L’impact de la COP 21 sur l’univers Aerospace
Bien que non invité à cet évènement, l’opinion montre du doigt notre secteur.
Les idées reçues !
L’avion est considéré comme un moyen de transport polluant, ce qui n’est pas faux mais il ne mérite pas l’image que certains média diffusent en le dénonçant comme l’un des principaux acteurs de pollution de notre planète … . Que l’avion pollue est indéniable mais il est important de relativiser. La pollution émise par les avions correspond à environ 2% des rejets mondiaux de CO2. Les prédictions les plus alarmistes prévoient 4,5% en 2050, en tenant compte de la croissance du trafic aérien et en occultant les innovations en cours et à venir. Comparons ces chiffres à quelques points de repères :
- Les data centers des géants Google, Facebook, Netflix, Amazon etc. polluent autant que les avions avec une trace carbone (émission de CO2) de 2%. Et inéluctablement cette pollution va croitre très fortement et rapidement. A-t-elle le même traitement que l’aviation dans les médias ? L’opinion public voit-elle ces datas centers comme des pollueurs ? Officiellement ce secteur a-t-il des contraintes écologiques ?
- Le fret maritime, en données corrigées, représente à lui seul 5% des émissions globales (Source : étude du Guardian) et les prédictions annoncent une augmentation à 30% dans les 15 prochaines années. Or ce secteur, tout comme le précédent, n’est soumis à aucune contrainte environnementale et ne s’attire pas les foudres médiatiques.
- Qu’en est-il du train qu’on nous vend comme le moyen idéal le moins polluant. La SNCF met en avant un palmarès des transports « propres » qui classe le TGV N°1 avec 13gCO2/Km devant la voiture électrique 22gCO2/Km. L’avion lui est bien loin derrière avec ses 118gCO2/Km restant malgré tout devant la voiture 4X4 qui affiche 250gCO2/Km. Je souhaiterais apporter à cette place de tête un bémol : en effet, si l’on rajoute au train l’impact de CO2 utilisé pour faire les infrastructures et gérer ces mêmes infrastructures (L’ensemble des gares avec leurs émissions de CO2, le traitement des déchets nucléaires puisque utilisation de l’énergie 100% électrique ...) En intégrant la réalité de ces données, le train tombe de son piédestal !
Ce ne sont que quelques exemples et mon propos est surtout de dire l’importance de mieux communiquer sur le fait que l’industrie aéronautique est une industrie responsable qui met tout en œuvre - aussi bien du côté des industriels que des opérateurs - pour réduire sa trace carbone et cela depuis la naissance de l’aviation. Ce paramètre a toujours été pris en compte. C’est natif dans ce secteur ! Chaque avion doit toujours être le plus performant et consommer le moins possible pour augmenter son rayon d’action et réduire son coût de fonctionnement. Pour rappel L’OACI (Organisation de l’Aviation Civile Internationale - 191 Etats Membres) a émis sa première réglementation environnementale en 1968. Aussi, le résultat est là : depuis la Caravelle, nous avons diminué de 70 % la consommation des avions de lignes. Et la consommation va encore diminuer. Un exemple avec l’AIRBUS A380 dont la consommation par passager est inférieure à 3L pour 100Km. Jusqu’à preuve du contraire, l’avion est le seul moyen de transport qui permet de relier des points de longue distance avec un coût aussi faible. L’IATA (Association Internationale du transport Aérien) annonce encore une baisse des émissions de 1,5% d’ici 2020 et une réduction de moitié d’ici 2050 par rapport à 2005.
