Les machines ORC, une technologie clé pour l’efficacité énergétique industrielle

Les machines ORC, une technologie clé pour l’efficacité énergétique industrielle

La technologie ORC, déjà très répandue en géothermie profonde, entame maintenant une percée dans le domaine de l’efficacité énergétique. Les raisons sont multiples :

Les ORC (Organic Rankine Cycle) ou Machines à Cycles Organiques de Rankine, une histoire moderne

Le Cycle de Rankine est un cycle thermodynamique fermé avec condenseur mettant en œuvre des turbines ou des expandeurs à vapeur (d’eau ou de fluide organique). Son nom vient du scientifique Ecossais William John Macquorn Rankine décédé en 1872. Si la thermodynamique a été théorisée par le Français Sadi Carnot dès 1824 et les premiers ORC à l’éther, ont vu le jour vers 1840 en France pour de l’efficacité énergétique en propulsion navale, la technologie des ORC n’est pas en cela plus ancienne que l’énergie photovoltaïque découverte par Becquerel en 1839 ou la Pile à Combustible découverte par Schönbein la même année.

Dans l’énergie, l’essentiel des technologies de demain datent du XVIIIème et XIXème siècle, les ORC obéissent à cette règle.

Les ORC (Organic Rankine Cycle) sont l’avenir des SRC (Steam Rankine Cycle)

Les cycles de Rankine à vapeur ont eu un grand succès dans la production d’électricité centralisée dans les centrales au charbon ou les centrales nucléaires et sont une des principales raisons d’être de la thermodynamique industrielle. Les SRC participaient ainsi en 2018 à plus de 70% de la production d’électricité mondiale. Du côté de l’efficacité énergétique industrielle, les verreries et les cimenteries ont été souvent équipées de turbines à vapeur. En Chine, les cimenteries ont l’obligation de valoriser leur chaleur perdue en chaleur ou en électricité, ce qui a conduit le pays à installer en 20 ans, 740 MW de turbines à vapeur sur plus d’une centaine de sites.

Les ORC transforment, sur le même principe, la chaleur perdue d’une usine en électricité qui est consommée dans l’usine, réduisant ainsi la quantité d’électricité achetée au réseau. Les ORC sont plus performants que les SRC à charge partielle et pour des puissances jusqu’à 5 MW et plus, moins chers au MW installé, facile à exploiter à distance et irremplaçables si une surchauffe permanente de la vapeur est impossible. En raison des propriétés de l’eau, moins favorable que celles des fluides organiques considérés (qui sont qualifiés de séchant), une turbine à vapeur récupérant de la chaleur perdue dont la température est variable a une durée de vie courte du fait de l’eau contenue dans la vapeur dé-surchauffée.

Avec l’amélioration des procédés industriels, les usines sont devenues économes en énergie avec des fumées de moins en moins chaudes et souvent à débit variable rendant impossible l’installation de turbines à vapeur. C’est une des raisons du succès croissant des ORC.

Lorsqu’on peut recycler la chaleur perdue d’une usine dans l’usine elle-même c’est souvent déjà fait

L’industrie a toujours cherché à valoriser la chaleur en excès dans les procédés industriels. Par exemple dans les sucreries pour évaporer l’eau ou dans les verreries pour préchauffer l’air de combustion ou les matières entrantes. Lorsque cette chaleur ne peut plus être utilisée dans l’usine, on peut encore la récupérer et l’exporter sur un réseau de chaleur ou la transformer par exemple en froid avec une machine à absorption, en électricité ou en travail (air comprimé par exemple) avec un ORC.

Valoriser la chaleur perdue dans les usines en chaleur réutilisée dans ces usines si c’est faisable est souvent déjà  fait. L’exporter est toujours complexe. Il faut maintenant développer d’autres valorisations comme la valorisation en électricité.

Accélérer le développement des réseaux de chaleur et non pas le freiner

Une des grandes objections au développement des ORC est l’idée que ceux-ci détournent une ressource de chaleur qui serait mieux utilisée si elle était apportée à un réseau de chaleur ou à une usine voisine. Ainsi l’Europe n’attribue pas de quotas carbones gratuits aux opérations de valorisation de chaleur fatale en électricité mais en accorde aux opérations de récupération de chaleur fatale pour alimenter des réseaux locaux. En réalité, l’opportunité de raccorder un réseau de chaleur à une usine energo-intensive est faible du fait de la localisation de ces usines hors des grandes agglomérations et à la difficulté à contractualiser avec des opérateurs publics du réseau qui ont besoin de pérennité. De fait, l’ADEME identifie un potentiel disponible dans les usines en France, de 13,4 TWh à plus de 90°C à proximité d’un réseau de chaleur https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/chaleur_fatale-8821-2018-06_pdf.pdf

Cela représente seulement 25% de la chaleur fatale disponible, 75% restant sont impossibles à valoriser autrement qu’en produisant avec cette chaleur une ressource consommable dans l’usine (travail, électricité, froid, air comprimé etc..) ou facilement transportable sur de longues distances (électricité). A contrario, une installation ORC peut fonctionner en cogénération en produisant suivant les besoins l’électricité ou la chaleur dont l’usine ou le réseau a besoin.

