L'indice de négociabilité
L’indice de négociabilité
Un truc à savoir que vous ne trouverez dans aucun livre sur la négociation, que j’ai découvert après 25 ans de médiation dans les conflits internes aux entreprises.
L’actualité remet en lumière « l’indice de négociabilité », concept que j’ai formulé lorsque j’ai écrit mon bouquin sur la médiation.
Puisque vous négociez régulièrement avec le président d’un grand pays avec l’espoir de lui donner des conseils utiles, vous avez forcément remarqué à quel point il est important de savoir s’il est en train de vous exprimer un point de vue, une opinion, une idée, une certitude, une conviction, une croyance ou une idéologie.
Vu que vous êtes un pro de la négociation, vous avez juste préparé quelques arguments au cas où mais vous êtes prêt à adopter toutes les postures … en fonction de quoi ?
Et bien en fonction de ce fameux indice de négociabilité de votre adversaire.
Vous avez appris à évaluer sa propre posture dans chacun de ses propos et bien sûr en bon caméléon vous adoptez à chaque fois la vôtre.
Les journalistes et les commentateurs vont vous traiter de girouette et plus généralement vos proches vont prendre vos propos au premier degré, mais c’est le prix à payer pour conduire le plus finement possible n’importe quelle négociation et sortir d’un conflit avec les honneurs.
Comme en communication l’émetteur a toujours intérêt à parler dans la langue du récepteur.
Or la négociation, ce n’est jamais qu’une communication avec un enjeu.
Le point de vue.
Il est assez rare qu‘un adversaire vous décrive honnêtement ce qu’il voit et ce qu’il entend, raison de plus pour chercher à savoir qu’elle est sa vraie vision.
Celui qui en final se tire le mieux de n’importe quel conflit est toujours celui qui a le mieux compris le point de vue de l’autre.
Un point de vue c’est la réalité vue sous un certain angle et à travers certaines lunettes.
C’est donc un aspect de la réalité à la fois limitée et déformée.
Il y a problème si l’adversaire prend son point de vue pour la réalité.
La règle est très simple.
L’autre acceptera d’entendre votre point de vue à deux conditions.
1. Vous avez d’abord porté grand intérêt au sien.
2. Vous êtes d’accord pour dire que votre point de vue (comme le sien) n’est que la réalité vue sous votre angle et à travers vos lunettes.
L’opinion
Il arrive que l’autre ait déjà confronté son point de vue à d’autres et qu’il se fasse de la situation une opinion assez documentée.
Posture : apprécier les efforts d’objectivité de l’autre.
Le négociateur en apportant des informations nouvelles peut amener à faire évoluer des gens dont les opinons divergent mais qui restent « négociables ».
L’idée :
Mon adversaire a déjà réfléchi à la question et il a enrichi son opinion d’idées personnelles.
Il est normal qu’il y soit assez attaché.
Si ses idées ne me conviennent pas je vais devoir trouver les bons arguments pour le faire évoluer dans le sens qui m’arrange.
C’est à ce stade que l’on rencontre éventuellement les grands débateurs d’idées amateurs de joutes intellectuelles.
Toute l’astuce consiste alors à lui donner raison sur tout ce qui n’est pas important pour vous et de rester ferme sur les débats à gros enjeu.
Un débatteur d’idée professionnel est assez facilement « manipulable »* et en sens reste « négociable ».
La certitude
A force d’échanger avec d’autres personnes compétentes, votre interlocuteur a pu parvenir légitimement à des certitudes qui ne vous arrangent pas forcément.
Il reste négociable si vous lui apporter des informations nouvelles.
On entre un peu dans ce que l’on appelle les querelles d’experts.
Pour gagner la négociation il va falloir mettre votre orgueil dans la poche.
Il faut éviter de vexer un expert si on veut le faire évoluer dans sa vision de la réalité.
Le fin du fin, c’est si la solution qui vous arrange est une idée de lui que vous finissez par accepter pour lui faire plaisir.
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Bon ! La négociation fine s’apparente à la manipulation mais il ne faut pas confondre l’outil et l’usage qui en est fait, le savoir-faire et l’éthique.
La conviction
Votre adversaire fait du prosélytisme et milite pour une cause qui ne vous convient pas.
Le faire évoluer ne va pas être simple.
La seule solution c’est la technique de la marche arrière.
Face à quelqu’un qui cherche à passer en force à la manière d’un pilier de rugby, il convient de vous positionner comme un arrière de hockey sur glace.
Il s’agit du seul sport où l’on se déplace plutôt plus vite et plus souplement en marche arrière qu’en marche avant.
