Les travailleurs sociaux, un collectif absent du mouvement des gilets jaunes
Si des travailleurs sociaux sont mobilisés individuellement dans le mouvement social actuel, ils ne le sont pas en tant que collectif professionnel. On peut y voir un paradoxe dans la mesure où le mouvement porte de nombreuses revendications sociales. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette situation :
1) Les travailleurs sociaux sont divisés. En effet, ils confondent diplômes, métiers et identité professionnelle. Le secteur comptant 12 diplômes (cas unique au monde), les voilà morcelés en 12 « métiers » et autant d’identités professionnelles.
2) Les travailleurs sociaux sont « assignés à faire » (cf. Stéphane Rullac) et leur production intellectuelle est quasi inexistante. De multiples raisons expliquent cette situation. Citons notamment le fait que nous avons toujours eu d’autres professionnels pour nous « expliquer » comment travailler : avant-hier les psychanalystes, hier les sociologues, aujourd’hui les financiers et les juristes. Citons également le fait que la formation en travail social s’est construite contre l’université et sa dimension « intellectuelle » de production de savoirs. Citons enfin le morcellement évoqué au point précédent.
Comment sortir de cette situation ?
Tout d’abord en prenant conscience que nous formons un corps professionnel unique, celui des travailleurs sociaux, qui compte plusieurs spécialités, comme les médecins par exemple. Ouvrons les yeux sur la façon dont le travail social est organisé dans le monde partout où il existe : trois ou quatre diplômes tout au plus, structurés en trois niveaux (Licence, Master, Doctorat) pour un métier et une identité professionnelle unique : « Social Worker ». Saisissons-nous de la réforme des diplômes pour en devenir les acteurs et non pas la subir. Mais cessons de nous arc-bouter sur la défense de 12 métiers et défendons un métier unique : celui de travailleur social. Comprenons que ce morcellement est un piège qui nous divise et nous tue.
Ensuite, exigeons la création d’un doctorat en travail social dans le cadre d'une discipline propre et ne nous contentons pas d'une simple spécialité « travail social » au sein d'une autre discipline. L'enjeu n'est pas neutre tant le doctorat atteste d’une compétence scientifique et d'une expertise professionnelle reconnue dont le docteur incarne le plus haut niveau de la « profession ». Engageons-nous résolument sur la voie de la recherche en travail social, par les travailleurs sociaux, pour le travail social et de la diffusion des savoirs nouveaux que ces recherches produiront. Comprenons qu’à côté de notre savoir-faire, nous sommes détenteurs de savoirs professionnels immenses. Valorisons-les dans des travaux de recherche spécifiques. Faisons-le dans le cadre des disciplines universitaires qui existent en France (sociologie, sciences de l’éducation) ou mieux : faire des doctorats dans la discipline « travail social » dans des pays francophones (Portugal, Belgique, Liban). L’IRTS Paris Île-de-France (Parmentier) propose cette voie aux travailleurs sociaux français. Six étudiants préparent actuellement ce doctorat dans le cadre d'une convention avec l'ISCTE-IUL de Lisbonne (Portugal) ; cinq candidats se sont manifestés pour la rentrée de septembre 2019 ; un pour la rentrée de septembre 2020. Lorsque plusieurs dizaines de travailleurs sociaux français seront titulaires d’un doctorat dans une discipline qui n’existe pas en France, ils pourront exiger sa création et celle d’un doctorat « travail social ».
Xavier FLORIAN, janvier 2019
- Sur la question de la spécificité et de l'isolement français, lire l'ouvrage de Christian Rollet, Du village gaulois au village global, Presses de Parmentier (voir ICI).
- Sur la question des enjeux relatifs à la création d'un doctorat en travail social, lire l'ouvrage collectif sous la direction d'Arnaud Frauenfelder, Stéphane Rullac et Jean-Pierre Tabin, La fabrique du doctorat en travail social. Controverses et enjeux, Presses de l'EHESP (voir ICI).
- Sur les questions relatives à la scientifisation du travail social, de la recherche en travail social et de la création d'une discipline en travail social, lire les ouvrages de Stéphane Rullac et, notamment : La scientifisation du travail social. Recherche en travail social et discipline universitaire, Les presses de l’EHESP, Politiques et interventions sociales, 2014. « Dépasser une assignation à la praticité », dans Marcel Jaeger (sous la direction de), Le travail social et la recherche. Conférence de consensus, Dunod, 2014. La science du travail social. Hypothèses et perspectives, ESF, Actions Sociales (Pratiques), 2012.
Docteur d'Etat Psychopathologie chez Epsmd Prémontré
5 ansla decentralisation a tue le travail social.la promotion des petits chefs et la depolitisation. A l education nationale, on se gausse de ces "fonctionnaires d'en bas".
Psychologue Territoriale Service Interdépartemental 92/78 des Agréments et des Adoptions
5 ansconcernant l identité unique de travailleurs sociaux , les différents pro tentent de maintenir leur métier au profit de la relation avec enfants et familles. derrière travailleur social les agents voient poindre la mission de pilotage consistant à compiler et coordonner les écrits et eval des partenaires sur 80 situations paramétrées au détriment de la relation directe avec les enfants /familles possible avec 30 situations . ceci explique cela!
Psychologue Territoriale Service Interdépartemental 92/78 des Agréments et des Adoptions
5 ansXavier, concernant le point 2/ la plupart des acteurs sociaux de terrain en protection de l enfance jusqu aux dirigeants sont des fonctionnaires assujettis à la discrétion et autres principes de la fp. Ainsi il n est pas autorisé de divulguer nos connaissances ni d intervenir en externe ni de construire des recherches actions ou autre engageant la collectivité avec écoles sociales ou autre. résultat : les équipes de terrain du service gardien ont une expertise muselée non transmissibles sauf si elles vont travailler dans l associatif ou si ils sont autorisés individuellement a faire qq vacations. fatalement ce qui est écrit en interne reste en interne sauf a écrire sous un pseudo et produire un.livre...cf décret 2017 activités accessoires.
Animatrice APP, formatrice secteur social, adhérente à la FNP
5 ansCes douze identités rencontrent bien souvent le même public, et ce qui rend rend riche cet accompagnement, c’est la posture de chacun qui prend sa source non pas dans sa formation mais dans son humanité dans son bon sens. J’entend de partout des cloisonnements interprofessionnels négligents voir malveillants. Et je peux affirmer que ce sont les « moins formés » qui se retrouvent au front sur le terrain. Un seul diplôme cesserait ce nivellement par le bas qu’impose cette nouvelle philosophie du moindre coût du niveau de l’accompagnement.
Chef de service éducatif Agep AEMO, formateur associé IRTS nouvelle aquitaine
5 ansLes 12 identités professionnelles font la richesse de notre dispositif d 'accompagnement social, alors pourquoi les réunir en une seule entité? Mais 100% d'accord que nous sommes détenteurs d'un savoir professionnel que nous devons revendiquer et défendre, par un la création d'un doctorat, pourquoi pas.