L'information du débiteur cédé au coeur de la cession de créance!

L'information du débiteur cédé au coeur de la cession de créance!

La question de l’information du débiteur cédé, pourtant débattue depuis le XIXe siècle, reste d’actualité en dépit des réformes successives. Deux arrêts récents de la Cour de cassation en témoignent. Le premier, rendu par la première chambre civile le 1er juin 2022 (n°21-12.276) était relatif à une cession de créance réalisée sous l’empire de « l’ancien droit » (art. 1689 et suiv. du Code civil), où il est jugé que la remise de conclusions devant le juge de l’exécution équivaut à la signification et rend la cession « opposable » au débiteur. Le second, rendu par la chambre commerciale le 15 juin 2022 (n°20-17.154), se rapporte à une cession dans le cadre d’une opération de titrisation, et décide que lorsque le recouvrement est confié au cessionnaire, l’information du débiteur prévue par l’article L.214-172 du Code monétaire et financier (al. 3) résulte suffisamment de l’assignation délivrée au débiteur cédé.

Ces arrêts suggèrent deux séries d’observations. En premier lieu, lorsqu’il est fait référence à « l’opposabilité » au cédé, il convient de s’entendre sur le sens qu’on doit lui donner. Il ne s’agit certainement pas d’une opposabilité d’ordre. Le débiteur n’est pas en conflit avec le cessionnaire, à la différence des « vrais » tiers. Il doit simplement savoir qui payer : il s’agit de le constituer de « mauvaise foi » (art. 1342-3 c. civ. – anc. art. 1240). A son égard, pas plus à l’article 1690 qu’à l’article L.214-172, la formalité n’a pour objet de lier le débiteur au cessionnaire, puisque ce dernier est investi d’un droit de poursuite par le seul effet de l’acte de cession (on pouvait en douter dans la loi du 23 décembre 1988 relative à la cession au FCC qui requérait un consentement du cédé). En ce sens, il est logique que la remise de conclusions au cédé suffise à faire la preuve de son information dans la cession de droit commun. De même, l’information de l’article L.214-172 n’a pas besoin d’être préalable à l’assignation, mais peut résulter de celle-ci.

En second lieu, il faut tout de même relever qu’il existe une différence majeure entre les deux régimes de cession étudiés. Dans le second, la cession est opposable aux tiers (ici, il s’agit des vrais tiers, ceux qui sont en conflit avec le cessionnaire) à compter de la date mentionnée sur le bordereau (art. L.214-169, V, 2° CMF) : l’information du débiteur est indifférente au règlement du conflit entre les ayants cause du cédant. Dans la première, le conflit entre les tiers est réglé par l’article 1690, et à ce titre, la remise de conclusions ne devrait pas pouvoir suppléer l’absence de respect des formalités de l’article 1690, sauf à constater que « le défaut d’accomplissement de ces formalités ne rend pas le cessionnaire irrecevable à réclamer au débiteur cédé l’exécution de son obligation, quand cette exécution n’est susceptible de faire grief à aucun droit advenu, depuis la naissance de la créance, soit au débiteur cédé, soit à une autre personne étrangère à la cession » (not. Cass. civ 4 mars 1931, D. 1933, I, 73, note J. Radouant).

Guillaume Ansaloni

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