Les voyages de Sonnini
Quelques jours après le début de l’exposition « L’amour des voyages », hommage à Charles-Nicolas-Sigisbert Sonnini de Manoncourt, arrêtons-nous un instant sur ses voyages. Sans doute fasciné depuis l’enfance par les récits des voyageurs-explorateurs, il va contrer les ambitions familiales de le voir rejoindre la « noblesse de robe » (son père le rêve avocat) il rejoint la Marine pour mener ses ambitions à bien.
LA GUYANE ET L’ILE DE CAYENNE
C’est ainsi qu’en 1772, il part pour la première fois, rejoignant la Guyane. Arrivé là, il fait de premières excursions « à ses frais » pour satisfaire sa curiosité et découvrir toutes les ressources qu’offrent la Guyane et plus particulièrement l’île de Cayenne. Le 19 octobre 1773, il part, accompagné de huit volontaires et de six indiens, pour sa première mission officielle, confiée par le gouverneur de la colonie qui lui intime l’ordre de détruire les campements de « nègres fugitifs » (esclaves en fuite) qui inquiètent beaucoup la colonie. La mission est un échec puisqu’ils ne trouveront pas les fugitifs, mais ils en profitent pour conduire « une excursion topographique » d’environ cinq mois pendant laquelle ils traversent la Guyane dans toute sa largeur. Première traversée du genre, dans des contrées inconnues, des forêts épaisses sans chemin ni traces, qui leur permet d’atteindre le Rio Negro, affluent de l’Amazone qui sépare la Guyane du Pérou. Ce périple est l’occasion de multiples observations en histoire naturelle.
Cette première expédition lui offre la reconnaissance et l’estime. A son retour en avril 1774, les administrateurs de la colonie lui confie alors d’ouvrir une route par eau allant de Cayenne à la montagne la Gabrielle. Le territoire qui les séparent est complexe, couvert de savanes et de marécages et d’une végétation dense et infesté d’animaux sauvages (caïmans, reptiles, moustiques...). L’enjeu est de taille : favoriser la production d’épices, de cacao, de vanille, de bois de couleurs... dont la France manque cruellement. Il embarque sur un petit canot en compagnie de dix indiens pour un éprouvant voyage de 22 jours, mais c’est une pleine réussite. Une voie est ouverte ! Il fait un premier retour en France, rapportant une collection d’environ cent soixante oiseaux rares qu’il lègue au Cabinet d’Histoire naturelle. Certains vivants, les autres préparés avec la méthode de stérilisation à chaud de René Antoine Ferchault de Réaumur. Il reçoit à cette occasion le titre de correspondant du cabinet d’Histoire naturelle et de naturaliste-voyageur du gouvernement. Il repart à Cayenne à bord du vaisseau appelé l’Equité, visitant au passage la côte occidentale de l’Afrique, du Cap Blanc jusqu’au Sénégal, les îles du Cap Vert dans une traversée de 5 mois. Arrivé en Guyane, il multiplie les expéditions, découvrant de nouvelles variétés d’insectes, d’oiseaux... qui seront par la suite consignées dans le Journal de Physique de l’abbé Rozier. Il rentre définitivement en France en 1776.
LA BASSE ET HAUTE EGYPTE
Encouragé par Buffon, son maître, il se porte volontaire pour accompagner une expédition devant se rendre dans les principales villes et ports de l’empire Ottoman, et ainsi s’embarque au port de Toulon le 26 avril 1777. Il est porteur d’instructions de Buffon qui lui commande certaines observations (minéraux, animaux...) en échange d’un financement partiel du voyage. Lorsqu’ils accostent à Alexandrie le 20 juin 1777, il trouve des ordres de Louis XVI pour voyager en Egypte accompagné d’un dessinateur missionné par Buffon. Il parcourt le pays en tous sens, découvre et observe la faune, la flore, mais aussi les mœurs et habitudes des habitants (allant semble-t-il jusqu’à réussir à rentrer dans un harem). Le voyage durera une année, parsemé de péripéties parfois rocambolesques, qu’il rendra public quelques années plus tard en publiant un « journal » en 4 tomes. A son retour, il fait la connaissance du Chevalier d'Entrecasteaux, commandant de la frégate du Roi La Mignone qui accepte généreusement de l’accueillir à son bord. Ensembles, ils appareillent pour la Grèce et la Turquie le 17 octobre 1778.
