Libre ? (LP-26/11/2020)
« La liberté n’est que l’ignorance des causes qui nous déterminent » Spinoza
Sommes-nous réellement libres ? Les confinements, les couvre-feux nous font ressentir une privation d’aller et venir, de se voir. La fermeture des lieux de loisir nous impose une interdiction de consommer. Alors, nous ressentons probablement une réduction de nos libertés, même si cela est pour notre bonne santé.
Comme tous les êtres vivants, nous sommes physiologiquement totalement déterminés, par notre espèce et notre ADN. Et même si les manipulations génétiques pourront repousser un peu ces limites, nous resterons ainsi déterminés.
Ma vie est liée à mon acceptation des systèmes qui me sont imposés, en dehors d’eux je survie tout au mieux et probablement peu de temps. Je suis soumis à des lois physiques, au vieillissement, à la maladie, au besoin de me nourrir, de respirer etc… De quel degré de liberté supplémentaire est-ce que je dispose par rapport à un loup ou une abeille ?
La somme de conditionnements
Mon éducation m’a transmis des héritages, c’est-à-dire des filtres et façons de voir le monde, de me comporter, de penser, d’être. Je ne suis donc que le produit de ces dons, conditionnements ou manipulations, selon comment nous les considérons. Lorsque j’agis, je ne suis pas libre car mon expérience me dicte de faire ou de renoncer. Lorsque je fais un choix, il est contraint par des règles. Mais j’associe le fait de choisir et d’agir à la notion de liberté.
Si vous étiez nés au Tibet et aujourd’hui moine, seriez-vous différents ? Vous sentiriez vous plus libres ? On nous a appris que faire de belles études conduirait à un beau métier ; qu’un beau métier donnerait un bon salaire ; qu’un bon salaire permettrait d’être à l’abri et de profiter de la vie. Et le moine tibétain a écouté un discours différent sur les arguments mais similaire dans la forme. La vraie liberté serait de pourvoir et d’oser basculer pour nous dans la vie d’un moine tibétain (et réciproquement), mais qui est capable de le faire réellement, pas seulement en se disant que ce serait super ?
Le libre arbitre existe-t-il ?
Ce qui me différencie de l’animal c’est mon libre arbitre, en théorie. Lorsque je consomme, je pense choisir librement alors que me sont imposés des cadres de pensée, des filtres de perception, que mes biais sont entretenus. Et je ne parle pas du neuro-marketing !
Pourquoi achetez-vous ce vêtement ou ce véhicule de marque ? Pourquoi achetez-vous du bio ? Pourquoi consommez-vous de la nature comme ressourcement et rééquilibrage si vous n’étiez pas poussés au déséquilibre ? Pourquoi vous ruez-vous sur Black Friday, sur les soldes, sur les promotions alors que vos armoires débordent ? Mais comme je consomme et je fais, j’ai le sentiment d’être libre.
Comme j’achète des produits, je consomme aussi de la relation, au travail, entre amis, avec la famille. Avec cette capacité à se retrouver treize à table avec treize portables en main !
Et je ne parlerai pas ici de destin ou de Karma, concepts totalement dévastateurs pour la croyance en mon libre arbitre.
De quoi suis-je libre ?
La liberté est-elle un construit qui nous permette de croire que nous avons la maîtrise de nos vies ? Ne touchons-nous pas la limite aujourd’hui de ce que nous appelons liberté ? De partout où nous regardons les situations se ferment, alors qu’il y a 70 ans le monde semblait s’ouvrir à l’épanouissement de chacun.
Le confinement questionne et révèle ces questions car il bouleverse le ronron rassurant. Il n’y a qu’à voir la façon avec laquelle nous nous sommes comportés à l’issue du confinement précédent. Rien n’a changé et rien ne changera. A l’issue de celui-ci nous allons nous ruer sur la consommation, les voyages et tout ce qui chez nous semble estampillé : « tu es libre mon ami ! ».
Je suis libre de me libérer en partie de ce qui me contraint, de ce qui me conditionne, mais jamais en totalité. Je suis libre de douter, de questionner, de nourrir mon esprit et ma réflexion, d’infléchir ma pensée, sans jamais être certain. Je suis libre de ressentir, d’éprouver, de m’imprégner, sans comprendre pourquoi cela est.
Je suis libre de supposer que la liberté n’existe peut-être pas
© Lionel Pradelier – (Merci de vos commentaires et de vos partages)