Les parties prenantes de la transition énergétique autrefois peu favorables aux ORC ont compris aujourd’hui l’intérêt même de ces ORC pour préparer le raccordement aux réseaux de chaleur de demain, améliorer le modèle économique d’une captation d’énergie ou si aucune exportation de la chaleur n’est possible, la transformer en électricité.

Coût de production de l’électricité, effet d’échelle et urgence à lutter contre la désindustrialisation

Dans la production d’électricité, taille, facteur de charge et efficacité sont les trois facteurs clés pour la compétitivité d’une solution. Les ORC vérifient cette règle. Plus les projets sont de grande taille et les fumées sont à haute température et disponibles en continue, plus l’installation d’un ORC dans une usine est rentable. Les usines à cibler sont énergo-intensives et donc généralement soumises au mécanisme EU-ETS des quotas carbones (anciennement PNAQ) tout en payant un prix de l’électricité relativement faible comme expliqué ci-après. Ce prix va augmenter significativement dans les prochaines années, ne serait-ce qu’en raison de la taxe carbone et du fait de l’augmentation du prix du nucléaire historique (ARENH) qui pourrait ainsi augmenter cette année de 20%.

Il est urgent d’équiper les usines énergo-intensives en ORC pour réduire leurs dépenses électriques avant que l’augmentation du prix de l’électricité du réseau ne les mettent en difficulté. 

L’Efficacité énergétique reconnue comme un levier fort pour gagner la transition énergétique

Dans le passé, l’électricité était produite par quelques acteurs nationaux/régionaux régulés souvent constructeurs de leur propre centrale et dont l’objectif était de satisfaire, de manière centralisée, à la croissance de la demande et à la stabilité du réseau. Ce modèle productiviste, vertueux quand il s’agissait d’accompagner la croissance de la consommation sans se soucier de surconsommation, a fait place à une production plus efficiente et décentralisée, à l’impact CO2 réduit. Elle se combine maintenant avec des obligations données aux fournisseurs d’énergie d’aider à l’efficacité énergétique au lieu d’augmenter continuellement la capacité de production. Ce nouveau paradigme a débuté sérieusement en 2005 en France avec la création des Certificats d’Economie d’Energie (CEE) initiés par une Directive Européenne.

Les ORC bénéficient réellement des CEE depuis 2019 grâce à la loi PACTE qui donne aux usines inscrites au mécanisme EU-ETS (ex PNAQ carbone) et donc aux clients cibles pour les ORC, le droit aux CEE. L’accès au CEE est un changement de paradigme dont les ORC vont bénéficier à plein.

Coût de production de l’électricité et prix de réseau

En simplifiant ; le prix de l’électricité sur le réseau Français est le résultat d’un prix du marché de l’électricité de gros auquel on rajoute les coûts de transport et la Contribution aux renouvelables et aux ZNI (CSPE). En France les coûts de transport pour les industriels aussi appelé TURPE sont d’environ 15 €/MWh pour une usine raccordée au réseau Enedis. Le prix du marché de gros est d’environ 45 €/MWh et la CSPE 22,5€/MWh en 2021.  

Un industriel energo-intensif ne paye en général que le prix de gros de l’électricité soit autour de 45 €/MWh. C’est à ce prix que se compare en général l’ORC. A l’autre extrémité du même réseau, une centrale neuve comme Flamanville produira de l’électricité à environ 100 €/MWh en base et des panneaux solaires sur les toits d’une usine dans les Hauts-de-France à environ 85 €/MWh pour de l’électricité intermittente. Comparé au coût de production combiné de la centrale de Flamanville et du TURPE, soit environ 115 €/MWh pour de l’électricité en base,  l’ORC est très compétitif. Pourtant, si les nouvelles centrales nucléaires ou solaires bénéficient de tarifs élevés et de garantie d’origine et de rachat, les ORC sont eux en compétition avec le prix du marché et sans tarif de rachat garanti, faute de garanti de pérennité de l’usine cliente. Cette situation a conduit l’Europe et la France a aider l’efficacité énergétique dans l’industrie grâce aux CEE

En réduisant le CAPEX des projets de 30 à 40%, les CEE ouvrent un vaste marché pour les ORC en leur permettant de compenser partiellement les inégalités du système. Promus par une Directive Européenne, des mécanismes similaires devraient se développer dans toute l’Europe.

