Les règles de fonctionnement des marchés financiers selon Benoit Mandelbrot

Les règles de fonctionnement des marchés financiers selon Benoit Mandelbrot

Dans son excellent livre « L’approche fractale des marchés financiers », Benoit Mandelbrot (1924-2010), mathématicien franco-américain, père des fractals, nous a livré ses convictions sur les marchés financiers, convictions qu’il me semble utile de rappeler dans les temps qui courent.

Mandelbrot les a résumés en cinq règles de fonctionnement et une dizaine de « vérités » qui en découlent.

Les cinq règles du fonctionnement du marché (selon Mandelbrot) sont les suivantes :

  1. Règle 1 = Les marchés sont plus risqués qu’on le croit : Les sauts de cours extrêmes sont la norme et non pas l’exception ;
  2. Règle 2 = Les problèmes arrivent en séries : Les turbulences ont une tendance à survenir groupées et les plus grosses fortunes se font et se défont lors de crises rares mais récurrentes ;
  3. Règle 3 = Les marchés ont leur personnalité : Les cours sont déterminés autant par des effets endogènes spécifiques au fonctionnement interne du marché que par des actions exogènes. Il s’ensuit que le processus fondamental sous-jacent par lequel les cours réagissent aux nouvelles ne change pas, le mécanisme interne du marché est remarquablement durable (chaque fois qu'on vous dira que c'est différent cette fois, souvenez-vous de ce principe) ;
  4. Règle 4 = Les marchés financiers sont trompeurs : La puissance du hasard suffit à créer des structures fantômes ou des pseudos-cycles qui, aux yeux de tout le monde, apparaissent prévisibles et utilisables, alors qu’ils ne le sont pas ;
  5. Règle 5 = Le temps du marché est relatif : Les marchés opèrent sur leur temps boursier propre, réellement distinct du temps linéaire des horloges. C'est comme si le temps des marchés accélère le chronomètre pendant les périodes de haute volatilité et le ralentit pendant les périodes de stabilité.


Voici les dix vérités sur le fonctionnement des marchés financiers selon Benoit Mandelbrot :

  1. Les marchés court et moyen termes sont turbulents : les prix sont discontinus et varient de manière sauvage avec des îlots de concentrations des variations (volatilité).
  2. Les marchés sont très risqués (plus risqués que ce que les modèles mathématiques classiques prévoient). Les variations extrêmes n'obéissent pas à la loi normale (type Gauss) mais à une loi d'échelle de type Cauchy. Autrement dit, même si elles sont relativement rares, elles ne sont pas du tout rarissimes ! (voir aussi le livre "Le Cygne Noir" de Nassim Nicolas Taleb qui reprend ce concept en détail et de manière vulgarisée).
  3. Le timing des marchés a une très grande importance : la volatilité est concentrée et les gains et les pertes importants se concentrent dans de très petits intervalles de temps. (Nous sommes en train d'en vivre un en ce moment, par exemple le pértole à 22 $ le baril, cela peut certes encore baisser, mais sur la durée, la probabilité que cela soit multiplié par 2 devient très élevée ...).
  4. Les prix sautent, ils ne glissent pas (les mathématiques du « continue » ne sont donc pas adaptées à une description juste des marchés). Les écarts d'exécution peuvent faire toute la différence entre un gros gain et une grosse perte (et ne peuvent donc absolument pas être ignorées lors des backtests de systèmes de trading).
  5. Sur les marchés, le temps est « flexible ». Il ne s’écoule pas de manière « uniforme ». Les marchés déforment le temps : ils l’étirent à des endroits et le contractent à d’autres.
  6. Les marchés, partout et à toutes les époques, fonctionnent globalement de manière identique. Les processus qui engendrent le prix n’évoluent qu’en échelle, pas en nature. En langage statisticien, on parle de stationnarité (une série temporelle stationnaire conserve les mêmes propriétés fondamentales au cours du temps).
  7. Les marchés sont intrinsèquement incertains et les bulles inévitables.
  8. Les marchés sont trompeurs. Les gens cherchent et veulent voir des structures dans le monde, donc ils voient des structures même là ou il n’y en a pas (Nietzsche a déjà fait remarquer un siècle auparavant que parmi les quatre plus grandes erreurs de raisonnement figurent l'erreur de la fausse causalité et l'erreur des causes imaginaires).
  9. Difficile de prévoir les cours, mais il est possible d’estimer les probabilités de la volatilité future. En termes mathématiques, les marchés peuvent présenter de la dépendance sans corrélation. La clé de ce paradoxe réside dans la distinction entre le sens et la taille des variations des prix.
  10. La notion de « valeur » (d’une entreprise ou d’un actif) a une valeur limitée. La valeur « réelle » d’un actif financier, si elle existe, change tout le temps, tous les jours et à chaque tic de bourse. En fait, ce qui fait changer les prix sur les marchés, ce sont les arbitrages dans le temps et dans l’espace. Or les arbitrages ne présupposent aucune valeur intrinsèque de l’objet vendu, ils observent simplement et prédisent une différence de prix, avec pour objectif d’en profiter.

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