu’il doit s’arrêter en 2020.
On entend également dire que l’on paye dès le 1er euro de CA ?
Eh non, c’est faux. Pour la CVAE, non seulement vous ne payez rien en deçà de 500000€, son taux est progressif , et comme la CFE elle est bénéficie indirectement d’un mécanisme de plafonnement de la CET, à 3% de la valeur ajoutée.
Pour la C3S, rien à payer en deçà de 19m€.
Alors, bien ou pas ces réductions d’impôt à venir ?
Eh bien, toute amélioration des marges des entreprises est bonne à prendre ! Mais toute diminution des recettes doit être compensée : la C3S est destinée aux URSSAF pour financier l’assurance vieillesse. La CVAE et les taxes foncières vont aux collectivités locales : attention à ne pas les appauvrir !
Et, puis, si l’on parle compétitivité, que regarde un investisseur ?
D’abord l’environnement économique et légal, ainsi que les compétences disponibles.
Si on se limite aux taxes, alors le taux de l’IS et le coût du travail. Et ce concept de coût du travail va recouvrer
· les charges sociales
· la complexité du droit du travail
· la productivité du travail.
On peut constater que dans ces domaines la France a fait de réelles avancées, au fil des gouvernements successifs. Mais attention en matière de fiscalité à ne pas jouer au jeu de donner à l’un pour reprendre à l’autre, ou pire encore, de donner aujourd’hui au père pour demander au fils ou au petit fils de rembourser….