Produire en dessous du coût marginal de production de l’électricité

En efficacité énergétique, la notion de coût marginal de production est un paramètre économique important pour évaluer la rentabilité d’un investissement. Dans le cas de l’électricité, ce coût marginal est le coût de production d’un MWh à économiser, une fois l’outil de production installé et ses coûts fixes d’opération payés. Dans notre cas, pour une centrale à moteur diesel comme on peut trouvez dans les Zone Non Interconnectés ou ZNI (l’Outre-Mer et la Corse dans le cas de la France), le coût marginal de production d’un MWh est proche du coût du combustible consommé pour le produire.

Chaque MWh économisé grâce à un ORC récupérant la chaleur sur l’échappement du moteur n’est pas valorisé au prix du MWh produit par la centrale (de l’ordre de 250 €/MWh) mais au coût marginal de production de ce MWh soit le prix des 200 litres de fuel qui n’ont pas été consommés pour le produire. Si ce fuel est du fuel lourd à 300 €/m3, ce MWh est valorisé 60 €/MWh. Si ce fuel est du fuel léger à 600 €/m3 c’est 120 €/MWh d’économisé et si c’est du biodiesel à 900 €/m3, le MWh économisé se valorise à 180 €/MWh.

Les centrales à moteur dans les îles doivent maintenant se convertir au fuel léger ou même au biodiesel. Dans le passé à 60 € par MWh, le retour sur investissement d’une installation ORC est long et l’investissement non rentable du fait des surcoûts des travaux liés à l’insularité. A 180 €/MWh économisé, le retour sur investissement descend au-dessous de 3 ans, ouvrant ainsi la voie à un vaste marché pour les ORC.

De la même manière, une centrale captive au charbon alimentant une usine mal raccordée au réseau dans un pays en développement valorise l’électricité économisée dans l’usine aux tonnes de charbon économisées dans la centrale captive (environ 20 €/MWh). Avec la taxe carbone, chaque MWh produit avec du charbon correspond à une 1 Tonne de CO2 émise. A environ 22 € de taxe par tonne de CO2  émis actuellement, chaque MWh non produit par cette centrale captive au charbon a une valeur marginale de 42 € ( 20 € de charbon + 22€ de taxe CO2). Quand la taxe sera à 50 €/tCO2, les ORC auront un vaste marché dans les pays en développement.

La substitution de combustibles bon marché en combustible plus vertueux mais plus couteux et/ou la taxation de l’impact de leur combustion conduit au déploiement massif des ORC.

Réindustrialiser

Les industriels qui investissent dans un ORC appliquent des règles classiques pour un investissement industriel en demandant un retour sur investissement de moins de 3 ans. Ces exigences de retour sur investissement sont bien plus contraignantes que celles imposées aux investissements dans le nucléaire ou dans les énergies renouvelables qui bénéficient de fait d’une rente. Elles sont liées à l’absence de tarif de rachat garanti du fait du risque industriel de fermeture des usines.

Le Plan pluriannuel de Relance verte rétablit l’équilibre entre risque et profit au bénéfice de technologies comme celle des ORC.

Proposer l’efficacité énergétique comme un service et non pas comme un produit

Les ORC sont des machines complexes dont la spécification, l’achat et l’exploitation, que ce soit par un industriel car c’est hors de son cœur de métier ou par des sociétés de services non spécialisées, se heurtent à des réticences naturelles. Ces difficultés combinées à un objectif de retour sur investissement inférieur à trois ans limitent le développement de la technologie aussi longtemps qu’elle n’est pas proposée comme un service.

Ce modèle d’affaires, aussi appelé ESCO pour Energy Service Company, permet d’accompagner les études de faisabilité et d’implantation, de financer des parcs de machines sur 7 ou 8 ans, d’en gérer efficacement l’exploitation et la maintenance et même de permettre le réemploi quand un site industriel est sujet à des fermetures partielles prématurées. Pour être durable, ce modèle impose au fournisseur de technologie d’intégrer cette activité d’ESCO. Ainsi Ormat, le fabricant historique d’ORC s’est fortement développé sur ce modèle adapté à la production d’énergie géothermique. Mais c’est un modèle difficile à mettre en œuvre pour les grands groupes industriels fournisseur de technologie dans la transition énergétique qui s’interdisent de faire le métier de leurs clients.

L’arrivée de nouveaux acteurs indépendants comme Energie Circulaire, la filiale de service d’Enertime, permet au modèle de l’efficacité énergétique comme un service de se déployer avec succès. Ce modèle devrait décupler le nombre d’installation nouvelles en Europe.

