Les légumineuses pour l’adaptation & l’atténuation du changement climatique : le cas de la région PACA comme révélateur de nos défis

Les légumineuses pour l’adaptation & l’atténuation du changement climatique : le cas de la région PACA comme révélateur de nos défis

Philippe Rossello m’a fait l’honneur de me demander la rédaction des quelques lignes de conclusion d’un travail multidisciplinaire et particulièrement intéressant qu’il a coordonné pour le Groupe régional d' experts sur le climat en région Provence-Alpes-Côte d’Azur (http://www.grec-sud.fr/le-grec-sud/), intitulé « Face au changement climatique, quels systèmes alimentaires et agricoles privilégier en région Provence-Alpes-Côte d’Azur ? » (http://www.grec-sud.fr/wp-content/uploads/2022/11/Cahier_thematique_alimentation_changement_climatique_GREC_SUD_novembre_2022.pdf)

Cela fut l’occasion d’illustrer à quel point les #légumineuses à graines, et notamment des espèces de légumes secs emblématiques du régime méditerranéen (pois-chiche, lentille), sont au cœur des enjeux actuels climatiques et géopolitiques, et servent de révélateur des paradoxes et défis auxquels les #transitions agroécologiques et alimentaires doivent répondre. En effet, ces « petites » espèces et petites graines, à elles seules, concentrent bien des enjeux et paradoxes, que nous essayons à Terres Inovia de dépasser :

-       L’échelle pertinente du #local vs. #global s’agissant de graines qui font l’objet d’un commerce mondialisé, pouvant empêcher les conditions économiques favorables à l’ancrage de ces cultures, sans lesquelles il ne peut y avoir de transition #agroécologique, dans nos assolements

-       Le rôle primordial de ces espèces dans la réduction certaine des émissions de gaz à effet de serre et de notre dépendance aux #gaz fossile étranger, grâce à la réduction d’utilisation des #engrais de synthèse, qui se heurte à leur extrême vulnérabilité face à ce même #changement #climatique

-       L’impérieuse nécessité de disposer de moyens de production pour faire face à ces vulnérabilités : que ce soit l’amélioration #génétique, la #protection des #cultures, et l’ #eau. La polarisation excessive des débats, qui laisse croire que la transition agroécologique se fera sans ces moyens, est le symptôme de notre niveau d’(im)maturité sur le sujet. L’actualité brulante sur la gestion de l’eau autour des #réserves de substitution, quand elle est mise au regard des grands investissements de gestion de l’eau d’il y a 60 ans en #Provence, montre clairement que le débat n’est pas à la hauteur des enjeux du changement climatique, et que le #Varenne de l’Eau et du Changement Climatique est loin d’avoir porté ses fruits.

Voici ci-dessous ma contribution à cet ouvrage, que je vous encourage par ailleurs à découvrir dans son intégralité :


La région Provence-Alpes-Côte d’Azur, compte tenu de sa situation géographique contrastée, permet d’aborder de manière concrète de nombreux enjeux liés aux transitions alimentaires et agricoles, dont la portée résonne au-delà des limites régionales. Le régime méditerranéen, au cœur des réflexions de cet ouvrage, est porteur de solutions en faveur de la santé humaine et de celle des agroécosystèmes, mais ses productions associées peuvent s’avérer vulnérables face au changement climatique. Leur fragilité est aussi manifeste vis-à-vis des pays lointains pouvant présenter des avantages comparatifs. Dans une région caractérisée à la fois par des potentialités agricoles limitées et une forte densité de marchés urbains de proximité, le renforcement du lien entre production et consommation locale est source d’espoirs, mais connaît encore des faiblesses pour constituer un modèle permettant de diffuser au plus grand nombre de nos concitoyens les bienfaits du régime méditerranéen. Des paradoxes sont encore en suspens : par exemple, le régime méditerranéen intègre, comme bon nombre de régimes traditionnels, un mélange de deux types de graines aux complémentarités essentielles sur le plan alimentaire et agronomique : céréales (ou pseudo-céréales) et légumineuses (famille des luzernes, haricots, pois, etc.). Outre leur complémentarité nutritionnelle, ces deux espèces ont des complémentarités sur le plan agronomique. Les légumineuses permettent en effet d’apporter dans les systèmes de culture de l’azote, réduisant significativement les besoins en engrais minéraux qui sont produits, pour une majorité d’entre eux, à partir de gaz, matière première au cœur des tensions climatiques et géopolitiques actuelles. Cet apport clé explique que, dans la plupart des systèmes de culture équilibrés, les légumineuses occupent 10 à 15 % des surfaces cultivées. En Europe et en France, cette proportion est nettement moins élevée. En Provence-Alpes-Côte d’Azur, comme dans toutes les régions françaises, des efforts visent à réintégrer ces espèces dans les systèmes de production. C’est par exemple le cas des légumes secs, pois-chiche et lentille. Malgré une dynamique positive, ayant conduit à une extension significative des surfaces dédiées à ces espèces, ces dernières années ont montré la vulnérabilité de ces productions, comme en 2021, où la production a été divisée par 2, voire plus, à cause d’une conjonction d’aléas climatiques. Pourtant, la France n’est autosuffisante que pour la moitié de sa consommation de ces espèces. Ce paradoxe s’explique par des logiques d’import, aujourd’hui mondialisées, régies par des stratégies offensives des pays en développement (faible coût de production) ou des pays développés (grandes exploitations, capacité technique, organisationnelle et technologique, utilisation de pesticides et engrais de synthèse…).