Les axes qui vont permettre d’atteindre ces objectifs :
- Des moteurs de nouvelle génération avec une diminution de la consommation actuelle de 15 à 20%. Tous les motoristes y travaillent (General Electric, Rolls Royce, Smecma SAFRAN, Pratt & Whitney)
- Les Bio Carburants( Merci de lire les remarques de Nicolas JELLAND ci-dessous) : leur ajout au kérosène traditionnel à hauteur de 10% va permettre de réduire de 80 % le gaz à effet de serre (Ce Bio Carburant est encore trop cher, de 2,5 à 6 fois plus cher que le kérosène). Deux bio Carburants pour l’instant sont testés : les algues et le Jatropha Cursas. Les algues possèdent un potentiel 50 fois plus important en huile que les végétaux. Le Jatropha Cusas est un arbuste du désert pauvre en eau donc intéressant pour une grande production. Reste la question de la culture intensive. Mais pour obtenir du Bio Carburant c’est la seule alternative. (Les avions de chasse, comme le GRIPEN E, testent le Bio Carburant).
- Les innovations : les nouveaux logiciels de PLM, les simulateurs 3D vont contribuer à faire des avions plus performants avec améliorations des fuselages, design des ailes, matériaux composites (pour exemple l’Airbus A 350 est constitué de plus de 53% de composites), avions plus légers, plus fluides, moins de résistance à l’air … Résultat : une meilleure consommation énergétique.
- Les nouvelles procédures : obtenir des routes aériennes plus directes. Les différents acteurs travaillent pour optimiser les trajectoires (ciel unique) et désengorger les espaces d’approche en fluidifiant le trafic pour réduire les temps de vol. Déplacements des avions au sol assistés. Aide au roulage par des moteurs électriques situés au niveau des roues plutôt que les moteurs principaux alimentés au kérosène pour se déplacer sur le taxiways. Ce roulage se fait à la vitesse d’un homme qui court (15Km/h).
- L’électricité : axe de développement qui devient stratégique dans un avion, pour le roulage, pour le dégivrage des bords d’attaques (plus efficace) etc. L’électrique devrait progressivement remplacer les circuits hydrauliques et pneumatiques à bord (notamment pour actionner les trains d’atterrissage, les freins, les commandes de vol, les inverseurs de poussée, la pressurisation de la cabine, etc.)
Le Ballon Dirigeable : pour le transport de marchandises, il est imbattable écologiquement pour atteindre des zones difficiles hors infrastructures route, rail, réseau aérien. Il sera en mesure de transporter des charges lourdes. Serions-nous prêts à faire un Paris New York en plus de 43 heures ? Et sans tenir compte d’un risque de retard car les dirigeables sont plus sensibles au vent … C’est pourtant le prix à payer pour obtenir un coût environnemental presque nul. Pourtant ce serait exactement comme les voyages à bord d’un bateau de croisière… Ce qui est incompréhensible c’est que le ballon ne figure dans aucune stratégie gouvernementale ni industrielle.
Les contributeurs dans la lutte à la trace carbone
AIRBUS est un des contributeurs avec la famille des A 320 Neo par exemple (Des avions qui consomment moins et qui ont déjà pris en compte les items énoncés ci-dessus). THALES, avec sa division Satellites Thales Alenia Space, y participe également. A cette occasion, ils ont publié un livre « Climate Change & Satellites 2015 ». SAFRAN travaille pour un avion encore plus électrique.
La recherche
Elle est permanente dans ce secteur. Comment ne pas mentionner SOLAR Impulse, un avion dont les ailes sont tapissées de 17000 cellules photovoltaïques et qui a presque fait le tour du monde à la seule énergie solaire ! Le E-Fan d'AIRBUS un avion électrique déjà très populaire Et L’Eraole avec son moteur électrique, son biocarburant, ses ailes photovoltaïques. Son objectif est d’effectuer le premier vol transatlantique sans carbone pour Juin 2016.
