Les savoir-faire en péril
Comment conserver des savoir-faire rares ?
Devant les difficultés économiques contemporaines et la pénurie de vocations, certaines pratiques rencontrent le problème de leur transmission ; quels sont les dispositifs permettant d’éviter la perdition de ceux-ci ? Comment valoriser ces traditions pour éviter leur extinction ?
Retour sur les initiatives qui œuvrent pour le maintien de ce patrimoine immatériel.
La pratique des métiers d’art demande un apprentissage dans la durée, souvent basé sur l’accompagnement par un maître, afin d’obtenir la maîtrise d’un savoir-faire ; en témoignent les formations très longues au sein des Compagnons du devoir, ou encore le rapport 2014 de l’observatoire des métiers d’art, qui révèle que près d’un tiers des artisans d’art ont acquis leur savoir hors des circuits de formation traditionnels.
Or les artisans œuvrent en grande majorité dans la solitude : ce même rapport dévoile qu’un tiers de ceux-ci travaillent dans le cadre d’une entreprise unipersonnelle.
Comment, dans de telles conditions, assurer la transmission de leur pratique ?
Le secteur bénéficie ainsi de dispositifs d’aide à la transmission recensés par l’INMA, favorisant l’accompagnement à la formation, parmi lesquels l’appellation de « Maître d’art ». Ce dernier, porteur d’un savoir-faire d’exception, bénéficie d’une nomination officielle par le ministère de la Culture, qui l’engage à transmettre son art. Le dispositif compte à ce jour 124 professionnels, et leur garantit une allocation pour leur permettre de former une personne durant trois ans.
Il est toutefois parfois difficile pour l’Etat de financer et de maintenir la formation de pratiques très rares, d’autant que certaines disparaissent par la force des choses : l’ivoire et l’écaille de tortue, par exemple, sont interdits à l’importation en France.
D’autres savoirs-faire sont désormais très peu sollicités : le plissage, par exemple, n’est plus employé que par la haute-couture, et est représenté par de très rares ateliers, comme Lognon à Paris. Le maintien des métiers d’art liés à la haute-couture est donc en parti dû au soutien du secteur du luxe. Ainsi, la maison Dior a racheté plusieurs grands ateliers parisiens comme celui des brodeurs Vermont, garantissant ainsi leur pérennisation.
Pérenniser les savoir-faire
Le secteur des métiers d’art se trouve également en difficulté face à la concurrence de pays où la main-d’oeuvre et les coûts de production sont réduits, et aux contrefaçons. Face à ce problème grandissant, l’Etat français a réagi et depuis juin 2015, un label « Indication Géographique France », calqué sur le modèle des labels alimentaires, a vu le jour. Ce label permettra de garantir l’origine de certains biens tels que la dentelle de Calais.
Malgré tout, la mondialisation présente aussi des avantages pour l’artisanat d’art : la France reste un symbole de bon goût et d’élégance, ce qui lui offre une visibilité et donc une part d’exportation, notamment pour le secteur du luxe.
Autre reconnaissance non négligeable à l’échelle mondiale, l’UNESCO a recensé au patrimoine immatériel de l’humanité quatre savoirs-faire rares, afin d’assurer leur conservation, parmi lesquels la dentelle au point d’Alençon, et la tapisserie d’Aubusson.
Le secteur bénéficie aussi d’aides privées : on pourra citer le concours de sauvegarde VMF, dédié aux savoirs-faire liés à la restauration des lieux de patrimoine.
Une visibilité renouvelée
Pour relancer les vocations et ainsi assurer la transmission, il s’avère utile d’améliorer la visibilité de ces métiers. Ainsi, le « Rapport sur les métiers d’art, d’excellence et du luxe, et les savoir-faire traditionnels » remis par Catherine Dumas, sénatrice UMP, en 2010 met l’accent sur les initiatives de sensibilisation telles que l’association « L’outil en main ». Basée dans plusieurs régions de France, notamment en Lorraine, celle-ci propose à des enfants de 9 à 14 ans des ateliers d’initiation aux métiers manuels, espérant ainsi relancer les vocations. Elle insiste également sur le rôle du vecteur audiovisuel, qui met en valeur le patrimoine français et le fait mieux connaître.
Retrouvez cet article sur le magazine OneMuze
professeur de sculpture
8 ansToujours pertinent merci