L'exode.

L'exode.

mardi 17 mars


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Le 30 octobre 1938, Orson Welles lance ce qu’on appellerait un fake aujourd’hui. Il annonce à la radio que les Martiens envahissent la terre. « Mes bien chers concitoyens, je ne vous cacherai pas la gravité de la situation. Ni l’extrême gravité de la menace à laquelle nous sommes confrontés. » Ses propos sont très proches de ceux entendus hier lors de l’allocution du président. On dit que l’émission de Welles a provoqué une panique mettant sur les route 3 millions de personnes. Le chiffre est peut-être un peu exagéré, mais le symptôme est intéressant à mettre en parallèle avec l’exode auquel nous venons d’assister dans les gares parisiennes.  


Les Parisiens* se sont précipités vers la province, vers les résidences secondaires, question de vivre au grand air cette période indéterminée de confinement. Il y a trois jours, ils étaient dans les bars et les restaurants, il y a deux jours, ils se promenaient sur les bords de Seine ou piqueniquaient dans les parcs dans une promiscuité qui était une offense à la santé publique.

Une amie qui possède un gîte en Normandie a reçu, dimanche soir, de la part d’habitants de la capitale une demande de location pour un mois. Elle l’a refusée en s’asseyant soit dit en passant sur une belle somme d’argent, car cela ne correspondait pas à son éthique.

La Bretagne devenue un refuge climatique connaît depuis quelques années une explosion de la fréquentation touristique. L’immobilier a flambé, les autochtones se logeant avec beaucoup plus de difficultés depuis lors. Aujourd’hui, la gare Montparnasse était bondée. C’était l’exode ! Alors que le gouvernement a mis des moyens supplémentaires dans les services sanitaires en priorité en Ile de France et dans la Région Grand-Est (la première sévèrement touchée), ces personnes sont parties infester d’autres régions et créer des situation de tension. On aura peut-être l’occasion d’en reparler, mais je préfèrerais me tromper dans mes prédictions alarmantes.


Pour notre part, l’idée de partir en Aubrac ne nous a pas effleurés plus d’une minute. Transporter le virus dans une région faiblement impactée dont les services de santé ne pourront pas faire face à une accélération de la maladie, est un acte incivique, irresponsable, et pourquoi pas criminel. Nous avons renoncé par respect pour le lieu et ses habitants.

Nous restons donc à Avignon, sans espace extérieur. Les activités sportives, le jogging en ce qui me concerne, seront les rares moments où il sera permis d’admirer la nature qui s’éveille. Ce matin, le thym était en fleur, les valérianes prometteuses, et les canards batifolaient.


L’autre sujet qui agite les médias dans le contexte de l’épidémie, ce sont les aveux d’Agnès Buzyn parus dans le Monde aujourd’hui. Deux jours après sa sévère défaite lors des Municipales à Paris, elle confie sans vergogne son désarroi face à la crise sanitaire que la France traverse.

À propos du maintien des élections, elle dit « On aurait dû tout arrêter, c’était une mascarade. » Elle n’est pas la seule à le penser. Néanmoins, si elle avait fait un bon score, aurait-elle tenu les mêmes propos ? Je n’ai pas la réponse et lui prêter de mauvaises intentions serait tirer sur une ambulance et, en période de crise sanitaire, ça ne se fait pas. Le plus interessant dans cet interview, ce sont ses révélations à propos du déroulé des événements qui nous ont menés à cette situation catastrophique. Ses propos trahissent l’incurie du gouvernement (dont elle faisait partie, soit dit en passant) : 

« Je pense que j’ai vu la première ce qui se passait en Chine : le 20 décembre, un blog anglophone détaillait des pneumopathies étranges. J’ai alerté le directeur général de la santé. Le 11 janvier, j’ai envoyé un message au président sur la situation. Le 30 janvier, j’ai averti Edouard Philippe que les élections ne pourraient sans doute pas se tenir. Je rongeais mon frein. » On connait la suite : D’abord, la capitaine abandonne le navire puis, sans vergogne, affiche ses regrets pleurnichards. 

Ce soir, le calme, un peu angoissant je dois l’avouer, est tombé sur la ville. Pas de circulation automobile. On se dit qu’on pourra vivre le printemps les fenêtres ouvertes sans être gênés par bruit. Une aubaine.

Pour justifier toute sortie nous devons posséder un document pompeusement appelé « Attestation de déplacement dérogatoire ». Il est à télécharger sur internet. Beaucoup de Français sont dans l’incapacité de le faire. La fracture numérique, en somme, prive une partie de la population de ce laissez-passer. Mon père est dans ce cas. Au téléphone ce matin, il filait toujours la métaphore avec la guerre en parlant du précieux ausweis. Heureusement, une solution a été trouvée : mon fils qui habite à proximité, le postera dans sa boîte aux lettres. En règle, mon père pourra faire ses courses et marcher dans la garrigue.

*terme générique qui désigne les habitants des grandes villes diplômés et individualistes.

Nina ROJTMAN Jin Shin Do/Shiatsu

Praticienne certifiée en Jin Shin Do

4 ans

J'avoue que quand une bonne amie de Paris m'a dit qu'elle partait en Bretagne avec son amoureux (juste avant l'annonce officielle du confinement), je n'ai rien trouvé à y redire. Mais à présent je vois que multiplié par des milliers c'est juste... exactement ce que tu en dis Caroline. Mais peut-on reprocher à ces gens d'avoir la mentalité que des décennies d'idéologie dominante leur ont inculquée ? Individualisme, même plus perçu comme tel, hédonisme, et puis récemment le "Même pas peur" opposé aux attentats djihadistes... le Parisien n'a peur de rien (car il faut le redire : ce n'est pas la peur qui les fait fuir, sinon celle de la perspective d'être bloqué dans un 15m² sans possibilité d'aller faire la teuf et boire des coups) ! Alors, voilà, les résultats sont là ; à pleurer. Mais la destruction du service public, dont le système de santé en tout premier lieu, est aussi le produit de ce zeitgeist, et ses effets sont là aussi à hurler ; que Macron en soit à dire "On va réquisitionner des hôtels..." alors que ne pas supprimer de lits dans les hôpitaux et ne pas fermer les petits hôpitaux de proximité aurait sans doute été plus généreux, et aujourd'hui tellement plus pratique et plus adapté à l'urgence des besoins... Bref. On a"the big picture" d'un coup d'un seul sous nos yeux effarés.

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