Les passerelles de paix intérieure

Les passerelles de paix intérieure

Quand je décrivais ici les différentes facettes de notre personnalité, c’était surtout pour nous inviter à nous poser cette question : qui parle en nous ? Voix de la Raison ou voix du Coeur ? Et qui voit en nous ? Regard réaliste ou regard novateur ? 

Ces questions sont importantes car elles peuvent commencer à apaiser les guerres à l’intérieur de nous comme à l’extérieur de nous. Vous savez, ces sont ces guerres entre notre petite voix qui nous dit d’aller vers l’inconnu et la voix du conformisme qui nous dit de ne pas changer.

C’est aussi celle entre la voix de notre désir qui nous pousse à faire ce que l’on aime et la voix de la raison qui trouve tous les arguments pour remettre à plus tard nos envies.

La bonne nouvelle est que si une voix ne peut pas contenir son opposé, elle offre toujours une porte d’entrée chez son ennemi juré.

Un regard lucide sur la réalité matérielle (réalisme) peut ouvrir de façon tout à fait inattendue sur une réalité beaucoup plus novatrice, poétique et intuitive de la vie. Les exemples d’accès à l’infini par la perception du fini sont nombreux.

Les astronautes qui effectuent des vols spatiaux sont par exemple sensibilisés à l’overview effect. Il a été observé chez eux que la simple perception de la Terre flottant dans le vide pouvait provoquer une transformation psychique profonde avec l’émergence d’une conscience plus large et plus intuitive, pour ne pas dire spirituelle. 

Pour eux, la Terre devient une forme vivante en elle-même. Cet overview effect a même été vécu par Al Gore lorsqu’il a vu la toute première photo de la Terre totalement éclairée par le Soleil, prise par l’équipage d’Apollo 17.

Cette simple photo a éveillé chez lui une prise de conscience écologique qui l’a amené à devenir une figure politique majeure du combat pour la préservation de la planète. La finitude de la Terre, ce petit bout de matière, lorsqu’il est regardé droit dans les yeux, ouvre un accès à l’infini.

Cette transcendance de la perception de la réalité peut aussi être vécue dans un stage de méditation pleine conscience. Un des exercices consiste par exemple à contempler pendant de longues minutes un simple grain de raisin. Lorsque vient le moment de le manger, ce petit bout de nourriture, si anodin d’habitude, se transforme en une explosion gustative.

À bien y regarder, la réalité visible et physique cache bien son jeu et ce sont peut-être les physiciens quantiques qui sont aujourd’hui les plus crédibles pour en parler. À l’école, on nous a inculqué l’idée que la matière n’est qu’un tas de billes invisibles à l’oeil nu, appelées atomes. Une image vieille de 2500 ans puisqu’elle remonte à l’un des pères fondateurs du matérialisme, Démocrite.

Or, ces dernières décennies, les physiciens quantiques ont montré que les éléments infiniment petits peuvent être à la fois particule et onde. Dit de façon caricaturale, un coup on peut attraper l’élément avec nos doigts, un autre il nous glisse entre les mains car il est devenu énergie. En la regardant de plus près, la matière n’est plus matière mais vibration

Plus vertigineux encore, l’espace vide que l’on s’imagine souvent entre les atomes, n’est en réalité pas vide, mais plein d’une énergie quasi infinie. Dans un volume de “vide” de la taille d’un morceau de sucre, il y aurait plus d’énergie que toute celle créée par notre soleil pendant 10 milliards d’années. Imaginez, dans le volume d’un sucre !

Sans rien avoir demandé, les physiciens quantiques comme les astronautes sont pris dans un trou noir qui les amène du monde physique au monde intuitif. Wolfgang Pauli, physicien quantique et prix Nobel de physique, entretiendra d’ailleurs une correspondance avec Carl Gustav Jung pour ne plus restreindre sa vision du monde à la matière visible, mais l’ouvrir sur la psychologie. 

Ce pas de côté, si l’on puit dire transcendantal et même douteux pour les scientistes, a d’ailleurs été fait par bon nombre d’autres grands savants.

Quel est donc ce mal qui touche les plus robustes scientifiques au point de les voir diverger vers des réalités spirituelles et intangibles ? C’est le même mal qui pousse les plus fous à remettre les pieds sur Terre.

Les funambules et les sportifs de l’extrême ont besoin de flirter avec l’infini du vide pour se sentir exister ici et maintenant. Les astrophysiciens qui cherchent infiniment loin, font aussi l’expérience du “nous ne sommes rien”. En 2011, une équipe de recherche obtient le prix Nobel pour avoir démontré l’accélération de l’expansion de l’univers.

Sauf que cette observation s’est accompagnée de la plus grande interrogation qui hante la cosmologie moderne depuis presque 30 ans : d’où vient l’énergie colossale écarte les galaxies ? En attendant la réponse, ils lui ont donné un petit nom : énergie sombre. 