Limiter la fragilité et réduire le coût du réseau

France Stratégie a récemment publié un rapport qui met en avant les risques en matière de sécurité d’approvisionnement électrique du réseau Français et Européens du fait de la réduction de la capacité en centrales électriques pilotables et l’augmentation de la capacité de production renouvelable intermittente. Une réflexion qui pourrait conduire à fortement accélérer les investissements en matière d’efficacité énergétique électrique et en particulier l’installation d’ORC qui réduisent le besoin en centrales pilotables. Localement, les ORC soulagent les réseaux électriques et améliorent la qualité de l’électricité à l’opposé de la charge et de la fluctuation imposée par l’intermittence des renouvelables.

Les ORC améliorent la sécurité des réseaux électriques de plus en plus fragilisé par le développement de la production intermittente.

 

Economiser l'électricité c'est économiser le vecteur énergétique clé de la transition énergétique

Tout le monde s’accorde à donner à l’électricité un rôle fondamental dans la lutte pour un monde moins carboné. L’électricité est un vecteur énergétique facile à produire et à transporter et donc plus à même de devenir universel, compétitif et faiblement carboné. L’électricité est en quelque sorte le pétrole de demain.

La transition énergétique passe en priorité par la production d’une électricité décarbonée et sa conservation. Les ORC sont une réponse aussi bien au besoin de technologie en production d’électricité renouvelable non-intermittente (géothermie) que pour la préservation de cette même électricité.

 

Construire une industrie française de l’efficacité énergétique

Lorsqu’à l’échelle d’un pays on doit choisir les technologies bas-carbone qui sont déployés ont doit s’interroger sur l’impact que ces choix auront sur l’emploi lié à cette industrie dans le pays. En France c’est un des rôles du Comité Stratégique de Filière des « Industries des nouveaux systèmes énergétiques » de donner à l’industrie Française les conditions du décollage en France des entreprises qui portent les technologies de l’énergie de demain. L’objectif étant de créer ou conforter des champions grâce à un marché pionnier en France. La valorisation de la chaleur fatale est un de ces domaines retenu par le CSF ou l’industrie Française a un rôle à jouer à l’échelle mondiale.

Les ORC sont une des technologies de la transition énergétique ou l’industrie Française a une carte à jouer. Le premier contrat de la filière "industries des nouveaux systèmes énergétique a été signé en mai 2019 et donne à la filière efficacité énergétique et aux ORC la capacité de se déployer. Ce déploiement est accéléré par le Plan de Relance Verte.

Serge C.

Consultant in Wood Processing

2 mois

Bonjour M. David, je me cherche des contacts et des informations pour valider une installation et sa compatibilité pour recevoir une unité de ce type pour produire de l'électricité à partir d'énergie résiduelle. La chaudière à biomasse produit actuellement 380 BHP ( 283kw) pour alimenter 3 séchoirs à bois qui consomme en moyenne 325 BHP (240 KW). Il y a deux sources d'énergie résiduelle soit les gaz de la cheminée ( ?? energie) et les sorties des évents au dessus des séchoirs qui rejettent de la chaleur pour éliminer l'humidité du bois accumulé dans l,air des séchoirs (selon l'estimé qu'on m'a donné on pourrait recycler une partie de cette énergie (environ 60 kw) en sus des gaz de la cheminée) Est-ce une bonne ou mauvaise idée. Et avez vous un peu d'information sur comment je pourrais convertir cette énergie en électricité avec cette technologie. Merci

Tracy Brenda Manomba Bounamikoumou

Chargée d'études en électricité CFO/CFA

1 ans

Bonjour Monsieur Gilles David, la question sur les ORC m'intéresse. Je travaille sur un sujet concernant une usine de fabrication de bois. Celle-ci, bien que raccordée au réseau, veut produire elle-même son électricité. Pour cela, on va rajouter au réseau une chaudière, un ORC et des champs de panneaux solaires . Peut-on observer des problèmes de régulation de tension dans le cas où je rajouterai au réseau un ORC avec une chaudière et des panneaux solaires ?

Antoine Nguyen

Designer d'experience apprenante Augmenté au service de la transformation IA 🤖 @ BNP Paribas #BivwAk! # 🌍

1 ans

Merci Gilles David pour cette article je découvre l'ORC et ça aide vraiment. A l'heure où on parle de ChatGPT et de sa soif en eau. l'ORC aurait-il des arguments pour produire de l'électricité, de l'air froid et réduire la consommation en eau dans les data center?

Marco Masini

President at ASERCOM ISBL

3 ans

Ogni cascame energetico è una miniera energetica da valorizzare con le tecnologie appropriate. HP e ORC sono tra le più interessanti.

罗荣

朗天热能 - 创始人

3 ans

ORC是能源转型有效的技术,其制造成本降低,将为应对气候变化发挥巨大的作用。感谢吉尔斯为推广ORC应用付出的努力!

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