Manageur R&D, innovation, BE, projets Industrie, International
9 ansBonjour Philippe BOISSAT, je souhaite apporter un complément concernant les dirigeables. Plusieurs initiatives sont en cours (voir par exemple le projet de dirigeable stratosphérique Stratobus et le transport de charges lourdes avec le dirigeable du projet Flying Whales). Ces projets associent plusieurs industriels et partenaires académiques majeurs (Thales Alenia Space, Zodiac Aerospace, ONERA, CEA Liten, .... ) et des expertises techniques pointues telles que celles que TRONICO peut apporter. Quelques éléments et une roadmap sont indiqués ici : http://airshipservices.fr/download/Dirigeables-charges-lourdes-et-Drones-civils-Nouveaux-services-aeriens-Copil-NFI.pdf
Fellow expert / Prospective manager "Aviation environmental impact assessment and low carbon fuels" at Safran
9 ansBonjour Cyril GERMAIN, Attention, il ne faut pas confondre les NOx (oxydes d'azote émis lors de la combustion) et le N2O (protoxyde d'azote). Les NOx sont très peu liés au réchauffement climatique, ou alors uniquement indirectement via leur impact sur le méthane en haute atmosphère (et dans ce cas, c'est même plutôt positif !). Le N2O, par contre, a un potentiel de réchauffement climatique en effet très élevé (298 fois plus élevé que le CO2, pour être exact, selon le GIEC). Ce N2O n'est pas émis par les avions et très peu par le transport terrestre (de façon minime éventuellement dans les systèmes de post-traitement). Par contre, il est pris en compte dans le bilan des biocarburants car il peut être émis lors de la décomposition d'engrais azotés.
Fellow expert / Prospective manager "Aviation environmental impact assessment and low carbon fuels" at Safran
9 ansDernière chose : je ne serais absolument pas aussi catégorique sur les filières et le recours nécessaire à l'agriculture intensive. On peut faire des biocarburants à partir de nombreuses filières, notamment les déchets de bois, les déchets organiques, les huiles (végétales, mais aussi microalgues ou levures, ainsi que les huiles recyclées). De nombreux travaux sont en cours afin de développer de nouvelles filières, dont par exemple les filières de valorisation du CO2 (le projet Européen "SolarJet" est un bon exemple). Bref, les solutions technologiques sont multiples, et seule la combinaison de ces différentes filières permettra un développement massif des biojets. En gros, il faut à un endroit donné utiliser au maximum la biomasse disponible !
Leader Technique chez Desjardins
9 ansSans compter que le l'aviation nécessite des infrastructures beaucoup moins lourdes et éminemment plus flexibles que celles du rail, étendard gouvernemental depuis plus de 40 ans et raison de la quasi décrépitude du secteur aérien national. L'autre aspect, et qui est à mon avis non négligeable, c'est de considérer chaque moyen/source d'énergie, non pas en se centralisant sur le CO2 uniquement, mais sur tout les gaz émis. En effet, il faut considérer chaque item dans sa globalité, et une vision restreinte sur le CO2 mène actuellement bon nombre de solution dans de mauvaises direction. L'exemple européen des voitures et de la dieselisation excessive est un parfait exemple, le diesel émet certes moins de CO2, cependant il émet d'autres gaz comme les NOx qui ont un pouvoir "effet de serre" plus de 300 fois supérieur au CO2, et je ne parle pas de l'aspect sanitaire ici. Enfin, je terminerai mon commentaire sur la COP21 plus généralement, en exprimant mon regret qu'une voie simple ne soit pas actuellement prise, et qui pourtant apporterait un réel coup de pouce dans le bilan global d'émission de CO2, c'est le recyclage de ce dernier. Les solution techniques existent en effet pour le capter dans l'atmosphère et le retransformer en biomasse ré-injectable dans le circuit énergétique actuel sans modification.
Fellow expert / Prospective manager "Aviation environmental impact assessment and low carbon fuels" at Safran
9 ansLa filières qui aurait potentiellement le plus grand impact reste la voie Fischer-Tropsch sur voie lignocellulosique, appelée BtL. Des gains en CO2 de 90% semblent atteignables, et la filière est déjà certifiée à 50%. On pourrait donc théoriquement atteindre une réduction de 45% des émissions de CO2 de l'aviation avec une telle filière. Maintenant, la principale difficulté reste la production. Actuellement, il n'y a que très peu d'unités de production de biojets dans le monde, principalement pour des raisons économiques. De nombreux travaux sont en cours, notamment au niveau de l'OACI / CAEP pour proposer des voies permettant de développer ces filières