Les « Robins du droit » 2 : les masques tombent

Les « Robins du droit » 2 : les masques tombent

On me dit que le Barreau de Paris et le Conseil national des barreaux ont (et c’est confirmé) déposé plainte auprès du Procureur de Paris contre un membre éminent de la legaltech, que dis-je, de la french tech, elle-même. Le mea culpa sur le typosquatting du stagiaire éperdu, le code de bonne conduite post délictuel urgemment et opportunément publié en début d’incendie, les efforts/affaires public(que)s déployé(e)s, sur toutes les scènes de France, pour renverser la vapeur et accuser le pouvoir de la libération tardive des données judiciaires, sur l’air de « l’état de nécessité » … tout cela n’aura pas été d’une grande efficacité contre la Vérité.

Attention, non point la vérité judiciaire ; la présomption d’innocence prévaut en tout et pour tous.

Plutôt, et comme dans l’allégorie de la caverne, notre esprit doit se détourner de l'étude du réel sensible pour se tourner vers le réel seulement intelligible.

Et qu’avons-nous entendu, lu, depuis des mois : qu’il était temps de rendre au peuple l'argent des impôts prélevés pour le bon fonctionnement de la Justice, en permettant l’accès (à l’origine gratuit) pour tous à la Jurisprudence française (lire Pour en finir avec l'illusion des « Robins du Droit » de l'open-data judiciaire)… que le monde « moderne » disruptait l’ancienne édition juridique au service exclusif des professionnels du droit et des avocats ; qu’iI y aurait d’un côté les libérateurs de la donnée pour que les avocats performent et, de l’autre, les vieux rentiers de la publication et de documentation qui, à coup d’abonnement éhontés, se sucrent sur leur dos, eux qui, sondage IFOP à l’appui, peineraient à accéder à la jurisprudence française (sic).

Au risque de me répéter, le Barreau de Paris et le Conseil national des barreaux ont (bel et bien) déposé plainte auprès du Procureur de Paris contre un membre éminent de la legaltech. Du jamais vu dans l’édition juridique ! Même les promoteurs de services téléphoniques experts n’ont pas eu droit à cet honneur !

Est-ce à dire que les institutions représentatives de la profession sont, elles aussi, attachées à de quelconques privilèges ? Est-ce à dire que les institutions représentatives de la profession sont « ringardes » et ne comprennent pas et/ou ne défendent pas l’intérêt des avocats en laissant faire, laissant aller, comme le voudrait la rengaine éculée d’Adam Smith ?

Ou bien, est-ce à dire que le discours vrai platonicien pourfend le sophisme marketing pour rappeler que déontologie court consubstantiellement avec éthique ? Que l’égalité entre les avocats, c’est d’abord une question de respect envers la profession ? Et l’on passera sur le fait que 80 % des avocats accèdent déjà facilement, au moins, à la jurisprudence des cours suprêmes et des décisions d’appel ; alors si l’on pouvait faire cesser l’anaphore « avant nous le déluge »…

On me dit que les Hautes instances de la magistrature estiment qu’il n’est pas souhaitable qu’un juge soit associé à une démarche visant à mettre en valeur et à promouvoir une prestation commerciale, indépendamment même du fait que -à tort ou à raison- certaines pratiques d’une legaltech en particulier, dans la collecte des données ont suscité des polémiques (Avis n° 2019/3 du 3 juin 2019).

On me dit que, même si l’intervention d’un magistrat (indépendant) en faveur de cette société commerciale, n’est pas rémunérée, il convient qu’elle ne donne lieu à aucune forme de rétribution indirecte, ne fût-ce que sous la forme d’abonnement gratuit.

Là encore ? Les Hautes instances de la magistrature n’auraient, elles aussi, pas compris que la promotion, que dis-je le panégyrique (bien que le terme sonne thuriféraire), de la legaltech en question sauverait le genre homo juridicus ?

Ou bien, est-ce à dire que l’intelligence du discours vrai platonicien pourfend enfin le sophisme artificiel contre toute tentative de récupération et de collecte… de « l’expérience métier » des magistrats (doux euphémisme).

« Toute vérité passe par trois étapes, d'abord elle est ridiculisée, ensuite elle est violemment combattue et enfin elle est acceptée comme une évidence » nous enseigne Arthur Schopenhauer.

En attendant l’épisode 3 de notre saga sur les « Robins du droit »…

Fabien Girard

Président du Directoire LEXBASE

5 ans

Nous serons toujours du côté des avocats, vigies de la déontologie, c'est dans notre ADN depuis 20 ans ! Bâtissons une legaltech non pas contre les professionnels mais avec eux et leurs valeurs...

Sylvie STAERMAN

Responsable Développement Grand Ouest chez Editions WEKA

5 ans

Bonjour, Si je me souviens bien, et pour avoir été directrice développement pendant de nombreuses années chez des prestataires de services juridiques externalisés, le barreau avait tenté de nous anéantir également...

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