Les jours d’après
La crise des gilets jaunes a commencé sur une question d’énergie trop chère pour devenir un sujet global de société. Partout des assemblées se sont créées, proposant ici le retour de l’ISF, là le RIC. La réponse d’Emmanuel Macron fut l’organisation d’un grand débat mettant en scène sa personne allant écouter pour finalement proposer. Mais les réunions de gilets jaunes se firent sans représentant du pouvoir et le pouvoir s’adressa à d’autres assemblées, celles des maires. Etrange dialogue où chacun campe sur ses positions, où nul échange ne voit le jour. Rapporté au seul pouvoir d’achat, à quelques euro par mois pour une question qui était sur le fond: Quelle société pouvons nous construire ensemble face aux enjeux présents et à venir?
Aujourd’hui le prix du litre de carburant à la pompe est supérieur à celui de novembre, sans taxe carbone. Donald Trump place un porte-avion au large de l’Iran, la France tente de garder le pétrole libyen à portée de main, sans y parvenir. Les réserves de pétrole diminuent, les non-conventionnels ne peuvent pas se substituer à cette énergie autrefois abondante et peu chère qui a fait notre monde: le pétrole. Mais où est le plan de sortie du pétrole?
Les événements climatiques désastreux se multiplient, comme l’année dernière, comme cette année. Des ouragans plus violents, des mois plus chauds, des amplitudes thermiques inédites comme les a connues la France avec un mois de mai qui commence avec des températures glaciales alors que les plages étaient noires de monde en mars. Mais où est le plan d’adaptation au dérèglement climatique?
En Afrique, en Inde, les populations les plus pauvres sont les premières touchées. En France, ce sont les « petites gens » qui n’en pouvaient plus. Pas de choix alternatif, il faut faire avec. Mais peu à peu les conséquences de nos inconséquences toucheront les classes moyennes, détruisant les sécurités dérisoires que nous nous étions mises en place. Tout comme en 2008 les retraités américains virent fondre leurs retraites, disparaître leur épargne, nos choix de vie ne tiendront pas face à la perte d’énergie abondante et peu chère, face aux extrêmes climatiques. Et que ferons-nous lorsque les étales se videront des fruits et légumes qui ne furent pas pollinisés par les insectes que nous avons tué? Lorsque l’eau viendra à manquer au robinet?
J’entends le tic tac d’un compte à rebours commencé il y a longtemps. Il sera étonnant de relire dans 100 ans le rapport Meadows de 1972 ou « Printemps silencieux » écrit par Rachel Carson en 1962. S’il reste des humains ils seront stupéfaits: « mais vous saviez? » En fait oui. Contrairement aux dinosaures qui reçurent une météorite sans le savoir, nous, nous avons précipité notre fin en sachant. « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». Ou plutôt, « plus tard ». Car ce que nous avons fait, c’était de parler des « générations futures » évoqué « 2100 » pour le climat alors que tout était là et que nous accélérions le drame.
Hier, avril 2019, le relevé de CO2 dépassait pour la première fois de l’histoire, 413 ppm. Nous sommes en guerre, réellement. Contre nos habitudes, notre procrastination, nos faiblesses, nos égoïsmes. Il est impensable qu’aucun gouvernement ne le dise pas clairement. Comme dans les années 30 où la France et l’Angleterre refusèrent de voir les choses en face. Comme en 1940 où nos généraux arrogants méprisèrent les changements stratégiques majeurs. Nous ne sommes pas prêt et pourtant, tout arrive, tout a déjà commencé.
Alors, ce que les gouvernants ne veulent pas faire, nous devons nous y atteler. Oui, la catastrophe arrive. Oui, le pétrole va manquer, sera cher et contrôler les derniers puits passera par la force. Voulons-nous demain envahir l’Iran avec l’Amérique de Trump ou nous passer du pétrole? Oui, la famine guette, même ici. Comment faire pousser du blé dans nos champs s’il ne pleut plus assez? Nos sociétés sophistiquées et urbaines ne savent pas se nourrir, dépendent de chaine logistiques complexes, d’usines de transformations énergivores. Rien ne permettrait de nourrir Paris, Lille ou Lyon en cas de rupture de ces organisations. Oui les déserts médicaux seront un drame si une épidémie comme la grippe espagnole de 1918 venait à survenir.
Nous sommes en guerre contre les pires des ennemis: l’ignorance et l’inconscience. Nous devons former et informer, travailler à l’émergence des lowtech, à l’abandon de nos envies superficielles. La publicité doit être régulée drastiquement, les information sur la réalité du dérèglement climatique, la perte de biodiversité ou la ressource en eau doivent être massivement connues. Aucun-e politique ne doit pouvoir se présenter sans avoir fait la preuve de sa connaissance précise de ces sujets. Nous devons être attentif, rigoureux et participer en toute conscience à ce qui se fait dès aujourd’hui. Mais nous devons aussi renoncer à tout ce qui a un impact significatif. Nous devons opter pour la solution la plus optimale à chaque fois. Ce n’est plus une question de choix dans une société d’abondance marchande, c’est une question éthique vitale.
Car ce qui se présente à nous sera nécessairement une décroissance. La seule question est: sera-t-elle subie ou choisie? Sera-t-elle l’expression d’une volonté commune ou le sacrifice de certains pour le bon plaisir, un instant encore, de quelques uns, ignorants, menteurs ou manipulateurs? Mais une chose est sûre. Les 1,5°C sont une illusion. A 2°C, les boucles de rétroactions positives se mettent en route et accentuent les dégâts que nous avons commis. Mais à 4°C, il n’y a plus de vie possible pour nous toutes et tous. Or, à l’heure actuelle, nous allons vers les 4°C. Et sans doute bien avant 2100. Nous sommes définitivement en guerre, alors luttons.
H
BET Structure et Thermique - DIAGNOSTIC STRUCTURE AUDIT ENERGETIQUE - Spécialisé Bâti ANCIEN
5 ansLa décroissance doit commencer par chacun pour que les hommes que l'on installe au pouvoir fasse ce que l'on dit de faire, et non qu'ils fassent ce que des financiers leurs dictent. Bravo pour ce texte dont la conclusion est la plus intéressante. Les soit-disantes économies d'énergie que les RT nous imposent sont dérisoires, voire ridicules quand on sait qu'elles continuent à nous faire consommer mais que l'on peut ne pas consommer tout simplement. Je dis tout simplement car il y a des solutions partout pour décroître :il faut juste les chercher car enfouies et les appliquer. Du PASSIV'HAUSS à la phytoepuration en passant par d'autres solutions simples et naturelles. Ha, le pétrole et ses dérivés chimique, belle invention de l'homme qui nous détruit notre civilisation.
Très beau texte, bravo ! Complètement en phase et en train de m'adapter à ma façon : je viens de quitter PSA pour changer de mode de vie et contribuer à l'évolution collective.
En route vers la transformation
5 ansC'est la guerre et il nous faut une économie de guerre avec son lot de restrictions, de rationnement. En 1940 au Royaume-Uni, des millions de personnes ont quitté leur travail pour rejoindre les usines d'armement. Donc c'est possible à condition d'ouvrir les yeux et de regarder la réalité en face.