  Les légumineuses, composante clé d’une transition agroécologique et alimentaire, font donc face à une double vulnérabilité, agroclimatique et économique, du fait de distorsions de concurrence. Elles ne sont pas les seules : nombre de cultures maraîchères et fruitières, également emblématiques de la région, sont aussi soumises à ces vents contraires. L’un des enjeux des politiques publiques est de fournir un espace suffisamment sûr pour tous les opérateurs de ces cultures, permettant de soutenir durablement les investissements favorisant leur production (et la nécessaire recherche semencière et agronomique), leur transformation, leur commercialisation et leur consommation. Les initiatives de relocalisation et de reconnexion des marchés urbains de proximité avec les productions locales constituent des initiatives positives à renforcer. Ces modèles doivent toutefois relever au moins trois défis pour accroître encore leur impact sur notre alimentation et notre agriculture :

 premièrement, ils doivent réussir une montée d’échelle, capable de générer des volumes suffisants pour faciliter un accès au plus grand nombre. Pour cela, l’échelle géographique de la production locale doit parfois passer de quelques kilomètres à quelques centaines : comment assurer cela sans distendre le lien territorial entre producteur et consommateur, et sans tomber dans les travers des distorsions de concurrence ?

 deuxièmement, en lien avec le premier point, ces modèles doivent mieux intégrer les denrées de base. En effet, l’immense majorité des initiatives de territorialisation de l’alimentation concernent des productions maraîchères, fruitières et aussi animales, plus faciles à identifier et relier à un terroir, voire à une exploitation agricole individuelle. A contrario, rien de ressemble plus à une semoule de blé dur ou un sachet de pois-chiche du plateau de Valensole qu’aux mêmes produits venus du Manitoba ;

 enfin, ces approches doivent permettre de retrouver un dialogue apaisé et une compréhension collective des nécessaires moyens de production agricole, utiles à la mise en place et au maintien d’une agriculture diversifiée, fournisseuse d’aliments et de services écosystémiques garants d’Une seule santé (One Health en anglais). Le cas de la gestion de la ressource en eau en Provence-Alpes-Côte d’Azur est à ce titre symbolique, et devrait éclairer les débats tendus actuels sur ce sujet. Les grands ouvrages et investissements autour de la Durance sont en effet un bel exemple de la manière dont l’accès à l’eau rend possible l’existence d’une diversité de productions autrement inaccessibles dans un environnement pédoclimatique difficile. Ces investissements collectifs, conçus il y a maintenant des décennies, offrent un large éventail de possibilités d’adaptation au changement climatique que nous connaissons. Retrouver un dialogue serein sur ces questions sera à la fois une condition nécessaire à l’essaimage des pistes présentées dans cet ouvrage, et le signe visible du fait qu’elles ont réussi.

Alain Barbier

Dirigeant retraité/Referent Entreprise EGEE/Shifter .Centres d'intérets:- Agriculture (ecologiquement intensive,conservation des sols, répartition valeur ajoutée ) -sobriété énergétique (solaire +mobilité electrique).

2 ans

Les semenciers doivent en urgence mettre leur connaissance (recherche moleculaire ....) pour travailler l'amélioration génétique un peu oubliée dans leur stratégie...

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