Face à celui qui fonce, vous reculez mais en le regardant dans le blanc des yeux et vous profitez de sa force et de sa lancée pour le détourner du but en le détourant vers la barrière contre laquelle il va se fracasser avec une grande énergie.
Négocier avec quelqu’un qui veut absolument vous convaincre (un militant) est la plus amusante de toutes les négociations.
D’accord sur tout jusqu’à ce qu’il ne dise plus que des absurdités et quand le taureau est épuisé, il ne reste plus qu’à porter l’estocade.
De toute manière il est parfaitement illusoire de vouloir convaincre (étymologiquement vaincre des cons) sans l’avoir d’abord compris.
Accessoirement les débats entre militants tels que nous en propose la télévision, offrent un spectacle hilarant.
Pour moi quand quelqu’un commence à militer, ça signifie qu’il estime avoir tout compris et n’a plus envie de réfléchir.
CON-VAINCRE. Je n’ai pas envie d’être vaincu et encore moins d’être pris pour ce que je ne suis que partiellement.
Donc je fais une profonde allergie à tout ce qui s’apparente à de la propagande.
La croyance
Les croyances n’existent pas qu’en religion.
Quand le chef croit à « pour vivre heureux vivons cachés » et le sous-chef que « l’important n’est pas le savoir-faire mais le faire-savoir », nous sommes bien en face d’un conflit entre deux croyances, sans rapport avec une quelconque réalité.
Demander à un croyant d’apostasier sa foi c’est lui demander de trahir ses aïeux et c’est beaucoup lui demander.
La croyance prime sur le factuel.
J’aurais tendance à vous conseiller de faire comme Henry IV : « Paris vaut bien une messe ».
Une fois la paix signée, rien ne vous oblige à devenir pratiquant assidu.
Si par exemple je crois à l’intérêt de la croissance interne mais que je dois provisoirement prêcher la croissance par rachat de concurrents, il y a peut-être des concessions à faire pour garantir la pax romana à base de pensée unique et de langue de bois.
« Jusqu’où faut-il perdre la face pour garder le profil ? »
Maxime de mon alter ego Glaudius Bouchon.
On peut négocier avec un boss qui a des certitudes et même des convictions mais avec ses croyances, il est plus sage de se soumettre ou se démettre, sachant que l’on peut toujours négocier des compromis à défaut de consensus.
Par ailleurs, le seul ciment qui tient soudée une organisation de plus de 500 personnes, c’est la langue de bois et il convient de la respecter sous peine d’être exécuté.
L’héroïsme en matière de négociation dans l’entreprise a ses limites et le métier de fou du roi, celui qui peut tout dire parce qu’il est jeune, grand, beau et intelligent est un métier qui s’arrête à 35 ans pour reprendre après 65 ans.
Concernant les croyances de la direction, le salarié doit sacrifier trente ans de sa vie au politiquement correct.
Dans l’entreprise les conflits de croyances sont les plus sanglants comme le sont les guerres de religions. Ils font plus de mal que les conflits d’intérêts.
L’idéologie
Si mon adversaire est un idéologue sectaire, voire un fanatique, il est fondamental de détecter dès le début que son indice de négociabilité est nul.
Inutile de perdre du temps et de l’énergie.
A vous ensuite de décider en fonction des enjeux d’une part et de sa capacité de nuisance d’autre part, si vous vous mettez aux abris ou si vous sortez la kalachnikov.
Conclusion
Il n’y a pas une bonne manière de négocier mais il y en a autant que de posture de l’adversaire.
Allez en paix mes neveux et nièces.
Oncle Jacques
Je booste l'engagement et la motivation des équipes | Secteur industrie | Conseil | Coach entreprise | Formatrice RH & Leadership de résonance
2 ansJ'ai juste envie de lire ce livre et de continuer à apprendre à ce sujet. Merci pour ce post
Entrepreneur I Investisseur I Consultant en entreprise
2 ansCyril Pezin Gilles RICHARD
Un raisonnement🗝une communication✒️une posture🏹 rigoureux et utiles ? Je guide votre démarche ou l'accomplis 🎯
2 ansOu comment et pourquoi viser la tête mais pas que...? 😉 Merci Jacques!
Economiste des PME chez AgirLà -
2 ansJe recommande la lecture et ai offert le livre à tout les membres de mon équipe. On ne m'a encore pas fendu la tête.....
anthropologue, auteur, tradipraticienne
2 ansune pépite ce livre! pour ceux qui veulent décoder et se sortir des situations conflictuelles. écrit pour les situations professionnelles, mais valable en dehors aussi:) le tout avec le style inimitable de Jacques Pommier!