Les normes d’étiquetage et d’emballage sont-elles avantageuses pour les producteurs industriels et pour les consommateurs?

Les normes d’étiquetage et d’emballage sont-elles avantageuses pour les producteurs industriels et pour les consommateurs?

Auteurs: Lucie Chouinard, MBA, directrice principale, Services-conseils chez MNP, avec la collaboration de François Deslandres, analyste, Services-conseils chez MNP

Article publié dans le revue l'Actualité ALIMENTAIRE (décembre 2015)

Les entreprises agroalimentaires sont assujetties à un énorme fardeau administratif et technique. En effet, elles doivent se conformer à des normes de salubrité élevées, à une réglementation complexe en matière d’exportation, laquelle varie d’un pays à l’autre, à des normes d’étiquetage pointues, complexes et indigestes, à de lourdes obligations administratives et financières en matière d’environnement et de santé et sécurité au travail, sans compter l’ensemble des obligations gouvernementales courantes auxquelles elles doivent se soumettre. Bien que la réglementation normative contribue à renforcer l’excellente réputation des produits canadiens sur le marché mondial, elle mine toutefois la capacité des entreprises à innover et à améliorer leur productivité, car elle désavantage leurs produits par rapport à certains produits importés qui ne sont pas tenus de respecter des normes aussi strictes que les nôtres.

Au cours des années 2013 et 2014, l’Agence canadienne d’inspection des aliments a mené plusieurs activités de consultation auprès des différents acteurs de l’industrie et du public. Le but était de relever les enjeux clés liés à la modernisation des lois et règlements qui avaient été élaborées pour la première fois en 1974, puis modifiées en 2003. Ces textes de loi sont aujourd’hui désuets et manquent surtout de clarté tant pour les producteurs industriels que pour le public, notamment en ce qui concerne la terminologie, les allégations, les noms de certains ingrédients ou la datation. Or, les intérêts des producteurs industriels, les besoins des consommateurs et la connaissance générale en matière d’alimentation ont bien évolué depuis ce temps, sans toutefois coïncider véritablement.

Comment concilier les intérêts de chacune des parties?

On le sait, l’objectif des transformateurs est de vendre un maximum de produits. Pour y arriver, ceux-ci doivent être accessibles à juste prix et répondre au goût des clients et à leurs exigences en matière de santé. Les autorités gouvernementales ont pour leur part la responsabilité de promouvoir des aliments sains et salubres, de prévenir les risques en matière de salubrité et de protéger la population contre les aliments impropres. Les consommateurs, quant à eux, veulent se nourrir à des prix acceptables, avoir du plaisir et, de plus en plus, s’assurer de le faire en préservant leur santé. Ceci dit, les critères des uns diffèrent de ceux des autres en cette matière, et les multiples allégations de bienfaits sur la santé que l’on retrouve désormais sur les emballages ont contribué au cours des dernières années à créer un chaos presque total où la désinformation règne.

Les informations recherchées

En fait, les emballages et les étiquettes devraient avoir comme but premier d’éliminer toute confusion et de donner aux consommateurs toutes les informations dont ils ont besoin les consommateurs pour faire des choix éclairés selon leurs besoins et leurs valeurs. Les consommateurs avisés veulent connaître la provenance des produits et la véritable nature de chaque ingrédient, par exemple, l’expression en pourcentage de la valeur quotidienne recommandée pour tous les types de sucre et de sel présents dans le produit  ainsi que sa teneur en chlore ou en oligo-éléments, ou encore une évaluation de la qualité des aliments dans leur ensemble.

L’épicerie du futur présentée dans le cadre de l’Exposition universelle de Milan de 2015 se distinguait moins par la présentation des produits que par la quantité d’informations disponibles, lesquelles étaient affichées sur des tableaux électroniques interactifs. Il suffisait de toucher l’écran pour obtenir plusieurs tableaux sur la provenance du produit, voir une présentation des producteurs, parfois avec photo, et en savoir plus sur le mode de production, l’empreinte carbone, l’utilisation ou non de pesticides, la présence d’OGM ou non, la liste des ingrédients accompagnée d’explications sur leur valeur nutritionnelle, la durée de vie, etc.

En Europe, en Australie et aux États-Unis (avec Whole Foods), on perçoit une nette tendance vers une plus grande transparence et des informations plus complètes. En Europe, la présence d’OGM doit être obligatoirement signalée. Au Royaume-Uni, il existe un système de feu tricolore apposé sur le devant des emballages qui indique dans quelle mesure un produit peut contribuer à une alimentation équilibrée en fonction de sa teneur en calories, gras saturés, sel et sucres totaux. Les supermarchés Whole Foods ont également instauré un système tricolore soulignant les degrés de responsabilité environnementale des méthodes de production utilisées pour les produits en fonction de divers critères (p. ex., absence de biosolides, pêches responsables, etc.).

Ces mesures témoignent d’une approche plus globale de l’alimentation et de la chaîne de production. La tendance se confirme, les consommateurs veulent de plus en plus savoir ce qu’ils achètent et ce qu’ils mangent. Est-ce un fardeau de plus pour les producteurs industriels? Oui, mais en revanche, ce pourrait être un avantage concurrentiel pour les transformateurs qui sont à l’avant-garde. Et pour amorcer le virage, les autorités sont appelées à mettre la main à la pate.

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