Les sept mercenaires : derrière l’analyse sociologique, l’éloge des « somewhere »

Les sept mercenaires : derrière l’analyse sociologique, l’éloge des « somewhere »

En 1960, les Sept samouraïs de Kurozawa ont droit à un remake hollywoodien par un des maîtres du western qui s’était illustré notamment avec Règlement de compte à O.K. Corral en 1957. Reprenant la trame du chef-d’œuvre japonais, Les sept mercenaires raconte l’histoire d’un village mexicain régulièrement pillé par un groupe de pillards dirigé par Calvera – Eli Wallach -  et qui décide de se défendre en recrutant des hommes pour les protéger. Si le récit est assez simple : recrutement, attaque et contre-attaque, trahison et victoire finale du village, le réalisateur insiste en réalité sur les relations entre les individus autant que sur les groupes.

L'objectif est de protéger un village d'un groupe de pillards. Chris (Yul Brynner) est recruté par les villageois comme chef de projet car il a les qualités de courage, de vaillance et de combat qu'ils n'ont pas. À lui de constituer ensuite une équipe de protection. Et bien il ne choisit pas des alter ego  mais des personnes qui ont des qualités différentes et complémentaires aux siennes: un tireur au fusil et au couteau, un tueur à gage, un intrépide... Ce western montre également un autre aspect du processus de recrutement. L'employeur ne doit pas s'attendre à ce que celui qui va travailler pour lui ait la même raison que lui de faire la mission. Ainsi, parmi les sept mercenaires, un accepte d'être enrôlé parce qu'il pourra fuir la justice, l'autre parce que même si la paye est faible, c'est déjà une paye, un autre encore y voit l'opportunité de devenir un homme et encore un autre y voit l'occasion d'une aventure. Sept mercenaires, sept motivations différentes mais un objectif identique: protéger le village. L'exemple de ce film est une reproduction en 2 heures de ce qui correspond à la constitution d'un     groupe de travail. Dans l'entreprise, le dirigeant n'a pas la même motivation que son contremaître, sa secrétaire, son stagiaire... mais ils ont tous le même objectif: que l'entreprise réussisse pour que les motivations de chacun soient satisfaites. Si la méthode de recrutement de Cris est acceptable et compréhensible, c'est qu'elle repose sur des pratiques connues par les spectateurs. Les recrues de Cris le sont soit parce qu'ils ont un CV qui les précède, soit parce qu'ils ont fait des tests probant. Et même celui qui a échoué peut encore insister et prouver ses qualités. 

Mais le film montre aussi des groupes constitués, pouvant être traversés par des dissensions internes. Hormis le groupe des mercenaires constitué autour d’un projet ayant un début et une fin, trois groupes sont présentés dans Les sept mercenaires. Ainsi le village est à la fois uni – protéger les membres du village de Calvera, protéger les femmes des mercenaires, protéger les récoltes – mais les moyens à mettre en œuvre révèlent aussi des peurs de simples agriculteurs : se défendre en risquant sa vie est-il justifiable ? En résulte une sorte de démocratie qui détermine le choix du groupe. Avec les pillards, le groupe est dirigé de manière verticale. Ce que décide le chef, ce que veut le chef est considéré comme une volonté commune. Il n’y a aucune démocratie, aucune remise en cause de l’autorité. Calvera rappelle cependant qu’il doit son statut à sa capacité à subvenir aux besoins de ses subordonnés. Enfin, il y a la société américaine incarnée par cette petite ville qui sera le lieu de rencontre entre Chris, Vin (Steve McQueen, impérial) et les villageois. Sturges y met en scène ce qu’est devenu ce pays nouveau, avec une ségrégation des « Blancs » et des « Indiens » y compris au cimetière, même si la réaction de certains des personnages témoigne d’un rejet de cette ségrégation (une référence à celle existant encore en 1960). Sturges insiste encore sur ce pays marqué par les rapports de force, de violence participant aux relations sociales presque ordinaires. Il évoque à ce titre la ville de Tombstone où la paix a été rétablie et qui fait référence à son film Règlement de compte à O.K. Corral qui racontait comment le shérif légendaire Wyatt Earp avait rétabli l’ordre. Et dans cette séquence, Chris et Vin rompent avec la ségrégation en affrontant ceux, minoritaires, voulant les abattre pour vouloir transférer le cadavre d’un Indien dans le cimetière de la ville.

Avec Les sept mercenaires, le réalisateur propose un film viril, magnifiant la notion de prise de risque, de courage mais surtout d’ancrage. La morale du film est à ce sujet sans équivoque. Elle est d’abord assénée par Bernardo aux enfants qui traitent leurs pères de lâches parce qu’ils ont cédé à Calvera. Il les admoneste et leur rappelle le courage qu’il y a à être parent, à se faire du souci pour leurs enfants, à se lever pour travailler et pour nourrir une famille. Là est le courage. Mais c’est surtout dans la dernière séquence que le propos du film est clair. Les vainqueurs de cette histoire sont les villageois qui se sont battus en ayant quelque chose à défendre et un avenir à construire. Ceux qui gagnent de l’argent en se battant pour une cause qui n’est pas la leur sont les éternels perdants selon Chris. Ils sont toujours par monts et par vaux. C’est d’ailleurs un des moments mémorables du film, après l’exploit du transfert de l’Indien au cimetière sous les hourras des habitants. Un des admirateurs de Chris lui demande « D’où venez-vous, où allez-vous ? » et celui-ci ne dit pas un mot mais montre du doigt d’où il vient et où il ira. Les mercenaires sont les « anywhere ». Mais le film fait des « somewhere » ceux qui participent à la construction d’un pays. Un discours pas très progressiste dans le Hollywood du XXI e s !

jean-marie douau

Americana French Gateway - promoting American destinations and travel in France

3 mois

A chaque nouvelle vision, le plaisir se renouvelle dès les premières notes d' Elmer Bernstein ! Chacun des Sept connu une belle voire très belle carrière même si Brad Dexter (celui qui est persuadé qu'il y forcément de l'or en jeu, amusant quand on sait qu'il était né dans une ville, aujourd'hui fantôme, née d'une ruée vers l'or...) obtint surtout des seconds rôles. Et bien sûr Eli Wallach, grand acteur de théâtre adepte de la Méthode et membre fondateur de l'Actors' Studio qui en fait génialement des tonnes préfigurant son rôle de Tuco (Benedicto Pacifico Juan Maria Ramirez). Dire que le rôle devait être pour Anthony Quinn (qui aurait été sûrement parfait). Quantités d'anecdotes illustrent le tournage à commencer par les relations entre Brynner et McQueen ou Buchholz et McQueen (qui avait prétexté une excuse bidon pour tourner le film alors qu'il étais sous contrat pour Au Nom de la loi. Chapeau à Sturges qui a du s'arracher ses cheveux déjà rares pour sa direction et à Charles Lang Jr dont la photo magnifie les paysages mexicains autour de Cuernavaca, Tepoztlan et Durango. Il y aurait aussi à dire sur les relations entre Hollywood et les mexicains... Les 7 devinrent une sorte de franchise avec des suites très dispensables.

Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Autres pages consultées

Explorer les sujets