LA GRECE ET LA TURQUIE
Il profite de ce voyage de plus de 5 mois pour étudier les oiseaux migrateurs qu’il croise en mer, visiter Chypre dont il étudie la végétation et les us et coutumes avant de partir vers Rhodes et son Colosse, d’accoster sur de nombreuses îles de la mer Egée (Kos, Amorgos…) étudiant poissons, oiseaux, plantes... Il va aussi aborder en Macédoine, en Morée (Péloponnèse) et surtout à « la magnifique île de Candie » où il se rend à plusieurs reprises et dont il admire les magnifiques jardins, très proches de la nature sans contrainte pour les végétaux. Il part également en excursion sur les îles de Milo et de l’Argentière, s’intéresse aux coutumes de l’archipel « souvent entourées de superstitions », ce qui permet la description détaillée par exemple d’un accouchement très différent de ce qui se pratique en Europe. Il se trouve en contact avec des fléaux tels la lèpre, les épidémies quasi annuelles de peste... et va même jusqu’à faire une combat naval contre les anglais. Il rentre à Toulon le 18 octobre 1780. A la suite de ce voyage il écrira en 1801, Voyage en Grèce et en Turquie fait par ordre de Louis XVI et avec l’autorisation de la cour Ottomane, un ouvrage en deux tomes dans lequel il rappelle combien voyager dans l’Empire Ottoman était alors dangereux pour les français. S’en suit alors une période de 30 années sans voyages, où il vivra deux autres passions, l’expérimentation agricole et botanique, puis l’écriture et l’édition.
LA MOLDAVIE
Ce sera son tout dernier voyage, il a alors 60 ans lorsque le 3 octobre 1810 il accepte la charge d’instituteur, pour une durée de cinq ans, du fils d’un boyard moldave nommé Katarzy. Il part, accompagné de sa femme et de sa nièce, passant par Munich où il est accueilli par Maximilien von Mongelas (1759-1838), Premier ministre du roi de Bavière et le prince Ivan Ivanowitch Bariatinski (1772-1825) ministre du roi ce qui lui fera dire : « Fallait-il que je sortisse de France pour recevoir des témoignages d’estime et de considération… ». Ensuite il traverse Vienne en Autriche, Lemberg (désormais Lviv) et Czernowitz (actuelle Tchernivtsi) en Ukraine. Pourtant arrivé en Moldavie roumaine c’est la déception, le père de son élève est arrêté et déporté vers la Sibérie six semaines après son arrivée. Se trouvant sans argent, il n’a d’autre choix que de vendre sa riche bibliothèque à l’archevêque Ignatius qui en fait présent au lycée grec de Bucarest dont il est le fondateur. Il ne veut retourner en France sans avoir visité la Moldavie et la Valachie, ancienne patries slaves peu connues des voyageurs. Il obtient l’autorisation et les moyens de faire ce voyage de l’empereur Alexandre Ier de Russie (1777-1825). Accompagné d’un dessinateur, il part en exploration dans les montagnes qui bordent la Bucovine et la Transylvanie avec les mêmes objectifs : l’histoire naturelle, les mœurs et usages des habitants, l’étude du climat... Mais la maladie le frappe durement, il comprend qu’il est temps de prendre le chemin du retour. Il meurt à Paris quelques semaines plus tard.
A découvrir "L'amour des Voyages", exposition hommage à Sonnini, jusqu’au 15 septembre en entrée libre Du 13 février au 30 avril : tous les jours de 10h à 12h30 et de 14h à 17h – sauf jeudi matin Du 1er mai au 30 juin et du 1er au 15 septembre : tous les jours de 10h à 12h30 et de 14h à 18h Du 1er juillet au 31 août : tous les jours de 10h à 18h