Ces chercheurs de l’infini et de l’au-delà se sont alors rendus compte à quel point nous étions fini (dans le sens positif du terme). La matière ordinaire qui compose le téléphone que vous avez entre vos mains ne contiendrait pas plus de 5% de l’énergie de l’univers. Les 95% d’énergie restants sont littéralement inconnus et décorés depuis des décennies de maintes théories.

La quête du savoir infini nous ramène de façon toujours plus forte vers la finitude de notre ignorance. Voilà la porte cachée de l’intuition vers la réalité ou, pourrait-on dire, de la jeunesse vers la sagesse.

Quand tout semble opposer et même séparer Nouveau et Existant, les explorateurs du fini ou de l’infini, reviennent de leur voyage avec l’expérience d’un lien réel entre l’un et l’autre. Ils trouvent au bout du continent de la nouveauté, une passerelle magique vers la rareté de notre réalité. Et au bout du continent de l’existant, ils découvrent un tunnel vers l’abondance infinie de la vie.

Depuis Einstein, les scientifiques cherchent une théorie pour unifier l’infiniment petit et l’infiniment grand. Mais peut-être que la solution c’est tout simplement nous, êtres humains, avec l’expérience complète que peut vivre notre conscience.

Si j’évoque ici une expérience complète, c’est qu’il existe également une expérience incomplète et beaucoup plus douloureuse que celle vécue par Thomas Pesquet qui prend des selfies avec la Terre. C’est par exemple lorsque l’on va trop vite aux extrémités des continents psychiques et que l’on passe à côté de la passerelle magique

C’est là où, comme Icare qui vole trop près du soleil, les sportifs de l’extrême se crashent et finissent au mieux en fauteuil roulant. Mais c’est aussi les scientifiques et les personnes qui se bornent sur l’idée que seule la matière visible existe et que tout ce qu’ils ne voient pas ou ne peut pas être expliqué dans la minute qui suit, n’existe pas.

Cette posture d’esprit bloque toute possibilité de progrès de la science et d’évolution de la conscience. Le piège se referme, la vie devient stagnante, dénuée de sens et terriblement ennuyeuse. Psychiquement, c’est la voie royale vers les plus belles névroses avec ses guerres intérieures et extérieures.

Biologiquement, la neurogenèse, c’est à dire la production de nouveaux neurones, devient d’autant limitée que l’on diminue l’exposition à la nouveauté. Ceci est désormais largement montré par les neurosciences. La décadence psychique et cérébrale s’accélère alors vers les heures les plus sombres d’une vie. 

Burn-out, bore-out ou dépressions, sont les expériences douloureuses des voyageurs du confin de la matière qui n’ont pas vu le tunnel. Au lieu de percer le roc pour voir ce qu’il y avait de l’autre côté, ils sont simplement restés accrochés à leurs idées comme une moule à son rocher.

Heureusement, la vie les a harnachés à un élastique, un fil d’Ariane qui s’est tellement tendu que les malheureux voyageurs se trouvent souvent décollés violemment du rocher et projetés au milieu d’un océan qu’ils n’avaient pas vu venir.

Du fini qu’ils croyaient résumer leur vie, ils se retrouvent dans l’infini des abysses et sombrent au fond de l’océan des questions existentielles. Le thérapeute intervient alors avec son filet pour les repêcher.

C’est une manière d’explorer la vie qui ne donne pas très envie. Malheureusement, nous sommes encore sous-équipés et sous éduqués pour de ces voyages incontournables, puisqu’ils sont ceux de la vie. En effet, passer du connu à l’inconnu ou de la raison au coeur peut se faire de façon beaucoup plus paisible.

La grande question que ces expériences posent aux voyageurs est : qui tire sur l’élastique de la moule sur son rocher pour lui montrer qu’il existe une autre réalité ?

Qui tire également sur le mégalomane qui se croit plus puissant que les étoiles et le fait chuter lourdement sur Terre ?

Ceux qui se sortent de ces expériences le savent. Et leur survie, voire même la transformation incroyable de leur vie, est un indice qu’il existe un phénomène régulateur vital qui nous aide en permanence.

Les difficultés de la vie, ne semblent pas être des coups du destin et de fatalité. De même la souffrance n’est pas obligatoire. Si la crise actuelle en apporte en abondance c’est peut-être avec ces passerelles de paix intérieures que chacun peut en trouver un certain sens.

“S'il y a un sens à la vie, il faut qu'il y ait un sens à la souffrance.” - Viktor Frankl

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Anaïs D.

Chef de projets IT

4 ans

"Les difficultés de la vie, ne semblent pas être des coups du destin et de fatalité. De même la souffrance n’est pas obligatoire. Si la crise actuelle en apporte en abondance c’est peut-être avec ces passerelles de paix intérieures que chacun peut en trouver un certain sens. " J'ai appris récemment ( et notamment grâce à cette période inédite ) que l'on pouvait choisir de ne pas souffrir d'une situation. Chaque situation est neutre et c'est ce que nous en faisons qui déclenche crise ou opportunité. En tout cas merci, très bel article ! ☺️

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