A l’hôpital, ce n’est pas une crise, c’est le résultat d’une politique.
Les élus ne défendent l’hôpital public que lorsqu’ils sont au cœur de leur cité. Mais lorsqu’ils sont au pouvoir, ils votent tous, comme un seul homme. Toutes les réformes qui sont imposées par la nébuleuse du monde de la finance sont instrumentalisées par le gouvernement du moment. En 2011 j’avais décrit « l’hôpital disloqué ». Je trouve qu’il est intéressant d’en reprendre la lecture pour démontrer que rien n’a changé si ce n’est en plus mal.
Les discours ne suffisent plus. Face à l’autisme des gouvernements successifs il y avait les grèves. Inefficaces, car le pouvoir a toujours le sentiment d’avoir raison tout seul. Aujourd’hui, ce sont les arrêts maladies qui se substituent au dialogue social moribond. J’avais indiqué à plusieurs reprises, à ces gens qui se placent au dessus,
« Vous n’écoutez pas le personnel hospitalier et vous allez tuer ce qu’il a de plus précieux, son dévouement, sa disponibilité. Ce jour là il sera trop tard et il vous faudra des décennies pour réparer vos dégâts ».
Mais, la parole d’un représentant du personnel est inaudible pour ces gens qui moisissent dans leurs bureaux climatisés.
Réforme de la sécurité sociale; création de la CSG; création de la tarification à l’activité (T2A); nouvelle gouvernance de l’hôpital et la dernière, la Loi « Hôpital Patient Santé Territoire » (HPST). Les résultats apparaissent au grand jour mais ne sont que la partie apparente d’un iceberg hospitalier à la dérive.
En 2011 j’avais décrit cet « hôpital disloqué ». Je trouve qu’il est intéressant d’en reprendre la lecture que je vous propose en articles successifs durant les semaines qui viennent.
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Mais découvrez cet extrait qui porte sur la T2A, imposée contre avis médical:
Un avis clair sur « les enjeux éthiques de la contrainte budgétaire sur les dépenses de santé en milieu hospitalier »
Ainsi, le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) pour les sciences de la vie et de la santé a eu à se prononcer sur « les enjeux éthiques de la contrainte budgétaire sur les dépenses de santé en milieu hospitalier ». Mme Van Lerberghe, alors Directrice Générale de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, (AP-HP) a souhaité que le CCNE se prononce sur les problèmes éthiques posés par la contrainte budgétaire en milieu hospitalier, notamment en matière d’arbitrage des traitements particulièrement coûteux ou des interventions très lourdes.
« Sur quels critères peut-on fonder une décision équitable lorsqu’il s’agit de choisir entre deux impératifs souvent contradictoires : préserver la santé d’un individu et gérer au mieux celle d’une communauté de personnes ? »
Doit-on suivre une logique de santé solidaire mutualisée ou affecter au mieux les fonds publics dans le sens d’un bien commun auquel chacun a droit ?
L’avis est clair. Il contient quelques notions qu’il est bon de rappeler.
Pour l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS),
« une politique de santé équitable doit non seulement combattre la maladie, mais aussi assurer à la population un minimum de bien-être et d’épanouissement ».
Or, précise l’avis, "dans notre pays, l’espérance de vie des personnes les plus défavorisées se rapproche en France de celle de certains pays du tiers monde". Négliger la mission sociale de l’hôpital ferait courir le risque d’aggraver ces disparités socio-économiques.
Le CCNE reprend ensuite la position du Fonds Monétaire International sur les dépenses de santé. Les auteurs d’une étude du FMI signalent que « le coût de la santé ne peut être traité à partir de la seule approche comptable ».
En effet, estiment-ils,
« la logique de marché ne lui est pas adaptée en raison du risque d’inflation lié à l’asymétrie entre l’offre de soins et de la demande des patients, qui nécessite un arbitrage de l’Etat. Il est important de rappeler que les dépenses de santé correspondent aussi à des investissements qui présentent eux-mêmes une incidence positive sur l’activité économique ».
En conséquence, conclut le FMI,
« un examen global de l’activité hospitalière se doit de comparer les dépenses qu’elle engendre et l’ensemble des bénéfices directs et indirects qu’elle induit. Une dépense initiale peut générer des économies substantielles ».
Un message inaudible en France.
Sur la T2 A, le CCNE est très clair :
« le concept de rentabilité ne peut s’appliquer à l’hôpital de la même manière qu’à une activité commerciale ordinaire » ; « la T2 A est conséquente d’une évaluation d’actes techniques effectués au cours de diagnostics ou de soins médicaux ou chirurgicaux. En dehors de ces circonstances, elle s’adapte probablement mal à la prise en charge des maladies chroniques, des soins de suite, des soins palliatifs, des personnes âgées ou des enfants malades ou encore à la reconnaissance des actions de prévention ».
C’est on ne peut plus clair. Le CCNE recommande un certain nombre de pistes :
« de se réinterroger sur la mission primaire essentielle de l’hôpital. Celle-ci a en effet dérivé de sa mission originelle d’accueil de la précarité et de la maladie, puis de sa mission de recherche et d’enseignement, vers la situation actuelle qui fait de plus en plus de l’hôpital un service public, industriel et commercial qui a pour conséquence de déboucher sur un primat absolu donné à la rentabilité économique, au lieu de continuer à lui conférer une dimension sociale. »
Enfin, le Comité d’Ethique recommande de s’assurer du maintien du lien social pour éviter que la personne ne sombre dans l’exclusion une fois le diagnostic fait et le traitement entrepris. Il conclut ainsi :
« Quelle logique est à l’œuvre, si le succès médical est suivi d’une mort sociale ? »
Une question que ne se pose plus nos gouvernants !
Secrétaire Général FO chez CH SUD Seine et Marne
5 ansBonjour Denis, Le rouleau compresseur est en marche, les restructurations et autres réformes sont entrain de détruire le service public hospitalier.